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    "La France malade de son racisme"

    Lien publiée le 8 juillet 2024

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    Carte blanche à Brahim Metiba : "La France malade de son racisme" - POLITIS

    Habitant racisé de Clichy-la-Garenne, Brahim Metiba nous a envoyé le récit des insultes racistes qu’il a essuyées après avoir publié un commentaire sur la page de sa ville.

    « La France malade de son racisme »


    Habitant racisé de Clichy-la-Garenne, Brahim Metiba (1) nous a envoyé le récit des insultes racistes qu’il a essuyées après avoir publié un commentaire sur la page de sa ville. C’est la première fois qu’il subissait une attaque aussi directe, qui lui a fait prendre conscience de la force de la présence des racistes en France et de la nécessité de faire de l’antiracisme une priorité pour notre société.


     

    Auteur de Ma mère et moi, Éditions du Mauconduit, 2015, et Tu reviendras, éditions Elyzad, 2019.

    Ça a commencé comme ça, très simplement. Je publie un commentaire sur la page Facebook de ma ville – Clichy-la-Garenne – un autre Clichois m’apostrophe : « Si tu n’es pas content, tu quittes Clichy. » Les Arabes en France n’ont pas droit à la critique. On ne leur laisse que deux choix : obéir aux injonctions, ou dégager. En enquêtant sur cet individu, j’apprends qu’il est connu de toute la ville et qu’il est proche du maire, Rémi Muzeau, il a même été son colistier. On me renseigne sur son activité et je décide de laisser un avis Google sur la page de son entreprise afin de dénoncer l’injonction raciste. Les avis des autres internautes et les témoignages des Clichois·es pleuvent alors. Unanimes sur ses pratiques : harcèlement, intimidation, menaces, injures, etc.

    Ma mère et moi Brahim Metiba

    Non content de ce premier forfait et en guise de représailles, probablement galvanisé par le score du Rassemblement national, cette même personne m’envoie, le soir des élections européennes, un message privé sur Messenger comprenant une photo de Jordan Bardella heureux du résultat que son parti vient de réaliser et un mot : « pourriture d’arabe dégage au bled sale merde ».

    J’habite en France depuis fin 2000, mais contrairement à de très nombreuses personnes racisées, c’est la première fois que je reçois une injure raciste aussi caractérisée et aussi directe. Sans ambages. D’autres en reçoivent par centaines depuis très longtemps.

    Ce jour-là, j’ai complètement pris conscience de la force de la présence des racistes.

    Ce jour-là, ce « message » m’a révélé mon propre déni. De la puissance de l’intériorisation. Ce jour-là, j’ai complètement pris conscience de la force de la présence des racistes, à la fois visible et pernicieuse : une présence qui jusque-là choisissait surtout ses cibles avec soin, les cibles exposées – chair à canon facile pour les trolls. Jusqu’alors j’avais été la cible indirecte de leur haine, pas encore leur cible directe. Depuis ce jour-là, je suis désormais officiellement sur la liste, comme tant d’autres.

    A posteriori, je me rends compte que je n’avais que l’impression d’y figurer officieusement. Aveugle à ces processus de recrutement brutalement interrompus pour de vagues motifs administratifs. Aveugle à ces opportunités de logement étrangement envolées pour des raisons obscures. Ce qui se passe depuis le 9 juin, c’est que les racistes ne font plus aucun effort pour chercher des procédures, des arguments ou même encore une banale excuse. Ils ne se cachent plus, ils n’ont même plus peur de la honte.

    Pour le procureur de la République de Nanterre, « pourriture d’arabe dégage au bled sale merde » n’est pas assez caractérisé. Ma plainte a été classée sans suite, en deux semaines. Si vous voulez tenir ce genre de propos, allez-y, vous ne risquez rien ! J’ai beaucoup d’ami·es engagé·es politiquement, de gauche, qui participent à différentes manifestations contre toute forme d’injustices sociales et de violences de tout genre. Quand j’ai publié cette histoire sur les réseaux sociaux, très peu ont réagi. Pourquoi la violence de ces mots leur était-elle étrangère ? Indifférente ?

    Une société qui ne fait pas de l’antiracisme sa priorité est une société malade.

    On décrit l’extrême droite comme un péril auquel il faut se préparer et contre lequel il faudrait réagir : mais si elle était déjà là ? Et si l’extrême droite était déjà le mur qui empêche d’entendre les mots « pourriture d’arabe dégage au bled sale merde ». Pour lutter contre l’extrême droite, il ne faudrait pas tant se dresser contre, mais plutôt briser le mur qui empêche d’entendre ces mots. Il faut réadapter son oreille pour entendre de nouveau la phrase « pourriture d’arabe dégage au bled sale merde ». Pour de nouveau s’indigner.

    J’ai voulu médiatiser cette histoire auprès d’une journaliste qui m’a confié qu’elle n’avait pas le temps de s’occuper de « mon » affaire. Si le racisme n’est pas une priorité, de quoi s’occupent les journalistes ? Si le racisme est une affaire privée, de quoi s’occupe la société ? Si le racisme est passé de mode, il est temps de le remettre au cœur de la cité, d’en faire une priorité, une urgence ; c’est une affaire publique ! Tout comme l’homophobie, l’antisémitisme, le sexisme, la transphobie et le validisme, c’est l’ensemble de la société qui doit être concerné.

    Une société qui ne fait pas de l’antiracisme sa priorité est une société malade.