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Lettre ouverte aux agents publics après la loi asile-immigration : organisons-nous
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le vote de la loi asile-immigration constitue une accélération historique de la dérive autoritaire et discriminatoire dans notre pays. Face à cette situation, notre responsabilité, en tant qu'agents publics, est directement mise en jeu. Continuer, partir, désobéir ? Soyons à la hauteur : organisons-nous.
Continuer, partir, désobéir ? Comment articuler nos convictions avec des orientations politiques qui leur sont contraires, lorsque l’on est fonctionnaire ? Cette question, tou.te.s les agents de la fonction publique se la posent, à un moment ou à un autre de leur carrière. Servir successivement sous des Gouvernements d’obédiences politiques différentes, y compris éloignées de nos convictions, est en effet une des particularités de nos métiers : les fonctionnaires et agents publics sont choisis pour leur compétences, et non pour leurs idées politiques. Cette particularité s’exerçait, jusqu’à il y a peu, dans un cadre politique relativement clair où des lignes de clivage séparaient certes la gauche de la droite, mais surtout où un consensus dit “républicain” distinguait ces deux composantes d’une part, d’une extrême droite et de sa xénophobie d’autre part.
Affaissement des digues
Ce cadre “républicain” est-il toujours d’actualité ? Force est de constater qu’il a, à tout le moins, été durablement abîmé par les derniers quinquennats, et que la loi asile-immigration s’inscrit dans un continuum de renoncements allant de la création du ministère de l’immigration et de l’identité nationale à la proposition d’inscrire dans la Constitution la possibilité de déchéance de nationalité pour les Français bi-nationaux.
Déjà, lors du premier quinquennat de l’actuel Président de la République, la très grande majorité des lignes rouges historiques en matière de respect des libertés publiques ont été franchies. Celle des libertés d’opinion et d’expression, quand une ministre a demandé au CNRS de traquer “l’islamo-gauchisme” à l’université, au mépris des libertés académiques constitutionnellement garanties. Celle de la liberté d’association, lorsque, depuis 2017, plusieurs organisations ou médias ont été dissous par l’exécutif essentiellement pour leurs prises de position politiques, et ce parfois illégalement. Celle de la liberté d’informer, lorsque la majorité propose une loi dite “sécurité globale” visant à empêcher de facto les médias de filmer ou photographier des policiers en action, inconstitutionnelle. Celle de la liberté de manifester, lorsqu’un ministre demande aux préfets de prendre des arrêtés d’interdiction qu’il sait illégaux ou que le maintien de l’ordre est marqué par un usage excessif de la force dénoncé par la Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU. Celle du droit d’asile, lorsque des refoulements se multiplient à la frontière italienne sans possibilité de déposer une demande d’asile, malgré l’illégalité d’une telle pratique constatée par le Conseil d’Etat.
Une de plus, une parmi d’autres ?
La loi adoptée hier par le Parlement est un séisme politique à tous égards, caractéristique d’une xénophobie qui n’avait jamais eu cours à ce niveau en France depuis des décennies. Elle restreint l’accès au territoire pour les personnes ayant besoin de soins, pour les familles de travailleurs présents sur le territoire, pour les étudiants. Elle réintroduit le principe de Français de seconde zone, en affaiblissant le droit du sol et en prévoyant la possibilité d’une déchéance de nationalité pour les binationaux. Elle institue une rupture historique du principe d’égalité devant la loi, en établissant une préférence nationale pour les APL, les allocations familiales et d’autres prestations sociales - mesure réclamée depuis les années 1980 par Jean-Marie Le Pen. A ce titre, elle est tout sauf une mesure de plus ou une loi parmi d’autres. Elle constitue une accélération radicale du tournant discriminatoire au sein de notre pays.
Dans ces années de recul des repères entre République et extrême-droite, mais aussi de brouillage du clivage gauche/droite, certains agents publics ont oublié la responsabilité éminemment politique qui était la leur. C’est en particulier le cas des membres de cabinet. Certains ont cru, ou feint de croire, qu’exercer en cabinet ministériel n’était qu’une mission technique. Or, conseiller un.e ministre n’est pas uniquement un accélérateur de carrière ou une expérience dans un poste à responsabilité : c’est faire des propositions, c’est nourrir un projet de société, c’est appuyer concrètement le travail politique d’un membre du gouvernement. C’est d’ailleurs ce qui justifie le choix discrétionnaire de ses collaborateurs pour un.e responsable politique, tout comme la possibilité de les révoquer du jour au lendemain : il ou elle doit avoir toute confiance en elles et eux pour appuyer et mettre en œuvre sa vision. Hannah Arendt l’écrivait : “en politique, obéissance et soutien ne font qu’un.” A elles et eux nous voulons dire : s’il vous reste des convictions républicaines, le moment est venu d’en faire la preuve : démissionnez.
Moment historique
Au-delà de la position relativement simple des collègues exerçant en cabinet ministériel, beaucoup d’agents publics sont aujourd’hui désemparés, sidérés, en colère. En préfecture, dans les services des agences régionales de santé, dans les directions départementales de la solidarité, dans les conseils départementaux, à l’hôpital : ils ne savent pas comment ils et elles vont - comment nous allons - faire face à la préférence nationale votée hier. Désobéir ? Les conseils départementaux du Lot ou celui de la Seine-Saint-Denis ont déjà annoncé qu’ils n’appliqueront pas la préférence nationale. S’engager ? Nous avons souvent tendance à nous penser seuls. Pour notre part, nous avons constaté le contraire. Se réunir, partager nos expériences, se mobiliser collectivement, est nécessaire, possible et salutaire : disons nos désaccords et soyons en permanence vigilants face aux dérives successives.
Il existe des moments dans l’Histoire où la gravité du danger, pour notre société et pour nombre de ses membres, exige, notamment de la part de ses agents publics, recul, lucidité et fidélité absolue aux principes et aux droits fondamentaux. Hannah Arendt expliquait ainsi que « la manifestation du vent de la pensée n'est pas la connaissance ; c'est l'aptitude à discerner le bien du mal (…). Et ceci peut bien prévenir des catastrophes, tout au moins pour [s]oi-même, dans les rares moments où les cartes sont sur table. » Nous sommes dans un de ces moments historiques. Soyons à la hauteur.