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La CGT veut s'imposer en étant moins radicale

CGT

Lien publiée le 16 mars 2013

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Le Monde) La CGT veut s'imposer en étant moins radicale

Du lundi 18 au vendredi 22 mars, lors du 50e congrès de la CGT à Toulouse, 1 000 délégués, représentant 24 154 "bases" syndicales – dont la moitié ont moins de 10 syndiqués – vont débattre de son orientation pour les trois ans à venir. Pour 83 % des délégués, ce sera leur premier congrès. Et pour Thierry Lepaon, qui présentera le rapport d'orientation avant d'être élu secrétaire général, le 21 mars, par le comité confédéral national (CCN), ce sera un baptême du feu. Pour cet ancien soudeur de 53 ans, qui n'était pas le dauphin de Bernard Thibault, la partie s'annonce délicate. M. Lepaon se veut "pragmatique", et le congrès va se tenir sur un fond de radicalisation. La CGT a marqué fortement sa déception vis-à-vis de François Hollande, pour lequel elle avait appelé à voter. Le futur patron de la centrale est allé jusqu'à accuser le président de s'inscrire "dans la suite de Sarkozy". Loin de se démarquer de cette ligne qui aurait pu apparaître comme un cadeau empoisonné résultant de la crise de succession, M. Lepaon s'y est engouffré, s'affichant même avec les "durs" de Goodyear – et de la fédération de la chimie, opposée à M. Thibault – ou de PSA-Aulnay.

IMPRIMER SA MARQUE

"Nous sommes en guerre, au sens propre et au sens plus figuré du mot", a martelé M. Lepaon devant le CCN du 5 février, en faisant allusion au Mali et aux "situations conflictuelles sur le front des rapports sociaux dans notre pays et en Europe ". La radicalisation de la CGT est encore montée d'un cran avec l'accord du 11 janvier sur l'emploi, signé par la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC. Pour M. Lepaon, qui veut empêcher sa transposition dans une loi, il s'agit d'un accord "scélérat", "minoritaire", et qui "bafoue la démocratie sociale ".

Le congrès va se faire l'écho de cette radicalisation et prendre pour cibles le Medef, la CFDT et le gouvernement. Pour autant, nombre de signes montrent que M. Lepaon cherche une voie de sortie pour imprimer sa marque mais aussi pour ramener la CGT dans l'espace contractuel. Peut-être est-il attentif au sondage de l'institut Harris Interactive pour Le Peuple, organe officiel de la CGT, en novembre 2012, qui indiquait que 48 % des salariés attendent qu'elle soit "plus réaliste dans les négociations" et 43 % qu'elle soit "plus à l'écoute des travailleurs".

"MINIFRACTURE" AVEC LA CFDT

Dans L'Humanité Dimanche du 14 mars, M. Lepaon insiste sur la nécessité d'"une mobilisation consciente pour changer la place du travail dans notre société, pour qu'il ne soit plus considéré comme un coût mais comme une richesse". "Nous voulons, ajoute-t-il, être utiles aux salariés, accessibles et solidaires, en disant franchement aux salariés que leur irruption sur les questions sociales, sur le choix de leur vie au travail, est nécessaire." Dans Les Echos du 13 mars, M. Lepaon va plus loin : "Un syndicat n'est pas une machine à perdre, nous avons un esprit de conquête !"

"Je ne veux pas d'une CGT qui se contente de dire non", assène-t-il encore : "La CGT n'est pas opposée aux changements, elle le prouve au quotidien en signant des accords dans les entreprises." Dans le même entretien, il prend ses distances avec Jean-Luc Mélenchon, qui sera présent lundi au congrès, en affirmant : "La CGT n'est pas et ne sera pas le bras armé du Front de gauche." Un état d'esprit que l'on retrouve dans le projet de document d'orientation, élaboré avant l'accord du 11 janvier, où la CGT refuse d'être enfermée dans un "syndicalisme de réaction". Une stratégie de "conquête sociale" qui suit la priorité donnée par M. Thibault à l'implantation dans les "déserts syndicaux".

La question se pose aussi de savoir comment la CGT renouera les liens avec la CFDT après la "mini-fracture" du 11 janvier. "Nous ne leur ferons pas le plaisir, a lancé M. Lepaon devant le CCN le 6 février, d'une guerre des organisations syndicales représentatives de salariés qui ne laisserait qu'un champ de ruines sur lequel danserait le patronat sous le regard médusé des salariés."

"SYNDICALISME RASSEMBLÉ"

Le 5 mars, lors d'une manifestation, des militants de la CGT ont brûlé à Lille un drapeau de la CFDT. "Un fait grave et indigne du mouvement syndical", selon la centrale de Laurent Berger. Le 15 mars, la direction de la CGT a souligné que "les divergences syndicales ne sauraient pour autant justifier des actes qui ne respectent pas le pluralisme des idées et des organisations ".

La veille, M. Lepaon a téléphoné à M. Berger. Ce dernier ne se rendra pas à Toulouse où la CFDT sera représentée par un simple permanent confédéral. Mais M. Lepaon, qui juge "vital" de chercher l'unité d'action, au nom du "syndicalisme rassemblé", devra envoyer des signaux. Après Toulouse...

Une centrale loin de son objectif du million de syndiqués

Effectifs

En 2011, la CGT revendiquait 690 948 adhérents (en 2010, 680 354), loin de son objectif du million de syndiqués. Selon des chiffres provisoires, il y a eu 41 019 nouvelles adhésions en 2012. Le nombre d'adhérents en activité ne représente que 2,56 % des 22millions de salariés. 56,8 % des adhérents sont dans le secteur privé et 43,2 % dans le public. La CGT compte 36,3 % de femmes et 15 % de moins de 35 ans.

Elections

Dans les comités d'entreprise sur la période 2005- 2006, la CGT arrivait en tête avec 22,9 % devant la CFDT (20,3 %). Aux élections prud'homales de 2008, la CGT est nettement en tête, avec 33,98 %, devant la CFDT (21,81 %). Aux élections dans les très petites entreprises, qui ont eu lieu du 28 novembre au 12décembre 2012, elle a obtenu 29,54 % mais avec une participation de 10,38 %.

La CGT sous Bernard Thibault, un recentrage réformiste inachevé

Quatorze ans : Bernard Thibault, qui quittera ses fonctions de secrétaire général exercées depuis février 1999, à l'issue du congrès de Toulouse, a failli battre le record de son mentor, Georges Séguy (1967-1982), l'autre cheminot qui a dirigé la CGT. En l'équivalent de deux septennats, il s'est inscrit dans la ligne moderniste de son prédécesseur, Louis Viannet. En janvier 2006, dans la revue Mouvements, il avait bien cerné le décalage entre le syndicalisme et les réalités du terrain : "Sa capacité à percevoir ce qui bouge, à innover et à consolider, ne sont ni à niveau ni en phase avec une société qui évolue vite en remettant tout en jeu, y compris les règles du jeu."

Ce constat éclaire la stratégie – "Bouger la CGT" – que M. Thibault a voulu mettre en oeuvre au cours de ses quatre mandats : un recentrage réformiste non assumé – le mot "réformiste" est tabou chez les cégétistes – et inachevé. Il s'est heurté à un appareil réticent à s'adapter et à une opposition morcelée, allant de la fédération de l'agroalimentaire à celle de la chimie – voire parfois celle des cheminots –, des orthodoxes communistes aux différentes composantes du trotskysme. Un an avant la présidentielle de 2012 et au lendemain du combat perdu pour empêcher la réforme des retraites en 2010, cette mutation a été mise entre parenthèses au profit d'une ligne plus radicale.

Entaché par sa crise de succession, le bilan de M. Thibault offre des succès mais aussi quelques échecs. A son actif, il a été jusqu'au bout – lors d'une "rencontre-rupture" le 17 juillet 2001 – de la remise en cause de toute "coélaboration" avec le Parti communiste. Alors que M. Viannet avait fait entrer la CGT à la Confédération européenne des syndicats (CES), M. Thibault a participé à la recomposition du syndicalisme mondial, en faisant adhérer sa centrale à la Confédération syndicale internationale (CSI), créée le 1er novembre 2006, d'inspiration réformiste.

Soucieux de montrer l'utilité d'un syndicalisme apportant des résultats, y compris en se battant pour "des réformes immédiates ", M. Thibault a réhabilité la négociation ou, plus exactement "des pratiques de négociation pour le progrès social". En 2006, le congrès de Lille a adopté le principe que "la négociation a pour vocation d'améliorer la situation des salariés, de créer ou d'élargir leurs droits, d'empêcher l'employeur de faire ce qu'il veut". Le compromis est encore un gros mot mais, en 2010, 85 % des accords d'entreprise ont été signés par la CGT.

APPARENTE ENTENTE

Elu en 1999 en pleine cohabitation, M. Thibault a conclu des "deals" avec Nicolas Sarkozy, notamment lors du conflit sur les régimes spéciaux de retraite fin 2007. Cette apparente entente a facilité la réforme de la représentativité syndicale en 2008, conquise avec la CFDT. Paradoxalement, ce succès a débouché sur une rupture avec M. Sarkozy, celui-ci tentant alors de mettre en cause, par une entourloupe, les 35 heures. Le conflit des retraites en 2010 a parachevé le divorce, amenant M. Thibault à faire campagne contre la réélection de M. Sarkozy.

Pour autant, M. Thibault s'est toujours gardé de tout jusqu'au-boutisme, préconisant à l'encontre des grèves minoritaires les "formes d'action les plus appropriées réunissant le maximum de personnes". Avec la CFDT, les relations ont été en dents de scie. La caution de François Chérèque à la réforme des retraites de 2003 a incarné une divergence. Mais les deux centrales ont lutté ensemble contre le contrat première embauche (CPE) en 2006, ont animé un "G8" avec huit syndicats en 2009 – avec un 1er-Mai unitaire inédit et une présence de M. Thibault à l'université d'été de la CFDT – et ont mené la fronde contre la réforme des retraites en 2010. Depuis, la signature par la CFDT de l'accord sur l'emploi le 11 janvier a fait rejaillir les dissensions.

M. Thibault a aussi subi des échecs. L'objectif, fixé au congrès de Montpellier en 2003, de refranchir le "cap du million d'adhérents", qui n'a plus été officiellement atteint depuis 1987, est resté dans les limbes. La transformation des structures, avec des fus-ions de fédérations ou des "syndicats de site" multiprofessionnels, est en panne. Mis en minorité, en février 2005, par son comité confédéral national sur le référendum européen, pour lequel il refusait que la CGT donne une consigne de vote, M. Thibault a été humilié. Sa gestion de la maison confédérale, où il s'est appuyé sur des permanents non élus, est devenue plus personnelle, son exercice du pouvoir plus solitaire. Il en a payé le prix pour sa succession.