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Che Guevara : penser en temps de révolution. Une critique du livre de Samuel Farber
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://www.contretemps.eu/che-guevara-revolution-cuba-critique-farber/
Samuel Farber a publié il y a quelques années un livre sur Ernesto Che Guevara (aux éditions Syllepse). Janette Habel et Michael Löwy en proposent une critique, pointant des accusations fausses, inexactes et/ou caricaturales, et tentant de donner à voir les apports du Che à la lutte pour le socialisme.
***
Les manifestations du 11 juillet 2021 à Cuba ont mis en évidence la gravité de la crise que connaît l’île. Jamais depuis la victoire de la révolution Cuba n’avait connu des difficultés économiques, sociales et politiques aussi dramatiques à l’exception des années consécutives à la chute de l’URSS, pendant la « période spéciale », marquée par les pénuries de tous ordres. La disparition de Fidel Castro en 2016 et le retrait de Raúl Castro en 2021 ont laissé la place à un nouvel exécutif.
Si cette transition générationnelle s’est effectuée sans heurts, sa légitimité est loin d’être établie, elle commence même à être contestée comme en témoignent les manifestations plus localisées contre les pénuries de nourriture et de médicaments et des coupures d’électricité prolongées qui se sont succédé dans tout le pays depuis le 11 juillet 2021, ce dont témoignent de nombreux sites Internet indépendants ainsi que les blogs et les témoignages sur les réseaux sociaux. Les nouvelles générations cubaines veulent revoir le passé et réviser le récit de l’histoire révolutionnaire, pour comprendre et expliquer les impasses actuelles, plus de 60 ans après le renversement de la dictature de Batista.
C’est dans ce contexte que l’héritage politique et théorique d’Ernesto Che Guevara, assassiné en Bolivie à l’âge de 39 ans, a ressurgi. Alors que beaucoup de ses très nombreux écrits restent encore inaccessibles, la dernière lettre qu’il avait adressée à Fidel Castro la veille de son départ de Cuba le 25 mars 1965 n’a été publiée qu’en 2019, soit 54 ans plus tard[1].
Plus que d’une lettre il s’agit en réalité d’un document analytique d’une grande importance. Alors qu’il avait lu un message d’adieu du Che, en octobre 1965 lors de la présentation nominale du nouveau Comité Central du Parti Communiste Cubain(PCC) dont le Che était absent, Fidel Castro n’avait pas cité cette très longue lettre. Ce texte, qualifié de « critique constructive » par Guevara, fait une analyse sans concession des désordres économiques et organisationnels affectant l’économie cubaine en ces premières années de révolution ; il éclaire ses conceptions politiques concernant l’économie de la transition au socialisme et ses divergences avec le système soviétique.
Six décennies plus tard Cuba a changé, le pays n’est plus le même. Mais les derniers écrits du Che, sa critique du régime soviétique, sa conception éthique du pouvoir résonnent auprès de ceux qui parmi les nouvelles générations interrogent le passé. A l’inverse, la plupart des opposants au régime le contestent et défigurent son héritage. Ils ne sont pas seuls. D’autres à gauche y contribuent.
Nous revenons ici sur The politics of Che Guevara. Theory and practice (Chicago, Haymarker Books, 2016), de Samuel Farber, qui se veut un critique « marxiste » de Guevara. Un point de vue critique sur les défauts ou limites de Guevara est parfaitement légitime. Mais l’opus de Farber, dans son bilan globalement négatif de Guevara, fourmille d’accusations fausses, inexactes et/ou caricaturales. Ce livre, initialement publié en 2016 puis publié en français en 2017 sous le titre « Che Guevara, ombres et lumières d‘un révolutionnaire[2]», insiste surtout sur les « ombres » et fort peu sur les « lumières ».
Une tradition « marxiste classique » ?
S. Farber fait référence à une prétendue « tradition marxiste classique » dont il se réclame : « Mes racines politiques plongent dans la tradition marxiste classique[3] qui a précédé le stalinisme », écrit-il. Inversement, « [s]i Ernesto Che Guevara était un révolutionnaire honnête et dévoué (sic), il ne partageait pas la formation marxiste classique de Lénine, laquelle endossait l’héritage démocratique de l’aile radicale des Lumières[4]».
La révolution cubaine est née dans des circonstances historiques et géopolitiques particulières qui ont permis la victoire d’un processus révolutionnaire imprévu dans un pays – une île – là où on ne l’attendait pas. A 200 kms du flanc sud des États-Unis, au cœur de la Méditerranée américaine, là où le fatalisme géographique semblait interdire toute possibilité d’émancipation de la tutelle nord-américaine. C’est pourtant dans cette île que, commencée comme une lutte contre la dictature de Batista, la première révolution socialiste a eu lieu, dans cet « extrême occident[5]» latino-américain.
La spécificité de son processus révolutionnaire, l’articulation d’une guerre de guérilla et d’insurrections civiques, sa radicalité, l’importance du soutien populaire, l’originalité d’une direction apparemment inclassable idéologiquement en font un cas singulier dans l’histoire des révolutions. Il faut historiciser la révolution cubaine, et non la renvoyer aux invariants d’«un marxisme classique » qui existerait en tout temps et en tout lieu.
Ce fût « une révolution contre les dogmes révolutionnaires[6]» écrira le Che. Une révolution qui confirmera la prédiction du grand marxiste latino-américain José Carlos Mariátegui « Le socialisme en Amérique latine, ne sera ni décalque ni copie mais une création héroïque[7]». Quant à Lénine, cité comme référence du « marxisme classique » par S. Farber, voici ce qu’il écrivait dans Lettres de loin :
« Si la révolution a triomphé si vite et – en apparence, pour qui se contente d’un coup d’œil superficiel – d’une manière si radicale, c’est uniquement parce que, en raison d’une situation historique d’une extrême originalité, des courants absolument différents, des intérêts de classe absolument hétérogènes, des tendances politiques et sociales absolument opposées se sont unifiés avec une ‘‘cohésion’’[8] remarquable ».
Une analyse que l’on peut appliquer un siècle plus tard, mot pour mot, à la révolution cubaine.
Une rupture générationnelle et politique
C’est dans un contexte politique national et international exceptionnel que s’est forgée une nouvelle génération révolutionnaire dont la conscience politique va se radicaliser sous la pression des évènements. En ces années cinquante, une nouvelle génération jeune et combative naissait et se politisait à Cuba et dans les pays du tiers-monde. L’émergence des luttes de libération nationale, la conférence de Bandoeng, la guerre froide dessinaient une nouvelle donne historique. En Amérique latine, en 1956, les révélations du 20° congrès du Parti communiste de l’Union Soviétique (PCUS) avaient affaibli des partis communistes déjà peu influents.
C’est dans cette conjoncture qui n’a que peu à voir avec le soi-disant « marxisme classique » dont se réclame Samuel Farber que naît le Mouvement du 26 juillet (M/26/7), dont l’acte fondateur sera l’attaque meurtrière de la caserne Moncada. Issus des rangs duParti Orthodoxe, un parti nationaliste, Fidel Castro et les dirigeants du M/26/7 incarnent la révolte de la jeunesse face à la passivité des autres partis politiques, ils expriment la volonté de renverser la dictature de Batista mais aussi de se libérer de la corruption et de la domination séculaire du puissant voisin du nord. Ce sont ces jeunes rebelles que S. Farber caractérise comme « des déclassés au sens où ils sont coupés de la vie des classes ouvrières moyennes et supérieures qui composent la société cubaine[9]».
Observons que limiter la société cubaine à l’époque aux « classes ouvrières moyennes et supérieures » est pour le moins sommaire. Mais le plus significatif renvoie à l’analyse du M/26/7 comme un mouvement petit bourgeois , opposé à la caractérisation ultérieure que fait Farber du Parti Socialiste Populaire (PSP) –tel était le nom du parti communiste cubain á cette époque – comme parti ouvrier. Une interprétation étrange du marxisme qui fait d’un mouvement petit bourgeois le promoteur et l’acteur d’une révolution socialiste !
Comme le remarque l’écrivain Robert Merle, qui a enquêté pendant de longs mois à La Havane au début des années 1960, « le recrutement du Movimiento après Moncada fera une très large place aux paysans quand il aura réussi à s’implanter dans la Sierra Maestra. Il n’est donc que plus frappant de constater qu’il fût, avant Moncada, presque totalement prolétarien[10]». Ajoutons qu’à Cuba les liens de la Fédération Etudiante Universitaire (FEU) avec le mouvement ouvrier sont historiques et rémontent à l’époque de la révolution dite « del treinta (des années 30) » qui a mis fin à la dictature de Gerardo Machado et a placé le sergent Fulgencio Batista, alors sténographe, sur la scène politique cubaine. En décembre 1955, la FEU avait appuyé activement la grève des travailleurs du secteur bancaire ainsi que la grande grève des ouvriers du sucre[11].
Enfin S. Farber semble ignorer le chemin idéologique parcouru par F. Castro. Dès 1953/1954, alors qu’il est en prison, celui-ci se réfère à Marx et définit déjà une pensée et une stratégie politique qui n’ont rien de petit bourgeois . Il cite Le 18 brumaire de Napoléon Bonaparte, « un ouvrage formidable », dans lequel « Karl Marx voit le résultat inévitable des contradictions sociales ». « Ici j’achève de me forger ma vision du monde », écrit-il[12]. Mais S. Farber maintient que la révolution « a été mise en œuvre par un mouvement interclassiste dont le groupe dirigeant était composé de déclassés[13]».
Le Che « bohême »
Dès l’introduction de son livre, S. Farber affirme vouloir « dissiper les nombreux mythes » qui entourent le Che, une préoccupation louable tant la personnalité de Guevara a été dévoyée. Mais loin d’y contribuer, S. Farber commence étrangement par examiner « les origines bohêmes de la pensée politique du Che », « son parcours bohême[14]» que S. Farber oppose à ses propres « racines politiques ».
Le qualificatif de « bohême » revient à neuf reprises dès le premier chapitre, soit en moyenne une fois toutes les trois pages. Pour comprendre la signification méprisante de ce qualificatif il faut le rapprocher de la caractérisation par S. Farber du Mouvement du 26 juillet regroupant des « déclassés », des « aventuriers[15]». Des « bohêmes » ayant réalisé l’une des plus importantes révolutions socialistes du 20° siècle, voilà de quoi réviser la « tradition marxiste classique » dont se réclame Farber.
Comme souvent, à chaque moment historique, chaque génération construit un instrument politique différent. C’est ce qui s’était passé avec le M/26/7. L’incompréhension de S. Farber provient de sa vision dogmatique voire indigente, de ce que sont les prémisses du Mouvement du 26 juillet, de ses origines, de son orientation, de son dirigeant Fidel Castro et de l’influence politique qu’exercera à ses côtés un Argentin rencontré au Mexique, Ernesto Guevara. Mais outre ces qualificatifs, S. Farber poursuit par une contre-vérité :
« Le Che avait au contraire grandi dans la tradition politique du marxisme stalinisé[16]», « ses perspectives révolutionnaires étaient donc irrémédiablement (sic) non démocratiques[17]».
Or rien dans l’enfance du Che, dans son entourage familial, dans sa trajectoire, n’a de rapport avec un « marxisme stalinisé ». Son voyage en moto à l’âge de 23 ans avec Alberto Granado témoigne de l’évolution de sa pensée politique et de sa radicalisation, un itinéraire que complètera son expérience de l’échec de la révolution au Guatemala, les leçons qu’il tire de l’action du PC guatémaltèque et de ses échanges avec sa compagne péruvienne Hilda Gadea, proche des milieux trotskystes au Pérou.
Comme le remarque Hilda Gadea,« c’est au Guatemala que sa transformation véritable a commencé », après le renversement du président Arbenz « il avait acquis une bonne formation théorique marxiste[18]». L’ancien diplomate cubain Raúl Roa Kouri le confirme : au Guatemala « le Che avait acquis une formation politique avancée, des convictions claires quant à la racine de nos maux, l’exploitation impérialiste et la domination d’une bourgeoisie étrangère et dépendante. Sa pensée s’orientait vers le marxisme, dès cette époque il admirait la révolution d’octobre[19]». La rencontre de Guevara avec F. Castro et le M/26/7 seront son premier engagement politique. Il n’a jamais été membre d’un parti communiste.
Il s’entraîne avec les militants du M-26-7 au Mexique. Fidel Castro se prépare à débarquer sur les côtes cubaines en novembre 1956 pour organiser le renversement de la dictature. Le débarquement sera un échec et se soldera par de nombreuses pertes humaines. Guevara fait partie des survivants, il a 28 ans lorsque la lutte armée s’engage dans la Sierra Maestra, il ne connaît pas Cuba. Il l’écrira plus tard : « J’ai commencé la lutte honnêtement, sans espoir d’aller au-delà de la libération du pays, disposé à partir lorsque les conditions de la lutte s’orienteraient plus tard vers la droite[20]».
Lorsqu’il arrive pour la première fois à La Havane en décembre 1958, commandant de l’Armée Rebelle auréolé de ses victoires militaires impressionnantes, Ernesto Guevara a 30 ans. Il a partagé avec Fidel Castro deux ans de combats dans la Sierra Maestra, deux ans de réflexions et d’échanges. Sa pensée est en pleine évolution. Il se réclame du marxisme et croit pendant une brève période pouvoir trouver dans les pays de l’est, « de l’autre côté du rideau de fer[21]» des références utiles à la construction d’une autre société. Les désillusions viendront très vite, les critiques aussi.
En 1960 il précisera : « Nous le suivions » – il s’agit de Fidel Castro – « nous étions un groupe d’hommes peu préparés politiquement, pleins de bonne volonté et un peu naïfs [22]». Il reviendra très vite sur sa référence à ces pays qui se trouvent derrière le « rideau de fer ». Il évoquera aussi son erreur envers F. Castro, qualifié alors d’« authentique bourgeois de gauche », dont il sous-estimait les convictions et la vision stratégique anti-impérialiste, un processus qui allait accoucher d’« une révolution hérétique[23]».
Le vieux parti stalinien (PSP) valorisé
Alors même qu’il attribue au Che, ce petit bourgeois bohême, un « marxisme stalinisé », S. Farber valorise le vieux parti communiste cubain, le PSP, un parti « ouvrier » dont il sous-estime le caractère stalinien et la gravité des errements politiques. En 1959 pour Moscou et le mouvement communiste international, la révolution cubaine, première révolution socialiste victorieuse en Amérique latine non dirigée par un parti communiste, était une hérésie. L’essor des partis communistes d’Amérique latine a toujours été entravé par leur alignement dogmatique et leur subordination à Moscou, cette « tradition marxiste classique », loin du marxisme hétérodoxe du péruvien Mariátegui .
En réalité, c’est S. Farber (et pas Guevara) qui réhabilite le rôle du PSP dans la révolution cubaine. Selon Farber, le PSP a « joué un rôle déterminant dans le processus révolutionnaire, notamment après la victoire[24]». Il va même prendre la défense du PSP contre l’accusation de réformisme, en affirmant que « au cours de la marche de la Révolution cubaine, aucun membre important du PSP ne montre le moindre penchant pour la préservation du statu quo capitaliste[25]».
Nous ne partageons pas ce jugement positif du vieux Parti communiste stalinien à Cuba. Après la victoire révolutionnaire de 1959, le PSP s’est fermement opposé, au nom de la doctrine stalinienne de la révolution par étapes, au tournant socialiste de la révolution cubaine. Un exemple suffit à illustrer cette attitude : en août 1960, quand le gouvernement révolutionnaire cubain a commencé à intervenir dans les entreprises et à exproprier des grands propriétaires cubains, dans un début de virage anticapitaliste, voici ce que dit Blas Roca – pas un « membre important » mais le secrétaire général du PSP – lors de la VIII° assemblée nationale du Parti :
« Dans l’étape actuelle, démocratique et anti-impérialiste, il faut, dans les limites qui seront établies, garantir les profits des entreprises privées leur fonctionnement et leur développement (…) Il y a eu des excès, il y a eu des interventions abusives qui auraient pu être évitées (…) Intervenir, sans raison suffisante dans une entreprise ou une usine, ne nous aide pas, parce que cela irrite et tourne contre la révolution (…) des éléments de la bourgeoisie nationale qui doivent et peuvent se maintenir du côté de la révolution dans cette étape (…)[26]».
Mieux encore : à cette même époque, le PSP a publié une brochure intitulé Trotskysme : agents de l’impérialisme, qui proclame :
« Les provocateurs trotskystes mentent quand ils disent que le peuple cubain est en train d’exproprier les biens des impérialistes et de leurs alliés nationaux. C’est là ce que disent tous les jours l’AP, l’UPI et les autres porte-paroles impérialistes. Mais c’est faux (…)[27]».
Des citations qui illustrent combien le PSP – comme d’autres partis communistes latino-américains – est éloigné des grands marxistes latino-américains comme Mariátegui. Ces jugements s’inscrivent dans une continuité politique. Déjà dans un article de la revue du PSP, Carta Semanal, publié le 3 septembre 1953, soit 5 semaines après l’attaque de la caserne Moncada, alors que des dizaines de jeunes avaient été assassinés par les policiers de la dictature, le PSP condamnait publiquement leur action en ces termes :
« Tout le monde sait que le PSP a été l’opposant le plus résolu à ces aventures, celui qui avec le plus de constance a montré au peuple que c’est une voie erronée. Tout le monde sait que le PSP est le seul qui a montré la voie juste pour résoudre la crise cubaine : le rejet résolu des aventures, du terrorisme et des expéditions, des combines et de l’isolationnisme[28]».
Les années 1960 et la construction d’un nouveau parti : l’emprise croissante du PSP
Dès les premières années de la révolution la question de l’organisation d’un nouveau parti était à l’ordre du jour. Pour F. Castro il fallait rassembler et unifier les 3 courants politiques qui avaient contribué, à des degrés divers, à la victoire – le M/26/7, le Directoire Révolutionnaire et le PSP – tout en assurant l’hégémonie du M/26/7. Or Moscou et le mouvement communiste international se méfiaient des dirigeants cubains alors qu’ils octroyaient leur confiance au PSP. La construction du nouveau parti sera longue et difficile, elle passera par plusieurs étapes. Les projets successifs des Organisations Révolutionnaires Intégrées (ORI) puis du Parti Uni de la Révolution Socialiste de Cuba (PURSC) n’aboutiront pas. Ce n’est qu’en 1965, 6 ans après la prise du pouvoir et de longues tractations, que sera engagée la construction du nouveau parti, le Parti Communiste Cubain (PCC). Mais son secrétaire général n’est plus Blas Roca, c’est Fidel Castro[29].
La conception de ce nouveau parti était illustrée alors par les propos d’un instructeur politique du PSP, Gaspar Jorge García Galló, qui établissait la suprématie du PSP et de ses cadres par rapport au Mouvement du 26 juillet, une suprématie durable qui allait provoquer de nombreuses tensions. Dans un discours prononcé devant les militants de l’Ecole de Base d’Instruction Révolutionnaire Leoncio Guerra (Escuelas de Instrucción Revolucionaria – EIR) intitulé Le parti du prolétariat et du peuple, García Galló le rappelait :
« Bien sûr camarades, nous savons que le 26 juillet n’était pas un parti marxiste-léniniste. Il lui manquait les normes léninistes d’organisation. Plusieurs courants existaient en son sein, différentes fractions de droite, du centre, de gauche, même si tout le monde acceptait la direction de Fidel sans la discuter[30]».
Évoquant le rapprochement alors en cours entre les trois courants politiques – leM-26/7 , le PSP, et le Directoire Révolutionnaire – dans le cadre des Organisations Révolutionnaires Intégrées destinés à fonder le futur parti unique, García Galló anticipait sur ses normes de fonctionnement : « [L]es membres du parti doivent être disciplinés. Ils doivent appliquer les orientations décidées comme un militaire applique les directives de l’Etat-Major ». « La lutte sans quartier contre les fractions est une des caractéristiques du parti du prolétariat. Aucune activité fractionnelle ne peut être tolérée[31]».
C’est cette conception héritée du stalinisme qui allait s’imposer lors de la formation du futur PCC en violation du pluralisme politique initial. Les liens avec l’URSS faciliteront l’emprise bureaucratique du PSP. Ils expliquent les nombreuses crises qui vont surgir et marquer la première décennie révolutionnaire. Les normes de fonctionnement du PCC ne changeront plus. Et Fidel Castro s’en accommodera. Le Che prendra de plus en plus ses distances face à la mainmise du PSP et à l’influence croissante des conceptions soviétiques sur les plans économique, politique et culturel.
Des affirmations infondées
Contrairement aux affirmations infondées de S. Farber pour qui « le marxisme du Che serait l’équivalent du communisme stalinien de la Troisième Période au tournant des années 20 et 30[32]», une brève comparaison des idées de Guevara avec celles du stalinisme de la dite « Troisième Période » révèle l’inanité de cet argument. L’un des principaux aspects du stalinisme des années 1929-33 était le refus de considérer le fascisme (Hitler en Allemagne) comme l’ennemi principal.
En fait, les staliniens en Allemagne et ailleurs considéraient la social-démocratie – définie comme un « social-fascisme » – comme le plus grand ennemi du mouvement communiste, avec des conséquences catastrophiques pour les travailleurs, et pour l’humanité. C’était la caractéristique la plus importante et la plus décisive de la Troisième Période du Comintern, et la raison pour laquelle Trotsky était arrivé à la conclusion, dès 1933, qu’une nouvelle internationale était nécessaire.
Dans les années trente, le parti communiste cubain, ancêtre du PSP et fidèle disciple de Moscou, avait accepté sans nuances les mots d’ordre de la III° Internationale sur le « social-fascisme » et la lutte « classe contre classe », ce qui l’amena comme les autres partis communistes du sous-continent à adopter une politique sectaire et stérile et à refuser toute collaboration avec d’autres forces politiques de gauche. Les communistes ne participèrent pas aux combats qui allaient renverser la dictature de Machado.
Peut-on trouver quelque chose de semblable chez Guevara ? Considérait-il que les dictatures militaires en Amérique latine, soutenues par l’impérialisme, n’étaient pas l’adversaire principal à combattre ? Définissait-il les partis socialistes, par exemple au Chili ou en Argentine, comme l’ennemi principal ? A-t-il jamais utilisé le terme de « social-fascisme » pour désigner les sociaux-démocrates ou les réformistes ?
La « Troisième Période » du stalinisme n’est pas un « virage à gauche » de la politique extérieure, mais une période de répression brutale de la dissidence, où des milliers d’opposants communistes, les partisans de Trotsky et ses compagnons, ont été envoyés dans des camps de concentration en Sibérie, et parfois assassinés. C’est aussi la période où des millions de paysans, accusés d’être des « koulaks » ont été exterminés. Des similitudes avec Guevara ?
Les vues de Che Guevara sur l’économie et la politique sont-elles équivalentes à celles de l’industrialisation soviétique forcée des années 1929-33 ? Rappelons qu’Ernest Mandel, économiste marxiste, s’était rendu à Cuba en 1964[33] invité par Guevara, que Mandel avait écrit un article soutenant ses positions dans le débat économique qui avait lieu alors à Cuba. Apparemment, il n’était pas conscient qu’il s’agissait de vues staliniennes de la Troisième Période… D’ailleurs, un autre économiste marxiste, Charles Bettelheim, avait vivement critiqué la thèse de Guevara, la qualifiant d’hérétique et de « non-marxiste » parce qu’elle était en contradiction avec… les théories économiques de Staline[34].
Selon Farber, « si le stalinisme de la troisième période, le maoisme et le guevarisme partagent une attitude révolutionnaire plus aggressive envers le capitalisme, ils tendaient en réalité d’étendre leur forme de domination de classe au-delà de leur propre pays[35]». Certes « l’internationalisme » du discours stalinien durant la Troisième Période, ou du maoïsme dans les années 60 ou 70, n’était rien d’autre qu’un instrument au service des intérêts des bureaucraties soviétique et chinoise. Cela s’applique-t-il à l’internationalisme de Guevara ? Est-ce pertinent pour ses tentatives révolutionnaires internationalistes – échouées – au Congo ou en Bolivie ? Quels intérêts bureaucratiques servait-t-il lorsque, en tant qu’Argentin, il avait rejoint les révolutionnaires cubains en 1956 ?
Pour conclure sur cette question, rien ne s’oppose à un examen critique des positions de Guevara, il les encourageait lui-même lors de ses débats avec ses collaborateurs du Ministère del’Industrie[36]. Mais l’analogie artificielle, pour ne pas dire calomnieuse, avec le stalinisme de la Troisième Période est un moyen sûr de passer à côté de l’essentiel. Non seulement Che Guevara ne peut pas être identifié aux échecs de l’Union soviétique mais un quart de siècle avant la disparition de l’URSS et la chute du mur de Berlin, il avait prévu la crise et l’effondrement du régime soviétique, et annoncé la restauration du capitalisme.
Le Che et le grand débat économique : transition au socialisme et sous-développement
C’est à la lumière de son expérience du pouvoir que le Che analyse les problèmes et les difficultés de la transition au socialisme à Cuba. La relecture de ses derniers textes dans le grand débat économique public qui l’opposa aux partisans des réformes libérales soviétiques dans les années 1960, son essai sur Le socialisme et l’homme à Cuba[37], ses derniers discours en particulier celui prononcé à Alger en 1965, ses Notes critiques sur le Manuel d’économie politique de l’Académie des Sciences de l’URSS[38], illustrent sa vision prémonitoire des graves problèmes que connaissait l’URSS et des difficultés qui risquaient d’en découler pour Cuba compte tenu de sa dépendance économique et financière à l’égard de Moscou.
Le grand débat engagé de 1963 à 1964 au sein du Ministère de l’Industrie qu’il dirigeait était d’abord un débat sur la construction du socialisme, sur la planification et l’organisation de l’économie lors de la transition au socialisme dans une île petite et dépendante, soumise aux pressions du marché international, au développement entravé par un embargo économique et commercial drastique infligé par la première puissance économique mondiale.
Au-delà du débat théorique sur l’existence des catégories marchandes et sur la persistance de la loi de la valeur pendant la période de transition, des approches politiques distinctes allaient se manifester au sein du gouvernement cubain alors même que des propositions de réformes économiques marchandes étaient mises en avant pendant ces années soixante par les économistes soviétiques Evsei Liberman et Vadim Trapeznikov. Constatant l’inefficacité des méthodes de gestion à l’œuvre en URSS, Liberman et Trapeznikov critiquaient une planification basée sur des normes impératives jugées trop contraignantes. Pour y remédier ils proposaient notamment l’introduction du profit comme un des critères de la bonne gestion des entreprises.
Le débat eût lieu à La Havane parallèlement à l’introduction de ces réformes. L’île était alors confrontée à la nécessité de redéfinir une stratégie de développement économique et sociale face au défi que représentait son insertion dans une économie capitaliste mondialisée. Difficulté supplémentaire : « Nous commencions alors l’apprentissage de cette marche vers le communisme[39]» « alors que l’économie politique de la période de transition est totalement absente[40]» écrira Ernesto Che Guevara.
S. Farber consacre plus de 20 pages de son livre à ces débats économiques. D’emblée il affirme que le Che va « concevoir le socialisme avant tout comme une économie centralement planifiée où la concurrence et la loi de la valeur n’existent plus[41]». Mais Samuel Farber a mal lu les textes du Che. Celui-ci précisait au contraire :
« Nous ne nous opposons pas à l’application de la loi de la valeur, nous considérons simplement que cette loi tire sa forme d’action la plus développée du marché capitaliste et que les variations introduites dans le marché par la socialisation des moyens de production et les appareils de distribution entraînent des transformations qui rendent impossible la clarification immédiate de son action… quand nous acceptons la validité de la marchandise nous n’acceptons pas la validité principale du marché… comme organisateur de l’économie nationale[42]».
Loin des affirmations de S. Farber voici les commentaires nuancés d’un de ses contradicteurs, l’ancien ministre Carlos Rafael Rodríguez, qui soulignait la complexité de la controverse :
« au centre du débat il y avait une contradiction : comment défendre que le marché règle les relations marchandes entre les entreprises d’Etat sans l’accepter pour l’ensemble de l’économie ? Le Che n’incluait pas dans le secteur public le vaste secteur de l’économie marchande qui existait en dehors de la propriété d’état, un secteur marchand qui ne fut interdit qu’en 1968, après sa mort en Bolivie[43]». S. Farber formule des accusations contre des conceptions attribuées au Che sans les étayer. Nous en relevons trois.
« Sa critique du marché capitaliste et de la concurrence qui tendent à tout chosifier, et son éloge de l’engagement altruiste pour la collectivité font le lit d’une utopie réactionnaire tentant d’émuler les formations sociales précapitalistes[44]» . Où Guevara fait-il référence aux« formations précapitalistes » ? En quoi son argument contre le marché capitaliste et pour l’engagement altruiste est « une utopie réactionnaire » ? Farber ne donne aucune explication et ne cite aucun texte du Che pour étayer cette étrange accusation.
José Carlos Mariátegui, au cours des années 1920, faisait référence au collectivisme des formations précapitalistes, considérant que la tradition de l’ayllu, la communauté rurale précolombienne, pouvait être un point de départ pour la mobilisation des paysans dans un mouvement socialiste moderne. Il n’était pas «réactionnaire » pour autant, même si son point de vue était rejeté comme « populiste » (narodnik) par les staliniens. Nous ne savons pas si Guevara partageait ces idées de Mariátegui, mais elles n’étaient considérées comme une « utopie réactionnaire » que par les staliniens.
Dans ses « Notes critiques » sur le manuel d’économie politique soviétique, Guevara, selon S. Farber, « laisse entendre que la décision (sur les priorités économiques) revient au seul Parti Communiste dirigeant[45]». Le Che écrit exactement le contraire dans ses « Notes Critiques », gardées sous le boisseau par les autorités à Cuba jusqu’au début des années 2000[46], lorsqu’il affirme que le plan doit être conçu comme « une décision économique des masses, conscientes de leur rôle ». « On a vu une chose fondamentale, une chose élémentaire, l’importance, l’enthousiasme des gens quand ils savent qu’ils vont élire leurs représentants[47] ».
Dans la même veine S. Farber accuse Guevara de « ne manifester aucun intérêt pour le principe de l’élection des représentants du peuple à tous les niveaux de la société socialiste[48]». Une lecture inexacte démentie par sa critique concernant les syndicats et l’intervention du parti :
« Ici la démocratie syndicale est un mythe, qu’on le reconnaisse ou pas, mais c’est un mythe parfait. Le parti se réunit et il propose à l’assistance Untel, X ou Y, une candidature unique, et à partir de ce moment, il y a un élu, avec une assistance plus ou moins importante, mais en réalité il n’y a eu aucun processus de sélection de la part ces participants[49]».
Il insiste :
« Du point de vue institutionnel, il faut être attentifs au fait que les gens ont besoin de s’exprimer, il faut un cadre pour qu’ils puissent s’exprimer, nous devons y réfléchir[50]». « Il faut créer un support démocratique nécessaire à la construction des nouvelles institutions ». Il critique la bureaucratie syndicale qui s’est créée, qui ne veut pas retourner au travail[51]».
Il souligne que « le travail de la CTC laisse beaucoup à désirer les derniers temps[52]». Les rapports entre le socialisme et l’homme étaient au centre de ses préoccupations. Affirmer que pour Guevara les grandes décisions économiques « reviennent au seul Parti communiste dirigeant » est une contre-vérité.
Dans ses écrits, comme Le Socialisme et l’Homme à Cuba « il y a un silence assourdissant sur l’augmentation substantielle des biens de consommation et plus généralement l’amélioration du niveau de vie des populations[53]». Farber contredit lui-même cette affirmation. Quelques dizaines de pages plus tôt, il observe que Guevara, comme Ministre de l’Industrie, voulait le « doublement du niveau de vie des Cubains sur 4 ans [54]». Certes, comme il l’a reconnu plus tard lui-même, ce plan n’était pas réaliste. Mais cela montre que « l’augmentation substantielle des biens de consommation » n’était pas du tout hors de sa conception du socialisme. « Le paysan (guajiro) aspire lui aussi à avoir une télévision », écrit-il [55].
De même, reconnaissant comme à son habitude les erreurs commises, il rappelait le besoin de logements pour les Cubains et regrettait que la construction des logements diminue de plus en plus : « Il ne faut pas oublier que les gens doivent vivre dans une maison, or nous en construisons de moins en moins, nous investissons de moins en moins dans leur construction[56]», une critique implicite envers les erreurs de la planification et les décisions d’autres ministères. On notera au passage combien la planification a une importance décisive pour le Che, étrange préoccupation pour un esprit « bohême ».
« Au milieu de l’année 1961, Che Guevara annonce au nom du gouvernement révolutionnaire un plan économique quadriennal hautement irréaliste[57]», écrit S. Farber, une illustration selon lui de son « volontarisme ». Passons sur le fait qu’il s’agit d’une décision faite « au nom du gouvernement», un gouvernement dont le président Fidel Castro n’est pas homme à se laisser imposer des choix qu’il ne partage pas, d’autant plus que la tentative d’industrialisation rapide tentée au début de la révolution, répondait à l’engagement pris par Fidel Castro en 1953 dans son discours L’histoire m’acquittera puis par la direction du M-26-7 dans la Sierra Maestra, de rompre avec la dépendance historique de la monoculture de la canne à sucre. Mais la direction révolutionnaire avait sous-estimé les obstacles auxquels elle allait se heurter pour briser des liens de subordination économique établis depuis des décennies, des liens documentés par de très nombreux auteurs dont les historiens cubains Ramiro Guerra et Manuel Moreno Fraginals[58].
Emporté par son élan, S. Farber compare le plan de Guevara « au grand bond en avant de Mao-Tsé Toung, une politique économique qui a provoqué une famine qui a fait des millions de victimes[59]». Une fois de plus S. Farber cible Guevara et le rend responsable du désastre agricole intervenu dans les années 1960 escamotant au passage les responsabilités propres de Fidel Castro soulignées par R. Dumont. Le véritable désastre agricole sera provoqué par l’échec de la récolte des 10 millions de tonnes de sucre en 1970. Un objectif lié aux accords conclus avec Moscou auxquels Che Guevara était étranger.
Contre le dogmatisme
L’accusation de S. Farber imputant au Che « une conception monolithique du socialisme d’Etat », « une société uniforme, monolithique dépourvue de tout conflit d’intérêts et d’antagonismes sociaux quels qu’ils soient[60]» est peut-être la plus extravagante, tant les témoignages en sens inverse abondent. Il est considéré comme un hérétique, catalogué à tort comme trotskyste par les soviétiques. Farber passe sous silence les prises de position du Che pour la liberté d’expression. Il reconnaît qu’il a protégé les trotskystes, mais il minimise cette pratique : c’est parce que les trotskystes cubains « soutenaient le régime de parti unique[61]» ! Curieux argument pour des militants qui appartenaient à un parti trotskyste cubain, semi-clandestin, indépendant du PC Cubain, réprimé puis interdit.
En 1964, lors d’une discussion avec ses camarades du Ministère de l’Industrie, alors que des livres de Trotsky allaient être détruits (dont La révolution permanente), Guevara l’avait réaffirmé :
« Nous devons être capables de combattre des opinions opposées avec des arguments et sinon nous devons les laisser s’exprimer. Il n’est pas possible de combattre des opinions par la force car cela tue le libre développement de l’intelligence[62]».
Ces déclarations sont d’autant plus significatives qu’il confirmait ses désaccords avec les trotskystes. En 1965, la veille de son départ de Cuba, il avait fait libérer de la prison le trotskyste cubain Roberto Acosta Echevarría, en lui donnant une accolade et en déclarant : « Acosta, les idées ne se tuent pas à coup de matraques[63]». Au Ministère de l’Industrie les réunions de bilan et de discussion laissaient place aux désaccords, aux polémiques, reproduits dans le livre de son vice-ministre Orlando Borrego[64]. Il y avait accueilli Alberto Mora, ancien ministre du Commerce extérieur, son opposant dans le débat économique.
Dans un discours de clôture prononcé lors d’une rencontre internationale d’enseignants et étudiants d’architecture en 1963, le Che précisait encore ses conceptions :
« Nous n’avons jamais refusé la confrontation ni la discussion. Nous avons toujours accepté de discuter toutes les idées et la seule chose que nous n’avons pas permis c’est le chantage des idées, le sabotage de la révolution. Sur çà oui nous avons été inflexibles[65]».
« Il y a eu des professionnels emprisonnés pour des actes contrerévolutionnaires, des sabotages. En prison ces professionnels ont commencé à travailler, puis ils se sont réincorporés au travail dans nos industries. Nous leur faisons confiance, comme à nos autres techniciens et ils s’incorporent au travail bien qu’ils aient connu la répression, c’est ce qu’il y a de plus dur et de plus sombre (obscur) dans la révolution, une répression inévitable lors d’une révolution victorieuse[66]».
« Car face à ceux qui prennent les armes contre nous, que ce soit des armes de destruction directes, ou des armes idéologiques pour détruire la société nous sommes implacables. Aux autres, aux mécontents, à ceux qui ont des désaccords, qui ne sont pas et ne serons jamais socialistes, nous disons : on ne vous a jamais demandé avant si vous étiez pour le capitalisme, vous aviez un contrat à remplir, vous le faisiez, maintenant faites pareil, travaillez, gardez les idées qui vous conviennent, on ne se mêlera pas de vos idées[67]».
Le témoignage du poète Heberto Padilla est révélateur. Revenant d’un voyage en URSS, il avait donné libre cours à ses critiques et à ses désillusions lors d’une rencontre avec le Che. Guevara avait acquiescé : « [T]out cela c’est de la merde, je l’ai vu de mes propres yeux[68]». Témoignant de ses inquiétudes, lucide, il déclarait au poète qui cherchait un emploi dans le journalisme : « [L]es temps sont mauvais pour faire du journalisme[69]», lui conseillant d’abandonner ce projet et de se reconvertir dans le Commerce Extérieur au sein du Ministère dirigé par Alberto Mora. H. Padilla sera plus tard, en 1971, victime d’un procès stalinien et contraint à une autocritique publique.
Farber tente par tous les moyens de réduire la pensée du Che au moule stalinien. Privilégiant les citations d’un adversaire déclaré de la révolution et détracteur de Guevara, il cite Jorge Castañeda[70] pour affirmer que « Guevara se reconnaît dans Joseph Staline » et il estime que cette « identification à Staline va se perpétuer[71]». Certes, dans une lettre de 1953 à sa tante lors de son voyage initiatique en Amérique latine, Guevara fait l’éloge du « camarade Staline », mais son absence d’adhésion à un parti communiste quelconque montre bien le peu d’importance de cet épisode de jeunesse, il a alors 25 ans. De là à faire du Che un stalinien, il y a un pas que franchit sans hésitation le « marxiste orthodoxe ».
En réalité comme le rappelle Luis Simón, un intellectuel du M-26-7, lors de sa rencontre avec Guevara en septembre 1958 « au milieu de la pluie et des moustiques », le Che lui avait emprunté l’ouvrage de Merleau-Ponty Existentialisme et marxisme et parlant de politique internationale « il s’en était pris avec causticité au stalinisme et au massacre de Budapest[72]». Dans ses « Notes critiques », il soulignera « le terrible crime historique de Staline : avoir méprisé l’éducation communiste et instauré le culte sans limites de l’autorité[73]».
Autre chef d’accusation : S. Farber soutient que Guevara était un « communiste honnête » mais répressif, comparable au russe Felix Dzerjinski. Il écrit :
« On peut sans doute (sic) établir un parallèle entre Ernesto Che Guevara et Felix Dzerjinski (…). Bien qu’il ait été connu pour son action répressive souvent arbitraire en tant que chef de la Tcheka (la police politique soviétique), Dzerjinski était considéré comme un homme et un communiste honnête[74]».
Guevara a-t-il dirigé une police politique comparable à la Tcheka soviétique sous Dzerjinski, responsable de l’exécution de milliers d’opposants, y compris de gauche (anarchistes, SR de gauche, etc.) ?
Dans la même veine, pour S. Farber « le Che n’est pas un “humaniste” comme prétendent certains de ses sympathisants. Par exemple il s’oppose à la libération des prisonniers par Fidel[75]» . Farber tient cette « information » du livre de Castañeda – auteur d’une biographie du Che hostile et hargneuse. Farber privilégie d’ailleurs souvent dans sa bibliographie les écrits des adversaires de la révolution[76] au détriment des nombreux témoignages des combattants de la Sierra[77] et de tous ceux qui l’ont accompagné au Ministère de l’Industrie jusqu’à son départ en 1965.
Or, la réalité est exactement à l’opposé des affirmations de Farber ! « Pas de prisonniers lorsqu’il n’y a pas de grandes bases opérationnelles (…) Les survivants doivent être rendus à la liberté et les blessés soignés par tous les moyens possibles », proclamait Guevara dans son manuel La guerre de guérilla. Ce fut aussi sa pratique comme commandant de la guérilla en Bolivie. Dans le Journal de Bolivie il écrit :
« On a pris comme prisonniers deux nouveaux espions : un lieutenant de carabiniers et un carabinier. Ils ont été pris à partie et laissés en liberté[78]».
Farber lui-même est obligé de reconnaître que le Che s’est opposé à l’exécution de l’ancien commandant de la Sierra Maestra Huber Matos, un opposant anti-communiste, et même à son incarcération (il sera condamné à 20 années de prison). Il avait contacté sa famille et lui avait suggéré de faire appel du procès (témoignage de Huber Matos après sa libération)[79].
Ultime témoignage public en France, celui d’un ancien guérrillero membre de la colonne du Che dans la Sierra Maestra, Luis Alberto Lavandeyra, qui illustre l’éthique du Che et son respect de la vie lors de la bataille de Santa Clara :
« Il avait préparé minutieusement une embuscade sur les hauteurs d’une vallée parce qu’un bataillon de soldats devait passer. Toute l’armée de Batista était noire. Il nous prévient : je tirerai le premier et ce sera le signal. La compagnie passe. Finalement le Che ne tire pas. La compagnie passée toute la troupe se précipite vers lui avec surprise : Nous attendions votre signal. Mais pourquoi vous n’avez pas tiré Commandant ? J’étais en train de réfléchir. On a gagné la guerre. A quoi servirait un massacre ? Ce sont des soldats recrutés dans les milieux les plus pauvres et ils ont des femmes et des enfants[80]».
Il s’agit d’une réflexion en plein combat. Le Che était quotidiennement en train de se poser des questions de caractère éthique . Une politique constante qu’il poursuivra en Bolivie en libérant les soldats faits prisonniers.
Le départ de Cuba. La Bolivie.
« Bien qu’il ait échoué au Congo », écrit S. Farber, « il (Guevara) ne voit aucune raison de remettre en cause la décision qu’il a prise de démissionner de ses responsabilités[81]». S. Farber reprend à son compte la version officielle, présentant cette décision comme un choix personnel indépendant de la conjoncture politique marquée par les tensions avec Moscou après son discours prononcé à Alger. S. Farber ne peut pas ignorer que la réalité est toute autre. Après son retour à La Havane, Guevara ne réapparaît plus en public. En cette fin d’année 1964 le ministre de l’Industrie a déjà fait part de ses nombreuses divergences avec la politique internationale et les réformes économiques soviétiques. Il est en butte au dénigrement de la part de certains apparatchiks du PSP. Il le sait :
« J’ai exprimé sur certains aspects des positions proches des positions chinoises sur la guerre du peuple, la guerre de guérilla. Et comme je suis identifié aussi au Système de financement budgétaire, on m’accuse également de trotskysme. On dit que les chinois sont fractionnels et on me colle le San Benito », écrit-il. (Le San Benito est le vêtement d’infamie imposé par l’Inquisition à ceux qu’elle destinait au bûcher)[82].
A son retour à La Havane, le 14 mars 1965 il écrira à sa mère qu’il « part[ait] en province pour un mois couper la canne à sucre[83]» suscitant l’incompréhension de ses proches collaborateurs. Comme le note René Dumont, il est désavoué, en réalité « il a alors démissionné discrètement de son poste de ministre[84]».
Cette décision était l’aboutissement de tensions croissantes entre La Havane et Moscou dont il était l’un des principaux protagonistes. Lors de son dernier voyage en URSS il avait eu, selon sa propre expression, « plusieurs disputes de type scientifique » avec des étudiants et des économistes soviétiques invités à l’Ambassade cubaine[85]. Le discours d’Alger mettra un point d’orgue à l’expression publique de ses désaccords qu’il commentera dans l’analyse adressée en 2019 à F. Castro et qui ne sera publiée qu’après la mort de ce dernier.
Après l’échec du Congo, il écrit à Fidel pour le dissuader d’y envoyer des renforts, il revient clandestinement à Cuba puis quitte l’île en 1966 pour la Bolivie. Le choix des lieux, les préparatifs organisationnels et politiques sont effectués au plus haut niveau de la direction cubaine[86].
S. Farber affirme que « le corps expéditionnaire (sic) du Che en Bolivie va se montrer incapable d’obtenir le soutien de la gauche bolivienne[87]». Or les déclarations des syndicats des mineurs, des organisations politiques de gauche – à l’exception du Parti Communiste de Bolivie (PCB) mais pas de son organisation de jeunesse – opposent un démenti catégorique à ces affirmations. Guillermo Lora, le secrétaire général du Partido Obrero Revolucionario (POR)[88] l’assure :
« Pour la classe ouvrière, le prolétariat bolivien, le chemin qui mène au pouvoir part des mines. Sans la classe laborieuse, la guérilla n’est rien. Le POR soutient la guérilla sans conditions car elle est l’aboutissement logique de la situation (…) Notre aide , notre appui seront illimités[89]».
A la question de savoir si le POR est prêt à y envoyer des hommes, Lora répond sans hésitation « Bien sûr[90]». L’autre organisation trotskyste affiliée à la 4° Internationale (le POR de González Moscoso) avait envoyé des militants s’entraîner à Cuba pour rejoindre la guérilla bolivienne. Ils resteront bloqués dans l’île, sans pouvoir quitter le pays pour rejoindre la guérilla.
Les Boliviens Carlos Soria Galvarro, José Pimentel Castillo et Eduardo García Cárdenas[91] racontent ce conflit capital dans l’histoire du pays andin-amazonique. Soria Galvarro fait le récit dans le premier chapitre (Mineros y guerrilleros) des journées de mai 1965 lorsque fût ratifié le Pacte entre les mineurs, les universitaires et les étudiants. Une période pendant laquelle la justice s’acharne contre les mineurs, où les dirigeants syndicaux qui organisent des assemblées, des grèves pour défendre leurs revendications sont attaqués et condamnés alors que les actions de la guérilla ont commencé en mars 1967 dans la région orientale du pays, occupant la première page des journaux. La peine de mort est alors rétablie par le dictateur Barrientos.
La revue Fedmineros de la puissante Fédération Syndicale des Travailleurs Mineurs de Bolivie (FSTMB) réagit le 17 mai 1967. Intitulée Frente Guerrillero, elle écrit : « La faim, la misère, l’exploitation, la violence , le gangstérisme, la persécution imposée par le gouvernement de Barrientos sont la conséquence de l’apparition de la guérilla. Les généraux disent qu’il s’agit de bandoleros (bandits) ennemis des pauvres mais personne ne le croit. Nous pouvons affirmer que la majorité des travailleurs voient avec sympathie l’action de la guérilla. C’est la vérité. Il ne peut en être autrement quand on vit les injustices, que l’on est au chômage et mal nourris. Nous savons que les yanquis luttent contre la guérilla et çà indigne les ouvriers[92]».
Le 6 juin l’assemblée générale des travailleurs mineurs de la mine de Huanuni se tient en présence des dirigeants des mines Siglo XX et Catavi. Dans la résolution principale figurait la convocation à une ‘Marche de l’Unité Ouvrière’, à laquelle furent convoqués tous les districts miniers et les secteurs ouvriers. Leurs mots d’ordre ? « Défendre la nationalisation des mines face à la menace de cession à des consortiums impérialistes » et « Appui moral et matériel aux guérillas patriotiques qui opèrent dans le sud-est du pays[93]».
Le jour suivant, la Junte Militaire décrétait l’état de siège et interdisait toutes les manifestations « pour faire face à la subversion communiste compte tenu de l’appui prêté au mouvement guérillero dans les discours des mineurs prononcés dans les districts miniers[94]».
Pour le sociologue René Zavaleta Mercado, ex-ministre des Mines du gouvernement du Movimiento Nacionalista Revolucionario (MNR), « le grand mérite de la guérilla réside dans le fait d’avoir rompu avec toutes les conceptions politiques traditionnelles et d’être sortie des lignes partisanes »..«dans trois mois nous pourrons envoyer nos premiers contingents à la guerrilla et pour peu qu’on nous aide, nous pensons pouvoir mettre au point un réseau de propagande[95] ».
Les mineurs allaient être massacrés lors de la nuit de la Saint-Jean.
C’est après ce carnage que Guevara publiera le Communiqué N° 5 aux mineurs boliviens que S. Farber interprète à contre-sens. S. Farber prétend que Guevara « conseilla aux mineurs d’abandonner la lutte de masse sur leur lieu de travail et de vie pour rejoindre sa lointaine armée de guérilla… dirigée pour l’essentiel par des militants étrangers à leur classe et originaires d’autres pays ». Or que dit le communiqué mis en cause[96] ?
« On ne doit pas persister dans des tactiques fausses, héroïques mais stériles, qui plongent le prolétariat dans un bain de sang et éclaircissent ses rangs nous privant de ses éléments les plus combattifs »… « Contre les mitrailleuses , les poitrines héroïques ne peuvent rien ». Le communiqué recommande «de ne pas engager des forces dans des actions dont le succès n’est pas assuré même si la pression des masses contre le gouvernement doit s’exercer de façon continue car il s’agit d’une lutte de classes sans fronts délimités ». « Camarade mineur, les guérillas de l’ELN t’attendent les bras ouverts[97]» conclut le texte.
Une conclusion qui s’inscrit dans les débats des années soixante sur les rapports entre lutte armée et luttes de masse en Amérique latine, sept ans après la victoire cubaine.
Un réquisitoire
Le livre de S. Farber est un réquisitoire. S. Farber n’en finit pas de recenser ce qu’il considère comme des insuffisances, des errements du Che. « Schématisme et indifférence aux contextes spécifiques », « manque d’instinct politique », « aveuglement tactique », « ignorance et indifférence à l’égard des contextes politiques particuliers », « incapacité à prendre en compte les réalités politiques de Cuba pendant la période de la lutte armée[98]», « indifférences aux données historiques », «surdité politique » contrairement au « génie » de F. Castro .
Même l’internationalisme du Che est mis en cause car il représente selon Farber « un projet qu’il partagera avec les frères Castro et les communistes prosoviétiques jusqu’à la fin , un projet qui repose sur la création d’un nouveau système de classe[99]». Car pour Farber la bureaucratie est une nouvelle classe sociale que le Che petit bourgeois « bohème » non prolétarien aurait très naturellement rejoint. CQFD.
S. Farber soutient que « la majorité des cubains considèrent le Che comme une figure romantique qui a échoué[100]» et selon lui, de nos jours « le Che n’a absolument aucune influence parmi les différents courants de l’opposition cubaine ». Mais l’opposition cubaine n’est pas homogène. Les réflexions des nouvelles générations cubaines concernant le bilan de la direction du pays sont sévères. Mais leurs critiques sont divergentes et évolutives. Le combat de Guevara contre les privilèges de la bureaucratie et les inégalités croissantes, ses analyses prévoyant l’effondrement de l’URSS, sa conception éthique du pouvoir, expliquent le prestige dont il bénéficie parmi la gauche critique, en particulier auprès des jeunes en rupture.
Dans un texte publié en mars 2023 dans La Joven Cuba, le jeune afro-cubain, Alexander Hall Lujardo (qui avait été interpellé lors des manifestations du 11 juillet 2021), se réfère à la dernière lettre du Che envoyée à Fidel et rappelle que « pendant plus de 40 ans les dirigeants cubains ont occulté les critiques faites par le révolutionnaire internationaliste Ernesto Che Guevara, un point de vue marxiste radical favorable à l’autonomie économique de l’île comme seule condition pour garantir sa souveraineté nationale ».
Rien ne serait plus étranger à la pensée d’Ernesto Guevara qu’une démarche apologétique occultant les erreurs et les divergences. « Si tu n’es pas d’accord, écris-le », répétait-il[101].
Interrompu par son décès à 39 ans, le projet du Che sur la transition socialiste est resté inachevé, comme le souligne l’historien cubain Fernando Martinez Heredia. Sa pensée était en constante évolution.Il lui manquait une conception structurelle, organique, de la démocratie politique nécessairement pluraliste dans la transition au socialisme, mais comme il l’avait écrit lui-même, il n’avait connu dans sa brève existence qu’« une démocratie armée[102]».
Mais on ne peut rien comprendre à sa réflexion théorique et stratégique, à son rayonnement politique et éthique, si on le réduit à un stalinien de la Troisième Période ou un Tchékiste des années 1920. On ne peut pas non plus réduire Guevara à un pur idéaliste, « personnage singulier qui se distinguait par son honnêteté politique et son égalitarisme radical, des qualités qui conviennent plus à un communisme oppositionnel qu’à un dirigeant communiste installé durablement au pouvoir…[103]».
Enfin on ne peut pas écrire sur Che Guevara sans se référer aux conditions historiques dans lesquelles il a réfléchi et agi entre 1955 et 1959 d’abord, puis entre 1959 et 1965 ensuite, lorsqu’il fût investi des plus hautes responsabilités dans une révolution initiant un processus de transition par des chemins imprévus, dans un contexte géopolitique l’obligeant à « naviguer entre la Charybde impérialiste et le Scylla totalitaire[104]».
Notes
[1] Aurelio Alonso, “Discutirla, con veneración e irreverencia. A propósito de la carta de Che Guevara a Fidel, 26/03/1965”, La Tizza, 28 juin 2019.
[2] Samuel Farber, Che Guevara. Ombres et lumières d‘un révolutionnaire, Paris, Syllepse, 2017.
[3] Ibid., pp. 9-10. C’est nous qui soulignons.
[4] Ibid., p. 10.
[5] Alain Rouquié, Amérique Latine. Introduction à l’Extrême-Occident, Paris, Seuil, 1987.
[6] Ernesto Che Guevara, Journal de Bolivie (Préface de François Maspero), Paris, La Découverte, 1997, p. 222.
[7] José Carlos Mariátegui, « Aniversario y balance» , in Ideología y Política (Obras completas, Tomo 13), Lima, Amauta, 1971, p. 252.
[8] Vladimir Ilitch Lénine, Lettres de loin (Œuvres Choisies, Vol. II,) Moscou, Éditions en langues étrangères, 1962, p. 30.
[9] Farber, op. cit., p. 32. C’est nous qui soulignons.
[10] Robert Merle, Moncada. Premier combat de Fidel Castro, Paris, Robert Laffont, 1965, p. 84. C’est nous qui soulignons.
[11] Julio Garcia Oliveras “El movimiento estudiantil antibatistiano y la ideología de la revolución”, in 1959, una rebelión contra las oligarquías y los dogmas revolucionarios, La Havane,Ruth Casa Editorial, 2009, p. 20.
[12] Merle, Moncada, op. cit., pp. 341-348.
[13] Farber, op. cit., p. 152.
[14] Ibid., pp. 25, 30, et pages suivantes.
[15] Ibid., pp. 30-32.
[16] Ibid., p. 10. C’est nous qui soulignons.
[17] Ibidem.
[18] Hilda Gadea, Che Guevara. Años decisivos, México, Aguilar, 1972, pp. 14-15.
[19] Raúl Roa Kouri, En el torrente, La Havane, Casa Editora Abril, 2018, p. 72.
[20] Carlos Franqui, Diario de la revolución cubana, Barcelona, R. Torres, 1976, p. 362.
[21] Ibidem.
[22] Lettre à Ernesto Sábato, 12 avril 1960, in Ernesto Che Guevara, Lettres 1947- 1967, Paris, Au Diable Vauvert, 2021, p. 261.
[23] René Dumont, Cuba est-il socialiste ? Paris, Seuil, 1970.
[24] Farber, op. cit., p. 152.
[25] Farber, op. cit., p. 43.
[26] Blas Roca, Balance de la labor del Partido desde la última Asamblea Nacional y el desarrollo de la Revolución, La Havane, 1960, pp. 87-88.
[27] Cité par Silvio Frondizi, un révolutionnaire argentin antistalinien, dans son livre La revolución cubana, Montevideo, Editorial Ciencia Política, 1960, p. 151.
[28] Carta Semanal, N° 7, 26/9//1953, cité in 1959, una rebelión contra las oligarquías y los dogmas revolucionarios, La Havane,Ruth Casa Editorial, 2009, p. 229.
[29] Che Guevara n’est membre du Bureau Politique ni du Comité Central du nouveau PCC. Il a quitté Cuba après un discours prononcé à Alger mettant en cause la politique soviétique.
[30] Gaspar Jorge Garcia Galló, « El partido del proletariado y del pueblo », La Habana, Departamento de Extensión Educacional, 1962, p. 23.
[31] Ibid., pp. 25-26.
[32] Farber, op. cit., pp. 39, 149.
[33] Publié à La Havane dans la revue Nuestra Industria dirigée par Guevara puis dans la revue Pensamiento Crítico, interdite après 1970.
[34] Voir à cet égard Ernesto Che Guevara, Charles Bettelheim, Ernest Mandel, El Gran Debate: Sobre la economía en Cuba, La Havane, Ocean Sur, 2005 (traduit en anglais et publié par Ocean Sur en 2006).
[35] Farber, op. cit., p. 155.
[36] Alonso, “Discutirla, con veneración e irreverencia…”, cit.
[37] Ernesto Guevara, El socialismo y el hombre en Cuba, La Havane, Ocean Sur, 2005.
[38] Voir Ernesto Guevara, Apuntes críticos a la economía, La Havane, Ocean Sur, 2006, et Orlando Borrego, Che: El camino del fuego, Buenos Aires, Editorial Hombre Nuevo, 2001, pp. 381-422.
[39] Alonso, “Discutirla, con veneración e irreverencia…”, cit.
[40] Guevara, Apuntes criticos, op. cit., p. 342.
[41] Farber, op. cit., p. 121. C’est nous qui soulignons
[42] Ernesto Che Guevara, Ecrits d’un révolutionnaire, Paris, La Brèche, 1987, p. 31. Cf. aussi Apuntes críticos, op. cit., p. 369.
[43] Carlos Rafael Rodríguez, “Sobre la contribución del Che al desarrollo de la economía cubana”, Cuba Socialista, N° 33, 1988.
[44] Farber, op. cit., p. 113.
[45] Ibid., p. 126.
[46] Guevara, Apuntes críticos, op. cit., p. 413.
[47] Guevara, Apuntes críticos, op. cit., p. 413.
[48] Farber, op. cit., p. 126.
[49] Orlando Borrego (comp.), Che en la Revolución Cubana, La Havane, Editorial José Martí, 2013, tome VI, p. 579. Pour cet article les numéros de page du livre de Borrego renvoient a
l’ «Edition spéciale du Comité Central du PCC », édition limitée non datée.
[50] Ibidem.
[51] Ibid., p. 580.
[52] Ibid., p. 693.
[53] Farber, op. cit., p. 109.
[54] Ibid., p. 45.
[55] Guevara, Apuntes críticos a la economía, op. cit., p. 304.
[56] « Opiniones del Ministerio sobre el Plan perspectivo de 1964 », in Borrego, op. cit., p. 732.
[57] Ibid., p. 45.
[58] Manuel Moreno Fraginals, El ingenio, La Havane, Editorial de Ciencias Sociales, 1978.
[59] Farber, op. cit., pp. 148-149.
[60] Ibid., pp. 11,125.
61 Ibid., p. 39.
[62] Borrego, op. cit., tome VI, p. 566.
[63] Rafael Acosta de Arriba, « La fin du trotskisme organisé à Cuba », Contretemps, N° 34, 2017.
[64] Borrego, op. cit., tome VI, passim.
[65] Borrego, op. cit., tome IV, p. 390.
[66] Ibidem.
[67] Ibid., p. 391.
[68] Heberto Padilla, La mauvaise mémoire, Paris, Lieu Commun, 1991, p. 139.
[69] Ibid., p. 140.
[70] Jorge Castañeda, La vida en rojo. Una biografía del Che Guevara, Barcelona, ABC, 2003.
[71] Farber, op. cit., p. 38.
[72] Luis Simón, « Mis relaciones con el Che Guevara», Paris, Cuadernos (N° 60), 1962. Cf. Pierre Kalfon, Che, Ernesto Guevara, une légende du siècle, Paris, Seuil, 1997.
[73] Guevara, Apuntes críticos a la economía, op. cit., p. 240.
[74] Farber, op. cit., p. 40.
[75] Ibid., p. 102.
[76] [76]C’est le cas de Jacobo Machover, cité comme une référence par S.Farber, dont l’acharnement contre la révolution cubaine l’a conduit à nier l’impact destructeur des sanctions nord américaines.
[77] On ne compte plus les innombrables témoignages de la part d’anciens guérrilleros que nous avons recueillis dont certains figurent dans un film de Maurice Dugowson, également dans le livre de Pierre Kalfon, qui contredisent ces affirmations
[78] Guevara, Journal de Bolivie, op. cit., 1995, p. 201.
[79] Farber, op. cit., p. 94.
[80] Fabien Augier, Souvenirs d’un guérrillero tendre, Louis -Alberto Lavandeyra, le lieutenant français de Che Guevara, Paris, Les Indes savantes, 2022.
[81] Farber, op. cit., p. 69.
[82] Borrego, Che en la Revolución Cubana, ed. cit., tome VI, p. 567.
[83] Dumont, Cuba est-il socialiste ? ed. cit., p. 51.
[84] Ibidem.
[85] K. S. Karol, Les guerrilleros au pouvoir, Paris, Robert Laffont, 1970, p. 331.
[86] Préface de François Maspero à la réédition du Journal de Bolivie, Paris, Maspero, 1995.
[87] Farber, op. cit., p. 71.
[88] Le trotskysme bolivien était divisé en deux organisations, le POR de Lora et le POR de Hugo González Moscoso (4° Internationale), les deux partis soutenaient la guérilla. Il y avait aussi deux partis communistes, celui de Mario Monje (Partido Comunista de Bolivia – PCB), pro-Moscou, et celui de Óscar Zamora (Partido Comunista de Bolivia (Marxista-Leninista) – PCB(ML)), pro chinois.
[89] Carlos Soria Galvarro, José Pimentel Castillo et Eduardo García Cárdenas 1967: San Juan a sangre y fuego, La Paz, Punto de Encuentro, 2008.
[90] Rubén Vásquez Díaz, La Bolivie à l’heure du Che, Paris, Maspero, 1968, p.116.
[91] Soria Galvarro et al, op. cit.
[92] Ibidem.
[93] Presencia, 26 juin 1967.
[94] Soria Galvarro, op. cit., p. 17.
[95] Vásquez Díaz, op. cit., p.114
[96] Guevara, Journal de Bolivie, ed. cit., p. 285.
[97] Ibid., p. 286.
[98] Nous renvoyons aux innombrables récits des exploits militaires de Guevara pendant la lutte armée et à l’hommage rendu par F. Castro à La Havane le 18 octobre 1967.
[99] Farber, op. cit., p. 7.
[100] Ibid., p. 7.
[101] Enrique Oltuski, Gente del llano, La Havane, Imagen Contemporánea, 2001, p. 13.
[102] Fernando Martínez Heredia, Pensar al Che, La Havane, CEA/Editorial José Martí, 1989-1992, tome I, p. 357.
[103] Farber, op. cit., p. 154.
[104] Dumont, op. cit., p. 236.