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Chèque alimentaire : retour sur l’abandon de la promesse d’Emmanuel Macron

Lien publiée le 3 février 2024

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://www.publicsenat.fr/actualites/economie/cheque-alimentaire-retour-sur-labandon-de-la-promesse-demmanuel-macron

Proposé par la Convention citoyenne pour le climat en 2020 et repris ensuite par Emmanuel Macron dans sa campagne de 2022, le chèque alimentaire devait permettre aux foyers modestes d’acheter des produits frais et locaux. Après plus de 3 ans d’atermoiements, la promesse d’Emmanuel Macron a été définitivement enterrée par Bruno Le Maire ce dimanche. Retour sur un feuilleton qui aura duré plus de 3 ans.
Chèque alimentaire : retour sur l'abandon de la promesse d'Emmanuel Macron  - Public Sénat

Le chèque alimentaire ne verra pas le jour. Dimanche, sur France 3, le ministre de l’Economie a planté le dernier clou dans le cercueil de cette promesse : « J’enterre la politique des chèques parce que je considère qu’elle n’est pas la bonne » a expliqué Bruno Le Maire. « Oublions la politique des chèques, nous n’en avons pas les moyens » a encore jugé le ministre qui préfère privilégier le soutien aux associations et aux banques alimentaires pour aider les plus modestes. Le sujet de l’aide alimentaire a d’ailleurs occupé le Parlement lors du débat budgétaire de l’automne, après le cri d’alarme poussé par les Restos du cœur au mois de septembre. Le Sénat avait d’ailleurs débloqué 30 millions d’euros pour répondre à l’urgence de la fin d’année, somme finalement rabotée de 10 millions d’euros en commission mixte paritaire. Aide promise aux associations et aux banques alimentaires. Mais pas de chèque alimentaire à l’horizon. 

Chèque alimentaire : une proposition de la Convention citoyenne pour le climat

Le chèque alimentaire, c’était d’abord l’une des propositions phares de la Convention citoyenne pour le climat. Son principe : verser chaque mois une aide aux foyers les plus modestes, pour les aider à consommer des produits alimentaires durables, français et bio. Sur le plan logistique, la distribution de ces chèques devait être confiée aux centres communaux d’action sociale. En juin 2020, Emmanuel Macron valide en personne la proposition devant le parterre de la Convention citoyenne réunie dans les jardins de l’Elysée. Enthousiasme des citoyens puis la mise en œuvre s’endort dans la torpeur de l’été. Pas trace du chèque alimentaire ni dans le plan de relance, ni dans le projet de loi de finances 2021. Bercy freine des quatre fers face à une mesure complexe et coûteuse, et le ministère de l’Agriculture n’est pas plus allant. Mais voilà que six mois plus tard, face à une Convention citoyenne bien remontée et qui attend des actes après les promesses, Emmanuel Macron répète son feu vert pour la mesure citoyenne : « Je suis d’accord avec le chèque alimentaire, donc il faut qu’on le fasse. » Une annonce qui prend de cours l’ensemble du gouvernement. 

Une mesure de la loi Climat et résilience

Car si l’idée est consensuelle, la mise en œuvre vire au casse-tête. Le chèque alimentaire figure bien dans la loi Climat et résilience de 2021, mais de façon très timide. L’article 259 du texte se contente de déclarer que le gouvernement doit remettre au Parlement dans les deux mois suivant la promulgation, un rapport sur les « modalités et les délais d’instauration d’un « chèque alimentation durable » ainsi que sur les actions mises en place en la matière ». Puis six mois plus tard, l’exécutif doit produire un rapport sur la mise en œuvre, c’est-à-dire « les personnes bénéficiaires, les produits éligibles, la valeur faciale, la durée, les modalités d’évaluation et de suivi, les modalités de distribution »… Quand on veut enterrer une décision, on crée une commission disait Georges Clemenceau. Le Tigre aurait pu ajouter : et on commande des rapports !  

Deux rapports portés disparus 

Et lorsque les rapports ne sont pas publiés, les promesses sont encore plus fragiles. En octobre 2021, l’inspection générale des affaires sociales, l’inspection générale des finances, le conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux sont saisis et doivent produire les rapports promis par la loi Climat et résilience. Près de deux ans plus tard, des parlementaires s’interrogent sur ces rapports qui n’ont jamais été rendus publics et posent d’ailleurs la question (écrite) au gouvernement. Côté partisans du chèque, on trouve les banques alimentaires mais aussi la FNSEA. Face à la crise sociale, le syndicat d’agriculteurs explique qu’il craint de voir la grande distribution lui imposer de baisser les prix et propose de s’inspirer des « food stamps », qui ont été créés en 1939 et qui bénéficient encore à 40 millions d’Américains. Le syndicat ne s’avance en revanche pas sur le coût de la mesure. Et finalement le projet de loi de finances 2022 ne parle pas plus du chèque alimentaire, qui, une nouvelle fois, est remis au placard. 

2022 : une promesse de campagne d’Emmanuel Macron

Mais c’est sans compter sur la campagne présidentielle et ses promesses ! Le candidat Macron s’exprime très tôt sur ce projet, le jour même de son entrée dans la course suprême. Lors d’un déplacement à Poissy (Yvelines) le 7 mars 2022, le président sortant reparle de ce qui apparaît déjà comme l’un des serpents de mer du quinquennat précédent. A nouveau, il promet, mais ne donne pas plus de détails. Le 17 avril, déjà dans Dimanche en politique sur France 3, le ministre de l’Agriculture d’alors Julien Denormandie indique que le « chèque alimentaire » sera mis en place « dès après l’élection ». « Le principe est arbitré » ajoute le locataire de la rue de Varenne.  

Le 29 juin de la même année, c’est la porte-parole du gouvernement Olivia Grégoire qui est chargée de donner les premiers détails. On parle enfin de chiffres : un chèque alimentaire d’urgence de 100 euros par foyer et 50 euros par enfant doit permettre de soutenir les plus modestes. Cette mesure, et bien d’autres, vont figurer dans le projet de loi sur le pouvoir d’achat qui est adopté au mois de juillet 2022. Reste que ce chèque n’a d’alimentaire que le nom, puisqu’il n’est pas conditionné à l’achat de denrées alimentaires et qu’il n’est pas pérenne. Il s’agit en réalité d’un simple coup de pouce destiné aux 9 millions de Français les plus modestes et qui sera ensuite rebaptisé « chèque inflation ». D’ailleurs, le 12 septembre, Bruno Le Maire (déjà lui ! ) confirme qu’aucun crédit ne sera dédié au chèque alimentaire dans le projet de loi de finances 2023. Mais il garde la porte ouverte pour l’année suivante. 

2023 : l’enterrement définitif ?

Au mois de mars dernier, le ministre de l’Economie a d’ailleurs dit exactement le contraire de ce qu’il a avancé dimanche. Catégoriquement, il a assuré « qu’une expérimentation [allait être] lancée dans les prochains mois ». A l’issue d’une réunion avec les distributeurs, qui a abouti à un accord sur les prix de grande consommation, Bruno Le Maire conclut en répondant à une question sur le chèque alimentation : « Ce soutien a été promis par le président de la République et avec le Gouvernement, nous mettrons en œuvre ses promesses. C’est une attente forte des plus démunis, des plus modestes. C’est aussi une attente forte du monde agricole. » Moins d’un an plus tard, pas de chèque alimentaire en vue et le journaliste Francis Letellier, qui interroge systématiquement ses invités de la majorité sur le sujet, a vu sa persévérance récompensée. Voilà donc le chèque alimentaire enterré… Sauf si, une nouvelle fois, le président de la République venait à le ressusciter.