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Règlements de comptes chez les économistes Atterrés
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Règlements de comptes chez les économistes Atterrés - l'Opinion (lopinion.fr)
Une histoire de règlement de comptes pas banale. Elle oppose des experts en économie de gauche. Et ce n’est pas une querelle de chiffres.
Il y a du rififi chez Les Economistes atterrés. Vous les connaissez ! Il s’agit d’une association née en 2011, qui regroupe des universitaires et des chercheurs en économie. Ils sont une cinquantaine et certains noms sont assez connus du grand public : Thomas Porcher, Frédéric Lordon ou David Cayla. Ils ont pour point commun d’être opposés à ce qu’ils appellent « l’orthodoxie néolibérale ». Ils abreuvent de leurs travaux toute la gauche française.
Et depuis quelques temps, ils se déchirent.
C’est Christophe Rameaux, économiste à la Sorbonne, qui décrit l’affaire sur son compte X. « Les Économistes atterrés qui ont permis depuis plus de 10 ans d’alimenter le pluralisme dans le débat économique connaissent une crise sans précédent », écrit-il. L’histoire est un peu technique, mais si je résume, un groupe de cinq chercheurs, dont Philippe Rameaux, s’est vu refuser le label « Economistes atterrés » pour un ouvrage sur les alternatives à l’économie libérale. Passe encore… Mais les auteurs concernés font l’objet d’une procédure d’exclusion.
C’est sévère. Que s’est-il passé avec cet ouvrage ? Il est de mauvaise qualité ?
Non. Ce n’est pas la question.... Mais Christophe Rameaux, qui se définit comme un « keynésien républicain » se dit victime du « sectarisme de certains à gauche ». « Nous sommes d’accord sur la critique du néolibéralisme, des dégâts écologiques, de la finance libéralisée. Mais sur les alternatives, nous avons des divergences », dit-il. Or, ces divergences et le fameux « pluralisme du débat » seraient devenus insupportables chez Les Economistes atterrés.
Christophe Rameaux désigne les censeurs à la manœuvre : des économistes anticapitalistes et décroissant, qui espèrent la destruction du système. Ceux de l’association anticapitaliste Attac ou de l’Institut La Boétie, qui voudraient mettre la main sur l’association, la redresser, la purifier. « Cet Institut rattaché à La France insoumise est-il le mieux placé pour donner des leçons de démocratie interne ? », se demande Christophe Rameaux.
Et ça part dans tous les sens.
Un pugilat… Les Economistes atterrés se bagarrent en public à coups de messages. Eric Berr, de ce fameux institut La Boétie visé par les critiques, se rebiffe, explique que le pluralisme n’est pas en danger mais Il dénonce un « comportement individuel inapproprié au sein du collectif ». Règlement de compte à OK Coral.
L’Assemblée d’exclusion est prévue le 8 juin, à la veille des élections européennes.
« Elles se traduiront par un score record pour l’extrême-droite et par une gauche affaiblie comme rarement dans l’histoire, se désole Christophe Rameaux. Les Economistes atterrés n’auraient donc comme principale préoccupation que d’exclure certains de leurs membres ? » Au sein de la gauche radicale, il est banal de se traiter de social-traitre, de complice du libéralisme, d’élément antisocial. Mais effectivement, le faire pendant que l’extrême droite culmine à 40% donne une image atterrante des Economistes atterrés.
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Les « Economistes atterrés » en danger (nouvelobs.com)
Les « Economistes atterrés » en danger
Philipe Légé, Catherine Mathieu, Christophe Ramaux, Jacques Rigaudiat et Henri Sterdyniak
Ce collectif, qui a alimenté pendant plus d’une décennie le débat à gauche, connaît une crise sans précédent qui pourrait l’achever. Dans ce texte, cinq d’entre eux, « keynésiens républicains », dénoncent la tentative d’exclusion dont ils font l’objet.
L’association des EA a été créée en 2011 avec la publication d’un Manifeste contre une pensée dominante qui refusait de mettre en cause le pouvoir de la finance, en dépit de la crise de 2008, et qui prônait l’austérité budgétaire et salariale au risque de plonger les pays européens dans la récession. Pouvoir de la finance et austérité : ces deux leviers du néolibéralisme et de son modèle inégalitaire sont malheureusement toujours présents, comme en témoignent les tours de vis restrictifs annoncés en France comme ailleurs dans l’Union européenne.
Les EA ont produit plusieurs ouvrages ainsi que de nombreuses notes et interventions dans les médias. Ils ont obtenu une certaine audience auprès des forces progressistes (associations, syndicats, partis…), des journalistes et plus généralement des citoyens.
Comme toute association, ils sont traversés de débats et de tensions. En dépit de ceux-ci, le collectif d’animation est parvenu à se réunir tous les mois pendant plus de dix ans. En 2015, les EA ont publié un « Nouveau Manifeste », plus complet que le précédent, intégrant en particulier la question écologique. Compte tenu de l’énergie dépensée pour converger sur son contenu, nous avons d’un commun accord jugé qu’il serait plus sage à l’avenir de retenir une règle simple : libre à ceux qui le souhaitent de travailler plus étroitement ensemble pour écrire des notes ou des livres, en les soumettant aux autres membres du CA et en tenant compte de leurs remarques, mais en gardant le final cut, et en précisant que la publication n’engage que ses auteurs et non tout le collectif. C’est ainsi qu’ont été publiés plusieurs livres, dont « De quoi avons-nous vraiment besoin ? » dont nous ne partagions pas l’ensemble du contenu.
La critique du capitalisme a fortiori sous sa forme néolibérale, des dégâts écologiques qu’il occasionne, de la finance libéralisée, de l’austérité salariale, de la contre-révolution sociale et fiscale, etc. : tout cela nous rassemble et ce n’est pas rien. Sur les alternatives à proposer, nous avons par contre des divergences. C’est normal : il n’y a pas aujourd’hui d’alternatives partagées par tous ceux qui ne se résolvent pas à l’injustice du monde ; des divergences existent sur ce sujet au sein de toutes les associations, syndicats ou partis. Pour des économistes atterrés, présenter ces divergences, à travers des publications aux contenus différents, n’est pas honteux : cela permet au contraire de nourrir le débat des citoyens.
Il y a un an, certains membres du collectif d’animation plus « keynésiens-républicains » que d’autres, ont proposé de publier un livre « Penser l’alternative. Réponses à quinze questions qui fâchent ». Une très courte majorité (14 voix contre 12, et 2 ne se prononçant pas) du CA a décidé de rompre l’accord pluraliste et refusé de donner le label « Economistes atterrés »[1]. L’ouvrage est paru au nom donc de ses cinq auteurs, sans le « bandeau » des EA.
Refondation des EA
Le 14 septembre 2023, a été diffusé un projet de résolution d’orientation ; il était signé par une partie des membres du CA et appelait à une refondation des EA. Tout en prétendant que celle-ci ne serait « ni une dissolution des EA, ni la création d’un rassemblement aux contours flous », ce texte proposait de mettre fin aux EA comme organisation d’économistes « en rassemblant des chercheurs critiques d’autres disciplines et des acteurs engagés dans les combats socio-écologiques », en initiant « un processus d’ouverture en direction de nos collègues sociologues, socioéconomistes, juristes, anthropologues […], en direction aussi des citoyens engagés dans les différentes structures actives en faveur d’une transformation profonde de la société ». Ce rassemblement se consacrerait à un questionnement pluridisciplinaire sur l’ensemble des sujets économiques et sociaux, aussi vague que vaste. La réflexion pluridisciplinaire est évidemment précieuse, et elle n’a jamais été empêchée au sein des EA. Mais, ces derniers doivent l’alimenter par leurs contributions spécifiques, en tant qu’économistes. Cette réflexion ne doit pas se faire au détriment de notre capacité d’intervention dans le débat public, là aussi en tant qu’économistes.
Ce texte a donné le signal d’un retrait d’une grande partie de ses signataires, qui n’alimentent plus l’activité des EA en dépit de l’actualité brûlante (l’offensive antisociale du gouvernement, le débat sur le déficit public, les questions européennes). Depuis septembre, ces signataires n’ont pris aucune initiative pour faire avancer la réflexion collective des EA sur les questions évoquées dans leur projet de résolution.
Ils ont usé d’artifices pour repousser l’Assemblée générale (AG) de notre association qui normalement se tient chaque année. Elle a finalement pu se tenir le 3 février 2024 et a notamment adopté la « résolution d’orientation »[2]. Certains parmi nos opposants les plus résolus ont proposé d’élire le collectif d’animation selon les votes émis sur cette résolution. L’objectif était clair : la résolution n’était qu’un prétexte pour exclure du CA certains d’entre nous. La majorité de l’AG a décidé de ne pas franchir ce pas. Elle a retenu (par 15 voix contre 12) une règle simple : tous les membres des EA candidats au collectif d’animation y sont élus, cela afin tout à la fois de ne se priver d’aucune bonne volonté et de faire vivre le pluralisme de l’association.
A la suite de cette décision, ceux qui s’y opposaient ont présenté leur démission. Dans un souci d’apaisement, il leur a été indiqué qu’il leur était possible de rester dans le collectif, les démissions devant être confirmées par écrit. A l’exception d’une, les démissions n’ont pas été confirmées, ce dont on peut se réjouir. Mais l’apaisement n’a pas eu lieu : les mêmes ex-démissionnaires sont repartis à l’assaut en exigeant cette fois la tenue d’une Assemblée générale extraordinaire afin de réviser… les statuts !
Exclusions planifiées
Les statuts actuels des EA sont volontairement souples : ils permettent à chacun de prendre les initiatives qu’il souhaite (rédaction de note, d’ouvrage, conférence…), nul n’est entravé, ce qui assure à la fois que chacun puisse travailler et que le pluralisme soit respecté. L’Assemblée générale extraordinaire a un point central à l’ordre du jour : réviser les statuts pour que les membres du CA soient élus, un par un, à la majorité absolue. Cette proposition n’a clairement qu’un seul objectif : mettre en cause le vote du 3 février et écarter du CA certains de ses membres qui comptent pourtant parmi ses principaux contributeurs. Tel serait donc le préalable à la « refondation » et au « dialogue serein ». Exclure une partie des membres actuels, puis prôner l’ouverture…
Notons que parmi les principaux organisateurs de l’exclusion planifiée, figurent des membres éminents d’Attac, de la Fondation Copernic et de l’Institut La Boétie. Que ces membres privilégient leur activité et leurs publications dans ces autres organisations ne peut leur être reproché. Mais il y a problème lorsque les mêmes ne publient quasiment plus rien en tant que EA tout en étant parmi les plus actifs dans ces tentatives d’exclusion.
La vie des associations est parfois mouvementée, mais qu’une AG extraordinaire soit convoquée quatre mois seulement après la dernière AG annuelle, et dans le seul but d’évincer certains membres, le tout sans qu’aucune justification programmatique ne soit ouvertement présentée (les signataires étant à ce niveau divisés sur bien des points), resterait dans les annales.
Cette Assemblée générale extraordinaire d’exclusion est prévue le 8 juin. La date est hautement symbolique : le lendemain se tiendront les élections européennes qui se traduiront sans doute par un score record pour l’extrême droite et, les deux vont de pair, par une gauche affaiblie comme rarement dans l’histoire. Ce week-end de séisme politique-là, les EA n’auraient donc comme principale préoccupation que d’exclure certains de leurs membres ? Il est encore temps d’empêcher ce gâchis. Nous appelons tous les EA à revenir à la raison. Dans la situation actuelle, marquée par l’offensive des classes dominantes contre le modèle social français, par la poussée de l’extrême droite, par la nécessité de se battre pour une rupture écologique et sociale, il est important de maintenir et développer notre association comme espace de production intellectuelle pluraliste et d’intervention dans les débats académique et publics.