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    Entretien de Mélenchon avec "20 Minutes"

    Mélenchon

    Lien publiée le 15 juin 2024

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    https://www.20minutes.fr/politique/4096378-20240615-elections-legislatives-2024-bardella-macron-aggrave-assure-jean-luc-melenchon

    INTERVIEW EXCLUSIVE • A deux semaines du scrutin, le patron de La France insoumise a répondu aux questions de « 20 Minutes » sur le Front populaire et les récents désaccords sur les investitures

    Jean-Luc Mélenchon dans son bureau, le 14 juin 2024.

    L'essentiel

    • Après la victoire du Rassemblement national aux européennes, le 9 juin, Emmanuel Macron a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale.
    • La gauche a créé un « Nouveau Front populaire » pour les prochaines législatives.
    • Jean-Luc Mélenchon revient sur son rôle dans cette alliance et l’enjeu du scrutin des 30 juin et 7 juillet prochains.

    «Ça a été le coup de tonnerre qui oblige à revenir à la réalité. » Pour Jean-Luc Mélenchon, la victoire très large de la liste RN de Jordan Bardella aux élections européennes a poussé la gauche à s’unir pour les législatives. Le leader de La France insoumise a reçu 20 Minutes au siège de son mouvement vendredi et répondu aux dernières questions par mail samedi. Il revient sur ce nouveau Front populaire et les récents désaccords, les attaques d’Emmanuel Macron, et sa candidature pour Matignon.

    Faut-il attendre d’être au pied du mur pour que les gauches se parlent efficacement ?

    Il n’y a pas de meilleure école que celle de la réalité. Saluons le sens des responsabilités : il y avait des plaies de tous les côtés, on pouvait craindre qu’elles ne cicatrisent jamais ! Nous l’avons surmonté ! Tout le monde s’est élevé à la hauteur de ce qui était nécessaire.

    Certaines cicatrices semblent ouvertes. Des cadres LFI ont découvert qu’ils n’étaient pas réinvestis. Ne mettez-vous pas en péril le Front populaire ?

    Non, l’accord est signé. Nous avons cédé cent trente circonscriptions pour trois points d’écart aux européennes. Nous tenons la promesse d’élargir les candidatures aux militants syndicaux et associatifs. Les autres en feront sans doute autant, comme promis. Il fallait réserver pour cela des sièges très gagnables. Le comité électoral a beaucoup travaillé. Les investitures à vie n’existent pas. Mais la cohérence politique et la loyauté dans le premier groupe parlementaire de gauche sont aussi une exigence pour gouverner.

    Vos alliés dénoncent une « purge », soutiennent les députés sortants, mais pas Adrien Quatennens. L’accord signé a-t-il encore une valeur ?

    Ne recommençons pas avec les mots qui blessent. Donnons-nous un avis sur les candidatures des partenaires ? Devons-nous soutenir des dissidents à notre tour ? Je mets en garde contre ces jeux meurtriers. Cet accord n’est pas une affaire de personne mais de programme. Adrien a été jugé et il s’est acquitté de sa peine. Il a été puni dans le groupe et le mouvement. A présent d’aucuns y ajoutent une peine d’inéligibilité sous la menace de faire perdre tout le monde. Je suis consterné.

    Cette nouvelle crise ne vous élimine-t-elle pas définitivement pour Matignon ?

    Ma situation personnelle n’est jamais un préalable à mes décisions. Et je viens de vous le dire : je ne demande rien. Les mêmes qui pleurent n’ont pas protesté quand la commission électorale les a parachutés dans leur circonscription autrefois contre l’avis des militants locaux. Assez d’histoires personnelles. Gagnons d’abord les élections.

    Aujourd’hui, vous ne faites plus « consensus », n’est-ce pas la preuve d’un changement du rapport de force ?

    La stratégie politique des insoumis c’est l’union générale et le programme des ruptures avec le système. En douze ans, c’est devenu celle de toute la gauche. Donc là, pour moi, carton plein avec cet accord. Matignon n’est pas un sujet existentiel. Je ne suis pas en train de construire une carrière. Les insoumis ont produit des dirigeants capables. Quand Léon Blum devient chef du gouvernement en 1936, il n’est pas au niveau de Manuel Bompard, ni de Mathilde Panot ou de Clémence Guetté, il était critique d’art et dirigeant marxiste du Parti socialiste.

    Qu’est-ce qui se joue au prochain scrutin ?

    En quarante ans, le Rassemblement national est devenu la première force politique. A gauche, il y a eu un sursaut unitaire parce que notre culture historique commune nous prépare à ça. On sait ou mène le RN ! La confrontation entre le RN et le Front populaire, oppose des principes fondamentaux de vie en société. Face aux crises écologique et sociale : c’est chacun pour soi ou tous ensemble ? Priorité à la différence ou à la similitude entre humains… Tant de gens ont peur : ils craignent le caractère raciste et ethniciste du RN. La France est au pied du mur de son identité et de son Histoire. Qui êtes-vous, Français ? Tous libres, égaux et fraternels, ou non ?

    Pourquoi la sortie des traités européens n’est-elle plus évoquée dans l’accord ?

    Pour éviter les malentendus et d’inutiles batailles abstraites. On a surmonté nos divergences en s’en tenant aux décisions concrètes sur lesquelles tout le monde est d’accord : refuser le pacte budgétaire européen et la concurrence libre lorsqu’elle détruit la nature ou les acquis sociaux et services publics, et enfin on rejette les traités de libre-échange.

    Votre programme est-il applicable dans l’UE ?

    On ne prévoit ni la sortie de l’Europe, ni de l’euro d’ici 2027 ! Mais la France doit rester libre de ses choix. J’ai un dossier dans lequel il y a des dizaines de cas en Europe où les dispositions des traités ne sont pas appliquées… Exemple : les Espagnols et les Portugais sont sortis du marché de l’électricité sans problème. Le programme est applicable pour une raison : les Français l’auront voulu avec nous ! On tiendra parole ! Ça compte en politique ! Pas d’inquiétude : on parlera avec les autres. On convaincra même les Allemands, vous allez voir.

    Vous proposez l’école gratuite pour tous. Pourquoi ne pas faire payer ceux qui ont les moyens ?

    Pour qu’une société s’unisse, il faut que les droits soient universels. C’est le principe de la Sécurité sociale. Or, on a intérêt à recoudre la société car elle est en miettes sociales. Si on arrive en disant « dorénavant, c’est gratuit, mais pas pour vous, ni vous… », on ne construit pas le sentiment de droits humains égaux.

    Comment financez-vous cette mesure et les autres ?

    L’équilibre dans la répartition des richesses va changer. Les très riches vont enfin donner leur part. Dans notre projet, il y a 123 milliards d’euros de rentrées fiscales nouvelles : suppression de la flat tax (1), rétablissement de l’exit tax (2), mise en place de quatorze tranches d’impôt sur le revenu pour soulager les classes moyennes, impôt progressif sur l’héritage…

    Pour Gérald Darmanin, votre projet serait « un drame économique qui va ruiner la France »…

    Vieux refrains contre le Front Populaire ! Mais la Macronie a déjà ruiné la France ! Nous, nous relançons l’économie

    Il y a 3.000 milliards de dette. Si vous êtes au pouvoir dans un mois, vous en héritez…

    On paie nos dépenses avec la contribution des milliardaires. On peut leur prendre plus. J’ai parlé de 123 milliards de recettes nouvelles. Mais ils ont reçu 140 milliards de cadeaux fiscaux par an depuis 2017. Il reste 17 milliards à prendre. La question, n’est pas « combien ça coûte », mais qui paie ?

    Jordan Bardella dit qu’il ne veut pas jouer « les pères Noël comme Jean-Luc Mélenchon ». Vous êtes le père Noël ?

    Ne personnalisez pas ce programme commun ! Bardella, c’est du Macron aggravé. Il en a déjà la politique. Il vient d’accepter la retraite à 64 ans. Nous l’annulerons dès le premier jour, ainsi que les autres mesures anti-sociales macronistes. Bardella, c’est l’arnaque sociale, de nouvelles brutalités racistes et la ruine de la Sécurité sociale privée de cotisations. Avec lui demain, ce sera pire qu’hier. Tournons la page !

    Le programme met sous le tapis plusieurs désaccords. Le Front populaire sortira-t-il du nucléaire alors qu’il prône la neutralité carbone en 2050 ?

    Quand on décide de ne pas construire les nouveaux EPR, et que d’autre part on augmente la sobriété et les nouveaux moyens de production d’énergie propre, mécaniquement, le nucléaire déclinera avant 2027.

    L’ex-présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, a annoncé qu’elle ne voterait pas LFI en cas de duel avec le RN. Que feriez-vous dans un duel RN-macroniste ?

    On verra… Les macronistes ont abattu, une par une, toutes les digues avec le Rassemblement national. Avec la loi Immigration, les votes communs contre l’ISF, etc. Avec cette exclusive, ils continuent à ouvrir le chemin du RN.

    A force de dire qu’Emmanuel Macron est d’extrême droite, n’avez-vous pas vous aussi banalisé le RN ?

    C’est quand même terrible, c’est toujours notre faute. Le « front républicain » a du plomb dans l’aile pour deux raisons : sur beaucoup de sujets, les macronistes et le RN ont en commun une même base de vues. Et la classe médiatique a créé une ambiance pro-RN. Nous, nous avons fait notre travail sans jamais changer de ligne, ce qui a forcé le respect de ceux qui se tenaient éloignés de la politique.

    Emmanuel Macron a dénoncé « l’antisémitisme et l’antiparlementarisme » de LFI. Que répondez-vous ?

    Il est malfaisant. Il parle « des extrêmes », c’est le degré zéro de la pensée politique. En quoi sommes-nous extrêmes ? Il n’est plus rationnel. En quoi sommes-nous antiparlementaires ? Parce que nous ne portons pas de cravate et parlons fort dans l’Hémicycle ? C’est parce que nous parlons fort que nous sommes entendus.

    Les antiparlementaires, c’est madame la présidente de l’Assemblée, qui sanctionne en deux ans plus que pendant toute la cinquième République. Ou celui qui fait passer les retraites par 49.3… Au deuxième tour des législatives, nous serons souvent face au RN. C’est le moment où il choisit pour nous stigmatiser. Cet homme est suspect : on a l’impression qu’une victoire du RN lui conviendrait.

    On vous a beaucoup reproché d’avoir parlé « d’antisémitisme résiduel » alors que les actes antisémites ont augmenté…

    Il faudrait lire le texte et pas un seul mot. Mais je suis prêt à rectifier l’adjectif. J’alerte : si on dit que la France est un pays antisémite, derrière, certains en rendent coupables les musulmans… Ce serait une tragédie. Le pays ne peut pas vivre dans cette suspicion, les uns contre les autres. Le programme du nouveau Front populaire engage la lutte contre l’antisémitisme. Mais aussi contre l’islamophobie et la haine des musulmans. Vaincre le racisme et les politiques racistes est décisif. Sinon ce venin détruira la France.

    Votre qualification du Hamas a également été très critiquée…

    Que ne m’a-t-on pas reproché depuis dix ans ! La tactique de mes adversaires est de me diaboliser. Pour créer une digue empêchant la protestation écologique et sociale d’avoir un représentant politique qui tient tête. Un « front républicain » à l’envers. On m’a reproché ce que je n’ai pas dit, ou bien ce que j’aurais dû dire… J’ai toujours dit qu’attaquer une rave party le soir du 7 octobre était un acte terroriste… Mais tout de même : demander la punition de tous les crimes de guerres c’est faible ? Ecoutez les cris de Netanyahou menacé d’en être inculpé ! Mais nous ne légitimerons jamais le droit à la vengeance. Ni surtout les massacres en cours. Notre ligne, c’est le droit international, point final.

    Allez-vous être candidat aux législatives ?

    LFI a dû céder cent trente circonscriptions ! Je ne prendrai la place de personne. J’ai prouvé que je pouvais être utile autrement.

    (1) La flat tax est le prélèvement forfaitaire sur les revenus du capital.

    (2) L’exit tax permet de taxer les contribuables qui déménagent leur domiciliation fiscale à l’étranger.