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L’économie selon Bertolt Brecht
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Engagé à gauche, mais critique du régime d'Allemagne de l'Est, le dramaturge allemand Bertolt Brecht propose un théâtre marxiste qui fait réfléchir le spectateur sur sa condition.
- Irène Bonnaud Metteuse en scène et traductrice
- Hélène Camarade Professeure en études germaniques à l’Université Bordeaux-Montaigne, spécialiste de la résistance allemande et de la mémoire du national-socialisme*
Né en 1898, Bertolt Brecht traverse un demi-siècle d’histoire allemande et s’empare, par son militantisme et par son œuvre littéraire, des troubles qui ont agité son siècle. Dès les années 1920, alors que la révolution russe essaime en Europe, Brecht se montre sensible à l’idéologie marxiste et s’empare de thématiques sociales voire révolutionnaires dès ses premières pièces. Mettant en scène les conditions de travail des ouvriers ou encore la misère sociale des années 1920 et 1930, il fait monter sur les planches les visages de la république de Weimar, acculé par la double crise économique de 1923 et 1929. Comme le rappelle Hélène Camarade, après l'inflation de 1923, "il y a un appauvrissement de toute la société, mais surtout de la bourgeoisie. Donc il y a vraiment une inquiétude forte dans toute la population, chez tous ces gens qui ont épargné, ce qui crée une sorte de panique, notamment dans la classe dirigeante".
Dramaturge marxiste s’il est, Brecht est néanmoins mis en difficulté par l’avènement du régime nazi et se voit contraint de s’exiler dès le début des années 1930. C'est aux Etats-Unis qu’il trouve refuge. Lors de cette période américaine, il n’occupe pas simplement son temps à écrire ses œuvres qui resteront parmi ses plus grandes pièces, mais fait œuvre de résistance, dans un “exil de la culture” qui caractérise les intellectuels allemands de l’époque.
Poursuivi par les Américains pour maccarthysme, c’est en RDA qu’il rentre en 1941, s’installant à Berlin-Est. Acquis à la cause du socialisme, Brecht ne déploie pas pour autant une œuvre empreinte du réalisme socialiste, promu par le régime de l’Allemagne de l’Est sous la houlette de l’URSS. Bien au contraire, il défend un théâtre moins didactique, fondé sur une théorie de la distanciation qui propose au spectateur un examen critique de sa condition plutôt qu’une apologie du régime. "Le fait que le marxisme soit intéressant en tant que méthode critique pour décrire la société était vraiment le point décisif pour Brecht", souligne Irène Bonnaud.
Parfois critique du régime de la RDA, Brecht se veut également un homme d’action, soutenant les ouvriers notamment lors de l'insurrection de 1953.
Dans quelle mesure le parcours de Bertolt Brecht nous renseigne sur l’histoire économique de l’Allemagne au cœur du XXème siècle ? Comment ses engagements marxistes et communistes transparaissent-ils dans ses pièces, à travers des thématiques telles que la misère, la grève, le chômage ? Dans quelle mesure l’esthétique de la distanciation portée par Brecht porte un projet marxiste qui se veut plus proche du peuple et de sa condition économique que le réalisme social défendu par la RDA ?
Pour aller plus loin
- Hélène Camarade et Sibylle Goeper : Les mots de la RDA (Presses Universitaires du Midi, 2019)
Références sonores
- Extrait de “Allemagne de 1918”, Téléfilm Arte, réalisé par Bernd Fischerauer, 2011
- "La République de Weimar : une utopie démocratique", France Inter, 12 décembre 2011
- Archive INA : "Les journées d'émeutes à Berlin Est", Journal Les Actualités Françaises, 25 juin 1953
Références musicales
- "Die Sieben Todsunden Stolz", Lotte Lenya chante Kurt Weill