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    Education nationale : les conditions de l’affrontement.

    éducation

    Lien publiée le 2 mars 2024

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    https://aplutsoc.org/2024/02/29/education-nationale-les-conditions-de-laffrontement/

    Les conditions se réunissent pour une poussée vers un affrontement central entre la majorité sociale de ce pays et l’exécutif macronien de la V° République, sur la question de la défense de l’école publique laïque contre ce gouvernement.

    Les personnels de l’enseignement public ont largement pris part au mouvement de défense des retraites du premier semestre 2023 et, comme les autres secteurs, ils ont donc encaissé la défaite que constitue l’application de cette contre-réforme. Mais dès juin dernier, leur résistance au « pacte », consistant en missions supplémentaires hors statuts, notamment dans les lycées et les collèges, s’inscrivait dans la foulée de ces mobilisations. Toutefois, contre les Lycées professionnels, l’essentiel de la contre-réforme gouvernementale et patronale se met en place, après que Macron a renoncé à doubler le temps de stage en entreprises des jeunes.

    Depuis, l’exécutif a voulu enfoncer le clou. Alors que le « pacte » est un échec politique, mais qui perturbe les relations de travail dans beaucoup d’établissements et d’écoles, le nouveau ministre qu’était alors Gabriel Attal a entrepris de lancer de « vastes » réformes visant en fait la jeunesse. En effet soi-disant « choc des savoirs », dont la mesure-phare sont la mise en place de groupes de niveaux canalisant les élèves au collège, et la fin du droit d’accéder au lycée à la sortie du collège (puisque le Brevet ou l’entrée dans de problématiques « classes prépalycée » seraient la condition de passage), va avec l’extension du « Service National Universel », avec l’obligation faite aux élèves de Seconde de passer la fin de l’année soit en entreprise, soit au SNU, et avec la tentative de faire porter des uniformes baptisés « tenues uniques ».

    Sitôt lancé ses « vastes » réformes, M. Attal était nommé premier ministre par son ami Macron, ayant manifestement utilisé le Ministère de l’Education Nationale comme marchepied. Commença alors l’inoubliable épisode « Amélie Oudéa-Castéra », démarrant en fanfare par le mensonge en faveur de l’école privée (catho-tradi-payante-subventionnée par l’argent public !). Non, ce n’était pas une erreur de casting, mais la volonté présidentielle.

    La première phase de la montée vers l’affrontement s’est déroulée dans ce « moment Oudéa-Castéra », avec des mouvements contre les fermetures de classes prépas sur Paris, la montée de la protestation des AESH – Accompagnateurs d’Elèves en Situation de Handicap, catégorie à la fois précaire, maltraitée, sous-payée, féminine et indispensable, et, de plus en plus, mobilisée ! -, et les premiers rassemblements contre l’enseignement privé, en l’espèce l’institution « Stanislas » où Mme Oudéa-Castéra avait dit placer sa chère progéniture à l’abri des absences chroniques des profs du public !

    Cette première phase aboutissait à faire de la journée d’action du 1° février, prévue de longue date et initialement sans portée particulière, une grève notable, notamment dans les collèges, et surtout une grève qui actait la revendication générale et claire de refus, d’abandon ou de retrait du « choc des savoirs ». Le lendemain, la démission du recteur de Paris, ancien Dircab de M. Blanquer, marquait la crise au sommet : elle était causée par la décision de la ministre, le court-circuitant, de céder en renonçant aux fermetures de classes prépas sur Paris. Ce serait à ce moment là que Macron aurait décidé de lâcher sa ministre, car elle était trop fragilisée pour tenir « dans ses bottes » contre les revendications des personnels et, potentiellement, car ils craignent cela, contre une mobilisation de la jeunesse soutenue par la population.

    Lui trouver une remplaçante a pris un certain temps, et la nominée, Mme Belloubet, a ostensiblement évité depuis sa nomination, qui intervenait le jour même où le CSE (Conseil Supérieur de l’Education) rejetait le « choc des savoirs » (par 69 voix et 1 abstention, ce qui veut dire que même les représentants patronaux ont jugé le gouvernement mal parti sur cette affaire), de prononcer les mots « groupes de niveaux ». Mais elle a bien été nommée pour cela …

    A la veille des vacances d’hiver, se tenaient beaucoup de congrès régionaux du SNES-FSU, principal syndicat des personnels des lycées et collèges dont le congrès national s’ouvre le 18 mars. La perspective envisagée par la direction du syndicat, convaincue depuis le 1° février d’une suite nécessaire, était celle d’un « rapport de force de haut niveau » pour mars. Mais comment ? L’enchainement de journées d’action, en l’occurrence le 8 mars avec un appel à la grève féministe et le 19 mars avec un appel sur les salaires dans la Fonction publique, ou bien la grève reconductible, rencontrent à juste titre le scepticisme des collègues. Il est intéressant d’indiquer ici comment, par exemple, le congrès académique du SNES-FSU de Clermont-Ferrand a résolu par la discussion ces dilemmes, en adoptant à une large majorité la formulation suivante :

    « Le Congrès se mandate sur la nécessité de construire, dans le cadre fédéral et si possible intersyndical un rapport de force de haut niveau, ce qui passe par la mise en perspective rapide d’une manifestation nationale de défense de l’Ecole publique et laïque contre le « choc des savoirs », rythmée par le 8 mars et le 19 mars, et permettant la montée vers la grève générale de la Profession. »

    Ce que les personnels en effet attendent des organisations syndicales au plan national, c’est qu’elles fixent un cadre pour gagner. Là, il s’agit de gagner contre le « choc des savoirs », ce qui constituerait une défaite politique majeure pour le pouvoir exécutif, ouvrant la voie à d’autres victoires. Une manifestation nationale au ministère correspond à cette situation comme point d’orgue permettant la préparation de la grève de tout l’enseignement public, qui devrait être appelée, le moment venu, clairement et nationalement, sans renvoyer à chaque assemblée locale de gréviste sa « reconduction ».

    Ce tableau aurait un manque si l’on n’y intégrait pas les nombreuses mobilisations locales dites « de carte scolaire », contre des fermetures de classes dans les écoles, parfois des fermetures d’écoles et des fusions d’écoles, et des fermetures de divisions dans les collèges et lycées. Or, c’est aussi une question, tant syndicale que politique, de toute première importance que le caractère « local » de toutes ces mobilisations. Quand les syndicats font leur boulot, elles se centralisent sur les Inspections d’académie ou les Rectorats et empêchent généralement une partie des fermetures initialement annoncées, mais ceci prive de moyens de tout ce qui n’est pas « devant « élèves » (remplacements, réseaux d’aide …). Ceci pose une question bien simple : alors que les syndicats font souvent leur boulot au niveau départemental, et cela avec les parents d’élèves et les élus locaux des petites communes (moins ceux des grosses, plus proches du pouvoir et intéressés à fusionner des écoles pour faire, soi-disant, des économies), le font-ils au niveau national ?

    Si c’était le cas, les mobilisations de carte scolaire conduiraient à des manifestations au ministère chaque année ! Et donc en cette année 2024, une manifestation nationale de défense de l’école publique et laïque contre le « choc des savoirs » devra porter aussi, bien entendu et plus que jamais, sur les moyens et les postes, contre toute la politique gouvernementale.

    Les vacances scolaires d’hiver, de quinze jours, sont étalées, selon les régions, du 10 février au 10 mars. C’est au cœur de cette période que le gouvernement a annoncé au bon peuple que l’état des finances exigeait un tour de vis supplémentaire, décidant, sans consultation parlementaire, de rogner par décret plusieurs budgets ministériels. 10 milliards de coupe !

    Au fait, les JO sont censés coûter 11,8 milliards ! Et le SNU plus les subventions pour acheter des uniformes (des hauts bleus en général), totalisent 4,5 milliards, nettement plus que les mesures salariales cosmétiques prises dans l’Education nationale depuis 2022 (3,6 milliards). Par décret, 2,2 milliards sont retirés à l’Environnement, 658 millions à l’aide au logement ou à l’amélioration de l’habitat, 900 millions aux universités et notamment à la recherche scientifique, 582 millions à l’école publique, dont les deux tiers en équivalents postes, le tiers restant visant les aides sociales et scolaires.

    Telles sont les conditions à l’aune desquelles la rentrée sur la région parisienne a eu lieu lundi 26 février : attaques aggravées contre les jeunes, leur avenir, contre l’école publique, ses personnels, et en même temps crise au sommet affichée.

    Le 22 février, en pleines vacances, 4 syndicats du département le plus pauvre de France métropolitaine, la Seine-Saint-Denis (le 93), FSU, CGT, SUD et CNT, décidaient d’appeler à la grève à la rentrée, concrétisant des discussions qui s’étaient produites dans beaucoup de réunions d’établissement juste avant les vacances.

    Leur appel était intitulé : « Le 93 ne fait pas sa rentrée. » et la revendication mise en avant, qui a un passé historique car elle fut celle des grèves du 93 de 1999, prélude à la chute du ministre antisocial Claude Allègre, et aussi de celles de 2003 quand s’amorça une poussée vers la grève générale dans le pays : un « plan d’urgence pour la Seine-Saint-Denis » – la formulation de l’appel dit : « Dans le 93, gagnons un plan d’urgence pour l’éducation », et bien entendu « contre la réforme du « choc des savoirs ».

    Dans le 93, au choc « des savoirs » et au choc des avoirs retirés à l’école, s’ajoutent le choc permanent de la précarité et le choc des effets délétères des JO sur les coûts des transports, l’accès aux services publics et le logement (JO dont la ministre est toujours Mme Oudéa-Castéra !).

    Le 26, la grève était suivie à un niveau élevé – plus de 40%- dans le 93, avec 700 manifestants devant l’Inspection d’académie, ainsi qu’une manifestation contre une école privée « Stanislas » (l’institution de Mme Oudéa-Castéra) exigeant que les moyens aillent à l’école publique et pas à l’école privée. Des dizaines d’assemblées d’établissements votaient la poursuite de la grève le lendemain et la participation, ou, mieux, l’envoi de délégués, à une AG départementale prévue à Bobigny.

    Devant l’Inspection d’académie du 93.

    Comme l’a indiqué le SNFOLC (syndicat FO des lycées et collèges) dans un communiqué : « C’est un mouvement d’une ampleur considérable qui a démarré dans les collèges et lycées du département depuis la rentrée du 26 février », le conduisant à décider publiquement de se joindre, pour « gagner », aux sections départementales FSU, CGT, SUD et CNT.

    L’AG de Bobigny mardi soir a visiblement discuté sérieusement de la question de la grève reconductible. Les personnels sont sceptiques, ici comme ailleurs, sur cette forme d’action, non qu’ils soient contre une grève généralisée et prolongée, au contraire ils veulent créer les conditions de sa réussite : donc, il ne faut pas s’épuiser et perdre des journées de salaires tant que la perspective de gagner n’est pas claire. Ils se perçoivent comme le premier escadron qui entre dans l’affrontement, pas parce qu’ils seraient une avant-garde mais parce que c’est la Seine-Saint-Denis et qu’il le fallait.

    L’AG de Bobigny.

    Ils ont donc décidé de mandater les quatre syndicats ayant appelé le 26 pour collecter les besoins, regroupés par les personnels en assemblées générales, en relation avec les parents, et chiffrer les revendications – il faudrait 5000 postes : cela vaut bien les JO, non ?

    Ils ont décidé d’étendre la grève mercredi et jeudi pour entrainer tout le monde et, à partir de là, de soutenir et de multiplier les actions locales en particulier dans les écoles, pour appeler à nouveau à la grève les 7 et 8 mars, ce jour là dans le cadre de la grève féministe effectivement appelée, sur le papier, par plusieurs fédérations enseignantes, et qui pourrait, cette fois-ci, devenir effective. Et une nouvelle AG départementale aura lieu ce soir.

    Pour autant que nous puissions en juger, c’est une démarche d’organisation pour gagner qui se fait jour-là, analogue, mais plus précise, à celle qui était définie dans ses grandes lignes dans le texte d’un congrès régional du SNES-FSU cité plus haut, et c’est la démarche d’un vrai mouvement de fond qui se sait capable d’aller de l’avant tout en éprouvant sa force réelle à chaque étape.

    La grève du 93 n’est déjà pas la grève du seul 93, elle concerne des établissements parisiens, ou plus lointains comme le collège de Gisors, dans l’Eure, en grève contre le « choc des savoirs ».

    Gisors.

    La rentrée scolaire de la zone A est ce lundi, celle de la zone C le lundi suivant. Le mouvement vers l’affrontement à la fois général et central avec le ministère est engagé dans l’école publique.

    VP, le 29/02/2024.

    Ci-dessous le tract issu de l’AG du jeudi 29 :