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Le tourisme comme pulsion de conquête et de mort

Lien publiée le 1 mars 2024

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://comptoir.org/2024/02/26/le-tourisme-comme-pulsion-de-conquete-et-de-mort/

Le tourisme de masse est un phénomène caractéristique de notre époque, et révélateur d’une modernité capitaliste aux relents coloniaux. Le présent article se propose d’en donner quelques pistes d’analyse, d’ordre moral et social, en vue d’éclairer en quoi le tourisme est un problème éthique et un fléau destructeur majeur.

Du voyageur au touriste

La figure du voyageur habite l’imaginaire des civilisations depuis des millénaires. Les mythes donnent au voyage une place essentielle, comme catégorie constitutive de l’héroïsme traditionnel. Du périple tragique au pèlerinage rédempteur, les fonctions initiatiques et symboliques commandent la richesse narrative des récits de voyage, ces récits qui enrichissent d’un fond infini le trésor de nos cultures et de nos représentations collectives. Pourtant, d’Ulysse à l’anonyme usager de Promovacances, du chevalier errant au couple de retraités voguant à bord d’un paquebot Costa Croisières, quelque chose a changé fondamentalement dans la fonction, la nature et la représentation du voyage. La Modernité Capitaliste est passée par là. À l’antique et baroque sublimation du réel, elle a substitué son impitoyable arasage, à l’ancestrale fascination de l’exception et de l’extraordinaire, son implacable puissance d’homogénéisation. Inquiets de ce processus global, les écrivains romantiques ont tenté d’investir, une dernière fois, la figure du voyageur comme une forme de résistance à l’âge de l’industrialisation accélérée. Comme l’ultime subsistance du rêve d’ailleurs, ou comme la dernière possibilité du rêve et de l’aventure, notamment sous la forme du Voyage en Orient. Mais l’échec de leur entreprise était couru d’avance.

Gérard de Nerval (1808-1855)

De cet échec, Nerval livre un témoignage édifiant quand, débarquant à Cérigo, imprégné du désir de poser le pied sur cette île qu’on appelait autrefois Cythère, il s’aperçoit que, en se l’appropriant, l’Europe industrielle (Cérigo était devenue une possession anglaise) l’a évidé de son aura légendaire et y a effacé les traces du sacré – ce caractère sacré qui remontait à Hésiode, faisant de Cythère une île née de l’écume laissée en mer au moment de la conception d’Aphrodite. Nerval le déplore : « Voilà mon rêve… et voici mon réveil ! Le ciel et la mer sont toujours là ; le ciel d’Orient et la mer d’Ionie se donnent chaque matin le saint baiser d’amour ; mais la terre est morte, morte sous la main de l’homme, et les dieux se sont envolés ! »

Sous la mainmise de la modernité capitaliste, la représentation du voyage s’est considérablement rabougrie. La culture et l’imaginaire qui la nourrissaient ont cédé le pas à une objectivation du voyage, désormais passé entièrement sous la coupe du Marché. Depuis lors, le voyage se réduit à un objet de vente et d’achat pour le tout-venant, à un produit d’agences et de promotions à saisir d’urgence, à un objet de consommation comme un autre. En parallèle, la figure du voyageur a perdu la fonction symbolique du héros d’épopée qui en faisait le prestige. Le voyageur n’a plus rien du guerrier en quête de lui-même, ni du chevalier parcourant les étapes qui le mèneront à la rédemption. Il n’est plus un aventurier s’exposant aux périls, ni pirate ni explorateur. Il n’a plus rien de celui qui allait vaillamment au-devant des mystères du monde et de l’imprévisible. Il n’est plus qu’un consommateur planifiant la satisfaction d’une vague envie d’exotisme, un client optimisant son budget vacances. Il n’est plus qu’un touriste.

Du voyage au tourisme, du héros voyageur au touriste consommateur, la distinction n’est pas purement conceptuelle. Entre les deux s’est opérée une disjonction dans l’être même, dans le rapport de l’humain au monde. La nature du voyage s’est substantiellement transformée sous l’effet de la domination du Capital et de son système de marchandisation à échelle planétaire, et cela ne pouvait demeurer sans conséquence anthropologique, sur ce qui constitue l’être humain lui-même (sa nature et/ou sa culture).

Les origines coloniales du tourisme

Observateur féroce et profond de l’esprit bourgeois du XXe siècle, l’écrivain Paul Nizan décrivait, dans Aden Arabie (1931), l’âpre récif sur lequel avait échoué le rêve romantique de l’ailleurs, dans un monde piétiné par l’Europe des conquêtes modernes. Ce qu’il en écrit fait écho à la déception de Nerval, avec un regard actualisé, une lucidité marxiste, celle d’un auteur qui, derrière « l’utopie » du voyage transmise depuis la Renaissance, décèle la réalité (l’infrastructure, la base matérielle) de l’impérialisme colonial et marchand : « Des bourgeois mécanisés par l’existence ont leur digestion troublée par le nom des îles Sous-le-Vent et des îles Paradis […]. Seulement la terre connue, arpentée, cadastrée, les gens d’Europe l’ont mise en coupe : on est partout volés comme dans un bois ; les paradis sont des entreprises commerciales de cobalt, d’arachides, de caoutchouc, de coprah ; les sauvages vertueux sont des clients et des esclaves ». Avec force, Nizan dénonce la violence faite au monde par ceux que Nerval appelait déjà les « barbares du Nord » : la violence d’une Europe moderne qui, derrière le bel idéal utopique du voyage, le refuge des poètes, accomplit dans les faits le pillage des terres, leur accaparement, et l’asservissement des populations, réduites à l’état de rouages de son exorbitante machine de production.

À l’époque où Nizan écrivait ces lignes, la question du voyage se posait en des termes qui ont aujourd’hui évolué. La situation n’est plus la même. Notamment, l’esprit du tourisme contemporain n’existait pas encore comme nous le connaissons aujourd’hui, il n’en était qu’à ses balbutiements. La démystification opérée par Nizan, entre la représentation idéalisée du voyage dans la culture européenne et la réalité de l’exploitation impérialiste, suggère toutefois un point d’ancrage percutant, qui permet d’établir la généalogie de ce qui deviendra, quelques décennies plus tard : le tourisme occidental de masse.

Notre but, ici, n’est pas de retracer une histoire précise du tourisme de masse, mais plutôt d’en cerner l’esprit, quelque chose comme la structure spirituelle du tourisme contemporain. Or, il est impensable d’en esquisser l’analyse sans tenir compte de son enracinement dans l’histoire de la Modernité capitaliste, c’est-à-dire, plus précisément : l’enracinement du tourisme de masse dans la structure de l’Occident colonial, dans l’histoire de l’impérialisme européen.

Évidemment, le tourisme dans sa forme contemporaine n’est pas identique au colonialisme tel qu’il s’est exercé dans l’histoire moderne, de la découverte des Amériques jusqu’aux processus de décolonisation dans la seconde partie du XXe siècle. Pour autant, il faut bien avoir en tête que c’est l’expansion coloniale – en tant que forme concrète de la mondialisation et de l’expansion du modèle de la société marchande – qui a rendu possible le tourisme tel qu’il se pratique aujourd’hui, à l’échelle internationale. Nous voulons ici insister sur le fait que le colonialisme l’a non seulement rendu possible, mais continue de l’irriguer en sous-bassement. L’esprit du tourisme contemporain ou « de masse » représente ainsi un prolongement du colonialisme, fût-ce à titre d’avatar ou de succédané.

Tourisme et capitalisme pulsionnel

Bernard Stiegler (1952-2020)

Le concept de « capitalisme pulsionnel » a été forgé par Bernard Stiegler, pour signifier la manière dont le capitalisme, dans sa forme contemporaine, s’appuie sur les pulsions du consommateur : son besoin de jouissance immédiate, sa dépendance à un bien-être de l’ordre du shoot euphorisant, son ancrage dans le court-termisme, le sensationnalisme et l’addiction.

L’économie du tourisme s’inscrit pleinement dans ce cadre. Il s’agit de faire rêver, non en poète, non en voyageur en quête d’aventures, par définition imprévisibles, mais dans les termes d’une promesse très concrète de sensations : jouissance du corps absorbant sa dose de vitamines D sur les plages des Caraïbes ; désir d’un repos calibré, sur fond de paysage paradisiaque, loin de la frustration quotidienne, loin du lot ordinaire du travailleur ; joie d’entrevoir la possibilité de se faire servir sur des terres lointaines, nourrissant le dépaysement du travailleur habitué à servir un patron ou quelque autre maître.

 Mais une pulsion peut en cacher une autre. Derrière le besoin légitime du repos et du bien-être, le court-termisme de l’économie pulsionnelle constitue aussi un point aveugle, des œillères qui empêchent de voir ce qui se joue en réalité dans cette même économie. Mon petit désir, mon petit besoin personnel, prime-t-il sur la terre entière ? Prime-t-il sur le réel ? Ma jouissance privée me donne-t-elle le droit absolu de pratiquer un loisir qui se situe dans le prolongement d’une histoire de violence, de conquête et de mort ? Ce sont des questions morales qu’il y a tout lieu de se poser.

Une jouissance bien planifiée

Prenons le tourisme au pied de la lettre. Que disent nos amis et nos connaissances, quand on projette une idée de voyage ? Ils disent généralement : « je veux voir (tel ville / tel lieu emblématique / tel monument) ». Quoi de plus innocent ? Quoi de plus légitime ? Le « désir de voir » n’est-il pas le fondement même de la curiosité qui entraîne l’histoire de l’humanité vers le savoir ? Mais on ne parle pas ici du désir désintéressé de la connaissance, objet par nature gratuit et infini, ni même du désir de voir qui procède de l’art, au sens où voir un tableau, c’est aussitôt faire jouer le regard vers une complexité du visible qui met en jeu des abîmes d’invisible. Dans le tourisme, le « voir » relève d’autre chose que d’une curiosité qui entraîne vers les horizons d’un savoir jamais définitivement acquis, ou d’une contemplation jamais complètement achevée. C’est une volonté de satisfaire un besoin plus brut : celui de ne pas laisser échapper de ma perception personnelle, par définition limitée, ou de ma jouissance perceptive, des pans du monde ; c’est une volonté qui refuse d’en rester à l’imagination et à la rêverie : la volonté de fouler des territoires qui ne sont pas mes lieux de vie.

 Le voyageur, dans sa figure traditionnelle, va vers le pays étranger comme vers une terra incognita, de laquelle il ne saurait prévoir ou projeter avec exactitude les chemins qu’il aura à parcourir et les paysages qu’il découvrira.

Le touriste, tout au contraire, prévoit rigoureusement le parcours qu’il souhaite accomplir, en fonction des différents types de monuments et de paysages qu’il veut voir, et en rentabilisant minutieusement le temps qui lui est imparti. Ou comment le voyage en vient à être rabaissé à des comptes d’apothicaire, à un calcul de boutiquier. On remplace le rêve par le calcul. On ne rêve plus du pays que l’on s’apprête à visiter : on le compte et on l’optimise – en tant de jours, avec tel budget, voilà le nombre de villes et de monuments que l’on aura la possibilité de voir. On ne va pas vers l’inconnu, qui impliquait autrefois les risques de la perte et de l’errance, et la chance des rencontres et des découvertes fortuites. On balise le terrain. On organise le transport d’un point A à un point B. On domine la carte et le territoire. On en surplombe la géographie. Tel un général napoléonien disposant ses armées, au vagabondage et à la flânerie, perte de temps et d’argent, on préfère la stratégie. On quadrille.

Il y a quelque chose de militaire dans la planification du voyage touristique – la part du hasard et de la spontanéité doit y être réduite à part congrue. Mais le touriste n’a rien non plus d’un génie militaire. Ce sens de l’organisation reflète plutôt la mesquinerie que la modernité tardive impose à nos esprits : un souci de l’économie et de la prévision au carré, une responsabilité de petit chef d’entreprise. Le voyage touristique est une entreprise dont on a la charge, un cahier des charges – un ensemble de tâches précises qu’on peut aussi déléguer à des sous-traitants : « voyage organisé » (avec la dimension ironique ou oxymorique dont cette expression relève) par les agences, packages transports-hôtel all inclusive… C’est un processus sous contrôle. Le touriste ne va pas en voyage comme le voyageur héroïque ou romantique des traditions anciennes : il s’y rend en terrain conquis (maîtrisé, planifié, budgété). La part de l’inconnu y est réduite à celle d’un « ordre du jour », à une to-do-list chronométrée à la minute, à une série de visites tracées à la manière dont le stratège militaire planifie la conquête d’un territoire : parcelle par parcelle, kilomètre par kilomètre.

Le vouloir-voir comme pulsion de conquête

Le touriste veut voir : il est armé d’un appareil photo, intégré ou non à son smartphone. C’est sa motivation première, la plus consciente. Mais « voir », pour lui, se réduit le plus souvent à parcourir tel pays ou tel lieu en quête de prises de vue, précisément, de vues ou de photos à prendre, de paysages et de monuments instagramables. De quoi en faire une jolie collection à usage plus ou moins privé. Ce qui indique bien la dimension du « prendre » que recèle cette volonté de voir. « Je veux voir cette ville / ce monument », revient à dire : « je veux prendre » ceci ou cela, sous la fausse candeur du souvenir à choyer, sous la fausse innocence du « je veux en garder quelque chose ». Captation à des fins de jouissance purement narcissique, jusque dans la monstration qui aura lieu ou non après-coup, quand il s’agirait de revoir ce qu’on a vu, et ainsi, de reprendre ce qu’on a pris (en photo), ce qu’on a figé dans une image qui nous appartient désormais, arrachée au mouvement, à la vie du lieu. Une image morte, au fond de laquelle gît un lieu ne laissant plus briller que la gloire du moi qui l’aura conquis.

À ce « vouloir-voir », qui est donc aussi un « vouloir-prendre », une démarche d’appropriation, s’oppose l’antique sens du voyage, de la découverte au sens noble, qui aurait pour condition le désir de porter un regard véritable sur ce que les sens perçoivent – non seulement la vue, mais encore l’ouïe, le goût, l’odorat (rappelons ici le beau livre que Pasolini a rédigé au cours de son voyage en Inde, en 1961, et qu’il a intitulé, contre tout sensationnalisme touristique, L’odeur de l’Inde)… Là où le « voir » du touriste ne se satisfait que d’un jouir des surfaces, d’une jouissance de consommation immédiate, le regard engage, compromet, s’attarde, s’enfonce dans le mystère des formes de vie qui se jouent à distance de la sienne, dans une autre terre, et dans le rapport à une humanité qui lui présente un autre visage.

Aussi, le vouloir-voir du touriste s’oppose-t-il à l’habiter. D’une part, au sens où, naturellement, le touriste veut voir et prendre en vue des lieux où lui-même n’habite pas, et, plus fondamentalement encore, où il ne projette pas d’habiter. Son geste photographique est, du même coup, un geste d’effacement ou de déni du lieu comme habitable : lieu de vie, habité et d’habitudes, lieu d’un ancrage de l’ordinaire et de l’extraordinaire, qui appartiennent, en fait et en droit, au vécu de ses habitants. Le vouloir-voir touristique opère comme un évidement, en tant que volonté toute-puissante et monolithique, s’imposant en lieu et place du vivant, par définition infiniment multiple et mouvant, et devenant ainsi la seule signification du lieu, éradiquant le sens vivant du lieu habité et habitable.

Complexes hôteliers et négation de l’autre

Frantz Fanon (1925 – 1961)

Le surgissement abstrait et absurde des complexe hôteliers dans les pays du Sud illustre, en la condensant, la vérité de l’élément pulsionnel – conquête et mort – en jeu dans le tourisme occidental de masse. Frantz Fanon consacre à cette question quelques lignes cinglantes dans Les Damnés de la terre (1961). Selon lui, le tourisme prend sa source dans la trahison et la décadence de la bourgeoisie des pays du Sud, au profit de la jouissance de la bourgeoisie occidentale. Fanon s’attache à en décrire l’aspect le plus sordide : celui de la prostitution, comme symbole d’un nouvel avilissement colonial, lié au développement des complexes hôteliers – « les petites Brésiliennes, les petites Mexicaines, les métisses de treize ans […] sont les stigmates de [la] dépravation de la bourgeoisie nationale [qui] va assumer le rôle de gérant des entreprises de l’Occident et pratiquement organisera son pays en lupanar de l’Europe ».

Dans sa version plus soft, sans que ne soit recherchée la consommation sexuelle à proprement parler, le droit que s’arroge le touriste occidental de poser ses pieds à peu près partout où il le souhaite, comme si le monde lui appartenait, pourrait-il reposer sur une conception humaniste, égalitaire, où la réciprocité serait de mise ? Cela n’est bien entendu pas possible, au regard d’une situation de déséquilibre économique radical entre le Nord et le Sud. Le cercle vicieux de la manne touristique enferme les pays du Sud dans une relation fondamentalement prostitutionnelle. Et au-delà même de ce qu’en dit Fanon, qui s’en tenait à cibler la bourgeoisie dépravée, c’est le tourisme occidental de masse en soi qui relève d’un rapport de domination, un rapport colonial par nature, en tant que l’Autre y est nié au profit du Même – l’altérité de l’habitant et des formes de vie qui ont (leur) lieu en cet ailleurs (qu’on appelle ces formes de vie : « culture », « civilisation », ou comme on voudra), supprimée au profit du « moi-même » (du « je veux ») du touriste, grisé par l’accomplissement de son désir de conquête, courant et soufflant d’un site à l’autre, suintant et rougeoyant sous un soleil qui le défie, s’imposant à coups d’épaules à travers les foules, pour voir ce que son petit manuel lui recommande de voir… Le fameux guide touristique en poche : ce qu’il faut voir, l’incontournable. Un impératif catégorique qui prime sur tout savoir authentique du lieu, sur ces savoirs que portent les habitants du lieu. Ces habitants que le touriste laisse à leur silence. Des figurants dans le décor, qui d’ailleurs gênent un peu la vue, et qu’il vaut mieux laisser à l’arrière-plan, voire, souvent, qui disparaissent magiquement du cadre, dans les photos que l’instagrameur frénétique s’échine à prendre.

Sous ses airs de légèreté estivalière, le vouloir-voir touristique exerce une violence qu’un texte ne suffirait pas à cerner en globalité. Violence faite aux lieux – comment en mesurer les conséquences écologiques ? et les conséquences de tous ordres en termes de dévastation des cadres de vie ? –, et violence faite aux humains – comment sortirons-nous du cercle vicieux de la manne touristique ? comment éviterons-nous les dégâts psychologiques et moraux qu’engendre le rapport profondément inégalitaire entre le touriste occidental et ses « réserves » du Sud ? Contre tout humanisme et contre toute empathie, le tourisme actualise la laideur d’un monde ravagé par la loi du capitalisme, c’est-à-dire la loi du Profit en tous les sens du termes (pas seulement au sens du gain financier : le touriste paye son séjour sur les plages de Tulum pour « profiter » – Tulum, précisément, ville du Mexique dévastée par le tourisme de masse, donc lieu mort, authenticité tuée).  

Symptomatique d’un monde malade, d’un monde à refaire, on peut sans doute encore lui opposer l’alternative d’une éthique du voyage, conçue, par exemple, dans les formes d’une « simplicité volontaire » (pour reprendre une notion chère à Paul Ariès), où il s’agirait de réellement se donner le temps de la découverte, de la rencontre, et de l’expérience de l’habiter. Sans doute cela est-il encore possible. Affaire d’individus, de temporalité et de conscience. Mais de façon plus urgente, il faut inclure le combat contre le tourisme comme un élément majeur dans la lutte contre le capitalisme et dans la prise de conscience des désastres écologiques mondiaux et du continuum des rapports coloniaux entre le Nord et le Sud. Le tourisme de masse est, en tous sens, un fléau majeur de notre temps.

Nos desserts :