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Un espace public prolétarien est-il possible ? Hommage à Oskar Negt (et Alexander Kluge)
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://www.contretemps.eu/espace-public-proletarien-negt-kluge/
Figure majeure de la tradition de l’école de Francfort, Oskar Negt est décédé le 2 février dernier. Très peu connu en France, et peu traduit (un seul recueil de ses textes est paru chez Payot en 2007), il est notamment l’auteur, avec le grand cinéaste Alexander Kluge, d’un ouvrage qui a fait date : Espace public et expérience : pour une analyse organisationnelle de l’espace public bourgeois et prolétarien.
Il s’agit d’une critique interne et d’un déplacement – par rapport aux travaux du philosophe Jürgen Habermas – de la notion d’espace public. C’est précisément sur cette opération que porte ce texte de Caroline Glorie, chercheuse rattachée à l’université de Liège, qui a consacré une thèse à Oskar Negt.
***
Oskar Negt est décédé le 2 février 2024 et laisse derrière lui une œuvre considérable, tant du point de vue de la sociologie et de la philosophie que de la théorie du syndicalisme. Acteur majeur de la Théorie critique contemporaine, il aura été l’assistant de Habermas, le compagnon intellectuel d’Alexander Kluge, le fondateur de la Glockseeschüle.
Il sera question ici de quelques éléments tirés de l’ouvrage majeur Öffentlichkeit und Erfahrung – Espace public et expérience, qu’Oskar Negt a co-écrit avec Alexander Kluge[1]. Deux chapitres de cet ouvrage ont été traduits par Alexander Neumann et sont repris, sous le seul nom de Negt, dans l’ouvrage L’espace public oppositionnel[2]. Le présent texte s’appuie sur cette traduction ainsi que sur notre traduction de l’Avant-propos du livre de 1972.
Öffentlichkeit und Erfahrung, publié dix ans après Strukturwandel der Öffentlichkeit – L’espace public. Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de société bourgeoise (1962) de Jürgen Habermas, a pour objectif de proposer une théorie alternative de l’espace public. Au lieu de fonder la possibilité politique d’un espace public sur l’argumentation et le discours rationnels, Negt et Kluge font de l’expérience prolétarienne le terreau de leur réflexion sur l’espace public.
Dans le prolongement des événements qui secouèrent l’Allemagne et la France à la fin des années 1960, Negt et Kluge voient dans les manifestations étudiantes, dans les grèves de l’automne 1969 en Allemagne et dans le Mai 68 français des espaces publics prolétariens qu’ils analysent avec minutie. Ils cherchent à identifier tant les conditions de réussites que les conditions d’échecs de ces espaces qui ne sont plus apparus depuis une centaine d’années.
Ces espaces publics prolétariens leur apparaissent comme effectifs mais aussi comme insuffisants, raisons pour lesquelles Negt et Kluge leur donnent une place dans le temps long de la théorie :
Dans le cadre actuel de l’industrie du spectacle et de la réorganisation du flux des marchandises par le processus industriel, on constate l’émergence de dispositions favorables à un espace public qui s’efforce de s’affranchir du procès de valorisation. Il ne s’agit pas d’alternatives désincarnées, mais d’un mouvement oppositionnel que le capitalisme contribue lui-même à produire. Pour préciser ses formes publiques, nous pouvons renvoyer aux exemples du mouvement de Mai 68 en France, ainsi qu’au mouvement protestataire des étudiants et des jeunes salariés en Allemagne de l’Ouest[3].
Au départ, Negt et Kluge voulaient réaliser un livre sur l’espace public et les médias de masse. Ils ont cependant réorienté leur projet après le constat d’une double défaite de la gauche : celle-ci ne possédait plus d’espaces publics et les formes d’expression auxquelles elle avait accès étaient limitées. Il fallait donc trouver une autre approche et entamer une réflexion sur l’espace public à partir de nouvelles bases. Répétant ainsi, tout en le décalant, le geste de Habermas.
La perte d’un espace public au sein des fractions de la gauche ainsi que la forme limitée sous laquelle les travailleurs disposent de possibilités d’expression publique dans les organisations de masse existantes nous ont très vite amenés à nous demander s’il pouvait exister des formes efficaces d’espace public oppositionnel par rapport à l’espace public bourgeois[4].
Le déclin que constatent Negt et Kluge est très différent de celui qui avait été identifié par Jürgen Habermas. Il y a bien perte d’un accès à la publicité [au sens de l’espace public], mais celle-ci n’est pas principalement imputable à l’arrivée des médias de masse, au délitement de la famille ou au rôle interventionniste de l’État, comme Habermas le pense. Negt et Kluge envisagent au moins deux autres explications.
La première explication relève de l’espace public bourgeois lui-même. Si l’espace public n’est plus à même de relier l’ensemble des individus d’une société, c’est avant tout parce qu’il est intrinsèquement construit sur une compréhension restreinte de l’expérience. La seconde explication du déclin de l’espace public relève des changements économiques après la Seconde Guerre mondiale. Ici, Negt et Kluge partagent avec Habermas le constat des effets destructeurs du capitalisme tardif mais, au lieu de penser sur cette base le déclin de l’espace public, ils envisagent l’essor possible d’un nouvel espace public : un espace public de production, fondé sur les nouveaux modes de production capitalistes.
Partant de ce constat d’une perte d’espace public [Öffentlichkeitsverlust] qui a contrarié leur projet, Negt et Kluge ont alors cherché des formes oppositionnelles de publicité qui puissent exister en même temps que l’espace public bourgeois. Ils se sont dès lors lancés dans une tout autre perspective que celle qui avait, par exemple, été adoptée par Hans Magnus Enzensberger dans le Baukasten zu einer Theorie der Medien [5].
Dans ce texte, Enzensberger enjoint les masses à se saisir des nouveaux moyens de communication, notamment de la vidéo, afin de créer des contenus communicationnels autonomes. Du point de vue d’Enzensberger en 1970, l’espace public peut encore être investi par la gauche. À peine quelques années plus tard, Negt et Kluge font face à une autre configuration sociale et politique. On aurait pu penser que le déclin de l’espace public bourgeois allait laisser la place à d’autres types d’espaces publics. Negt et Kluge constatent que cela n’a pas fonctionné ainsi. De ce constat d’une perte de l’accès à l’espace public et cherchant à l’expliquer, ils ont par conséquent cerné et analysé d’autres moyens d’y arriver.
C’est ainsi que nous sommes parvenus à la catégorie de l’espace public prolétarien, dont l’intérêt pour l’expérience est totalement différent de celui de l’espace public bourgeois. La dialectique de l’espace public bourgeois et de l’espace public prolétarien est l’objet de notre livre[6].
Le rapport dialectique
Le rapport dialectique tel qu’il est pensé par Negt et Kluge peut être compris de deux manières. La première manière est donnée par l’expérience de lecture de leur texte. À la lecture de ce texte, on passe en permanence d’un type d’argument à un autre. Par exemple, à les lire, Kant s’est trompé en instituant un moyen propre à la bourgeoisie naissante en une fin politique universelle[7]. Mais ce moyen a produit des effets très réels et durables dont il faut tenir compte. Ou encore, Negt et Kluge soutiennent que l’espace public prolétarien doit être pensé positivement et, à la fois, comme manque. Il y a donc une oscillation constante dans leur texte.
Cette oscillation se perçoit également dans l’écriture de Negt et Kluge. Si le texte est particulièrement difficile à lire, cela est dû, pour une part, à l’argumentation qui oscille mais, pour une autre part, au style dialectique de leur écriture. Les auteurs adoptent, pourrait-on dire, une écriture « non‑tranchée ». Negt et Kluge ne tiennent jamais une position jusqu’au bout, ils ne cessent de la nuancer et d’assumer les tensions qui émanent des problèmes réels. Ils y parviennent par la forme extrêmement complexe de leur texte.
Cette forme d’écriture « sur le fil » est une mise en pratique du rapport dialectique qu’ils essayent de penser. Travailler leur texte oblige la lectrice ou le lecteur à s’engager dans l’analyse de ce qui est écrit. Le texte se donne de manière dialectique, et entraîne celle et celui qui cherche à le comprendre dans cette forme de pensée. L’expérience dialectique que procure leur texte est ainsi la première manière de comprendre le sens que Negt et Kluge donnent à la dialectique.
La seconde manière de comprendre le rapport dialectique de l’espace public bourgeois et de l’espace public prolétarien réside dans sa dimension profondément conflictuelle. La dialectique incarnée par le texte de Negt et Kluge ne conduit pas à une solution ou à une résolution. L’espace public prolétarien n’est pas une solution apportée à la perte de publicité de la gauche. Il est un moyen de penser le rapport de domination présent ; il permet de comprendre pourquoi l’espace public dominant ne fait pas droit à toute une série d’expériences. Il doit être utile et permettre à la classe ouvrière de « savoir comment traiter l’espace public bourgeois, quels dégâts il inflige »[8]. D’une certaine manière, rien de plus que cela.
Afin de discerner la dialectique propre à l’œuvre de Negt et Kluge, nous avons mis en évidence trois notions : l’expérience, le mode de production et le langage. Pour le dire en une formule, ces notions sont le lieu de la dialectique entre l’espace public prolétarien et l’espace public bourgeois. Ainsi, en donnant une signification spécifique à ces notions, Negt et Kluge permettent-ils de formuler trois critiques majeures à l’égard de l’espace public de Habermas. La première critique porte sur le caractère faussement universel de l’espace public habermassien.
Pour en rendre compte, Negt et Kluge analysent le statut de l’expérience en partant de l’expérience des travailleurs. Ils s’attachent dès lors à défendre l’idée d’un nouvel espace public de production qui dépasse la relation de dépendance entre la sphère privée et la sphère publique. Ce faisant, ils s’opposent à la corrélation nécessaire que Habermas voit entre l’espace public et l’espace privé. Du point de vue de Negt et Kluge, la discussion et la corrélation de l’espace privé et de l’espace public doit être dépassée car l’espace privé n’est pas un espace de repli ou de soustraction aux logiques de l’espace public. Il lui est au contraire complètement intégré.
La deuxième critique que Negt et Kluge adressent à Habermas porte sur le mode de production capitaliste. L’espace public bourgeois rassemble l’ensemble des individus parce que les rapports capitalistes intègrent toutes les dimensions de l’existence. Toutefois, cela n’équivaut qu’à un mode de production « privé » et insuffisant. C’est pourquoi Habermas soutient la nécessité d’un espace public politiquement orienté. Negt et Kluge soutiennent que l’espace public devrait être plus que cela, qu’il est :
[…] l’unique forme d’expression pouvant relier tous les membres de la société en synthétisant leurs dispositions sociales visibles qui sinon ne sont rassemblé[e]s que par le biais du procès de production, donc sur un mode « privé »[9].
Tel est le caractère illusoire de l’espace public. Il exprime un « besoin social fondamental » qui est celui de « relier tous les membres de la société » [10], mais il n’y parvient pas. Negt et Kluge soutiennent en effet que le problème majeur de cette notion est qu’elle devrait rassembler l’ensemble du corps social mais qu’elle échoue à remplir cette tâche.
Leur réponse ne consiste cependant pas à ajouter une dimension à l’espace public comme le fait Habermas lorsqu’il lui ajoute une dimension politique. Negt et Kluge procèdent « par le bas », c’est-à-dire en creusant pour retrouver le sens le plus juste et le plus élargi possible de l’expérience. Plus précisément, leur volonté est de comprendre le sens de l’expérience lorsqu’elle est déterminée par des rapports capitalistes. Élargir le sens de l’expérience signifie donc comprendre comment elle est profondément transformée par le capitalisme.
La troisième critique porte sur le langage utilisé par les masses et les organisations de masse. On se souvient que le langage est un des enjeux les plus importants de la pensée de Habermas. Ce dernier fait de la communication rationnelle et argumentée le cœur de l’espace public. On se rappelle également que Habermas juge la communication de masse inconséquente et incapable de prendre en charge la rationalité nécessaire à l’espace public. Le langage doit donc être traité avec attention car c’est un matériau typiquement habermassien. Negt et Kluge parviennent à saisir l’ambiguïté de ce matériau, autant que les pratiques réelles et idéales que les masses peuvent en faire. Avec la notion de langage, ils engagent une troisième critique de l’intérieur de la conception habermassienne de l’espace public.
Expérience prolétarienne, savoir des dominants
La notion d’expérience est centrale pour Negt et Kluge parce qu’elle leur permet de critiquer le caractère faussement universel de l’espace public habermassien. La critique de la notion d’expérience au fondement de la publicité bourgeoise commence par une critique de la publicité kantienne.
Negt et Kluge rappellent d’abord que, chez Kant, l’idée de la liberté de la raison ne concerne en fait pas tout sujet mais une figure historique incarnée par le savant. « Le médium de l’espace public, qui est en charge de cette tâche de médiation collective, prend pour image la république des savants. En effet, le public d’hommes privés et exerçant leur raison se comporte comme s’il était composé d’académiciens »[11].
Dans Qu’est-ce que les Lumières ?, relèvent Negt et Kluge, la liberté de penser correspond à celle que le savant expérimente devant un public de lecteurs. Aussi Kant fonde-t-il l’usage de la raison sur l’usage académique de la raison, un usage qui présuppose une série de dispositions matérielles que la bourgeoisie s’est appropriée. La politique émancipatrice de la philosophie repose donc sur une fausse universalité. Le savant fait figure d’homme abstrait qui devrait valoir pour toute expérience.
Telle est la « violence constitutive »[12] de l’espace public bourgeois : celle de prétendre à un usage universel qui efface toute particularité, toute expérience singulière. Cet effacement repose sur un effacement du bourgeois lui-même. Kant définit en effet la liberté de la raison sans tenir compte des « qualités empiriques et aléatoires »[13] des propriétaires. Negt et Kluge admettent certes que la production bourgeoise de marchandises commence à émerger au moment où Kant écrit[14]. Elle ne peut donc pas être présente dans le raisonnement kantien. Mais ils constatent tout de même qu’elle en constitue en quelque sorte l’impensé.
La constitution de l’espace public tire toute sa substance de l’existence de propriétaires privés. Dans le même temps, l’espace public ne peut pas se fonder sur les qualités empiriques et aléatoires de ces propriétaires. C’est pourquoi Kant se voit obligé de nier cette base matérielle de l’espace public, afin d’établir des règles générales fiables à partir desquelles s’organise la communication publique. Il préserve, certes, la notion d’universel, mais il s’agit d’un universel abstrait, dénué de tous les aspects concrets du bourgeois, qui distinguerait un espace public vivant. En un mot : il n’arrive à construire l’espace public bourgeois, ni à l’aide du sujet bourgeois et empirique, ni en dehors de ce sujet[15].
Negt et Kluge s’opposent par conséquent à l’usage de la théorie kantienne pour faire l’étude du développement de la sphère publique. Sans que le nom de Habermas n’apparaisse, il s’agit pourtant aussi d’une critique indirecte fondamentale de son étude philosophico-historique. Negt et Kluge récusent en effet que l’expérience bourgeoise soit une expérience de la publicité. Ils soulignent que les propriétaires privés bourgeois poursuivent leurs propres intérêts et que ceux-ci sont médiés par le développement d’un espace public. Cela ne fait pas de l’espace public la véritable finalité de leurs entreprises.
En réalité, le développement empirique de l’espace public bourgeois, au cours des XVIIIe et XIXe siècles, ne suit pas du tout la pensée kantienne. Les propriétaires privés bourgeois – objet premier de la conceptualisation kantienne – n’étaient pas intéressés par la formation d’une expérience publique. Leur connaissance des marchés est d’ordre privé. Ce qui les intéresse en premier lieu, dans leur relation à l’État et à l’espace public, ce sont les répercussions possibles de l’espace public sur leurs intérêts privés. Ce qui représente une stricte fin en soi chez Kant n’est qu’un moyen pour la société bourgeoise réelle[16].
Cela signifie que l’expérience de la bourgeoisie n’est pas celle de la recherche d’un intérêt général et que l’espace public n’est qu’un aspect partiel de l’expérience sociale de la classe dominante. Cependant, ajoutent Negt et Kluge, l’expérience bourgeoise, quand bien même elle serait partielle, a bien déterminé le rapport à l’espace public. Elle est donc effective, même si Kant s’est trompé. Il faut dès lors chercher à expliquer ce sens bourgeois actuel de l’expérience.
L’expérience bourgeoise est aujourd’hui définie par la possibilité de « disposer du savoir des dominants »[17], un savoir qui est utile dans le capitalisme tardif. L’expérience signifie alors posséder un savoir qui soit utile dans l’espace public dominant.
Le cadre de l’espace public n’était pas le véritable horizon de l’expérience sociale et de la formation des opinions pour la classe dominante, et il n’en constituait tout au plus qu’un aspect partiel. À l’intérieur de cet espace public, le fait de « posséder de l’expérience » consiste à disposer du savoir des dominants, un savoir spécialisé au vu de l’utilisation appropriée de cet espace public. Cette connaissance spécialisée implique la capacité à draper des intérêts immédiats et partiels du capital, sous la forme d’une souveraineté imaginaire, d’un intérêt général fictif[18].
Le détour par Kant est dès lors loin d’être anachronique car les structures de l’espace public bourgeois déterminent toujours l’espace public dominant.
Les structures de cette tradition bourgeoise déterminent, aujourd’hui encore, les pratiques de production et de vie du présent, bien que les couches sociales et individus actuels ne soient plus des Bürger au sens traditionnel du bourgeois. Les classes moyennes d’aujourd’hui, les couches laborieuses influencées par le mode de vie bourgeois, les étudiants, l’intelligence technique, ainsi que l’ensemble des successeurs du petit groupe des bourgeois éclairés et propriétaires, répètent les différents aspects de ces traits de l’expérience et de l’organisation sociale, sous les conditions du capitalisme tardif[19].
Il faut donc penser la notion d’expérience dans son rapport à la publicité à l’aune des nouveaux modes de production du capitalisme. L’expérience qui fonde l’espace public est ainsi une expérience qui ne peut être saisie que de manière technique.
L’organisation et l’expérience ne peuvent être saisies que d’une manière technique, précisément parce que les décisions les plus significatives ont été prises avant d’en arriver à la délimitation du champ d’expérience et à la définition précise de cette expérience[20].
Cela signifie qu’il n’y a pas d’expérience qui puisse être considérée comme un réservoir échappant au mode de production bourgeois.
Les concepts d’expérience et d’organisation sont surtout utilisés d’une manière technique. Les décisions élémentaires les plus importantes, concernant la manière d’organiser et de former l’expérience, précèdent la mise en place du mode de production bourgeois[21].
Ce point a des conséquences considérables. Pour Negt et Kluge, il n’y a pas, comme chez Habermas, de codétermination positive entre une sphère privée et une sphère publique, puisque le privé est toujours déjà « organisé » par les nouveaux modes de production. Plus précisément, selon Habermas, la sphère privée émerge corrélativement à la sphère publique ; il s’agit d’une réorganisation fondamentale de la vie humaine, les expériences faites dans la sphère privée nourrissent et alimentent la sphère publique. Negt et Kluge ne contredisent certes pas cette co-émergence. Au contraire, ils la radicalisent pour le temps présent en soutenant que le tout de l’expérience est toujours déjà préétabli par le mode de production bourgeois.
Si la saisie technique de l’expérience concerne toutes les classes, il n’en demeure pas moins que les usages que la classe bourgeoise et la classe prolétarienne peuvent faire de l’espace public diffèrent radicalement. L’espace public dominant reste un usage bourgeois :
Il [le travailleur] ne peut faire qu’un usage « privé » de cet espace public, qui est composé de moyens instrumentaux. L’espace public fonctionne selon les règles de l’usage privé, et non pas selon des règles qui seraient susceptibles d’organiser les expériences ou les intérêts de classe des travailleurs. Dans l’espace public bourgeois, l’intérêt des travailleurs ne peut apparaître sous d’autre forme que celle d’une énorme accumulation d’« intérêts privés », et jamais comme un mode de production collectif des formes qualitativement nouvelles de la participation publique et de la conscience publique[22].
Cela signifie que l’expérience singulière du travailleur n’est jamais connectée à l’espace public de façon positive, qu’il s’agisse de la constitution de sa personnalité, de ses apprentissages ou de son temps libre. Même lorsqu’il devient un représentant syndical et qu’il gravit les échelons de l’échelle sociale, son « expérience » ne lui apporte rien. « L’expérience est l’affaire de ses supérieurs et des experts au sein de l’entreprise »[23]. L’expérience est donc saisie de manière technique, il n’y a pas d’expérience privée qui existe en dehors de rapports capitalistes et le travailleur ne peut pas faire d’appropriation positive de son expérience. Elle est agie par d’autres.
Espace public de production
Selon Negt et Kluge, l’espace public dominant tel que pensé par Habermas a été remplacé par un espace public de production. Negt et Kluge prennent acte des nouveaux moyens de communication, de l’existence de grands groupes médiatiques, de la propagande des grandes entreprises et de l’Industrie culturelle. L’industrialisation massive des moyens de communication doit dès lors être considérée comme un changement d’échelle dans la production capitaliste. Dès lors, ces nouveaux moyens de production forment une « nouvelle échelle de la production »[24] dont « l’expression immédiate »[25] est l’espace public de production.
Negt et Kluge définissent l’espace public de production par une dizaine de points, dont nous pouvons dresser une liste synthétique. L’espace public de production est défini par : la nouvelle échelle de production que créent les nouveaux moyens de production, le rapport entre l’intégration forcée et le besoin de légitimité, une recherche de profit et la soumission d’autrui, la primauté des rapports de production, l’organisation de l’espace public par des domaines confidentiels et séparés, le refoulement de la vie prolétarienne et le fait que l’expérience prolétarienne devienne incompréhensible[26].
Ce nouvel espace public intègre « l’ensemble des aspects de la vie quotidienne »[27]. Negt et Kluge prennent pour exemple l’étude sociologique de Hawthorne au sein de la Western Electric Company à Chicago – une étude qui est également au centre du travail d’Eva Illouz[28]. Cette étude montre que les échanges informels entre ouvriers sont nécessaires à la productivité, mais qu’ils « s’avèrent incapables de réunir les aspirations à l’émancipation des travailleurs »[29]. Comme le disent les deux auteurs : « [l]es différents aspects de la vie ne sont admis que dans la mesure où ils se laissent intégrer, sous une forme domestiquée, dans le procès de valorisation »[30].
Negt et Kluge observent ainsi un élargissement des domaines soumis aux procès de production et, en conséquence, un appauvrissement des domaines qui y échappent : « Sont alors frappés d’appauvrissement organisé tous les domaines qui concernent des activités humaines ne touchant pas directement au procès de production et à sa base de légitimation »[31]. L’espace public de production repose donc à la fois sur une intégration élargie et sur une exclusion sociale.
À la place des mécanismes sélectifs de l’espace public classique, l’espace public de production se caractérise – étant entrecroisé avec le premier – par un va-et-vient entre l’exclusion sociale et l’intégration renforcée. Ainsi, des situations factuelles qui ne peuvent être légitimées tombent sous la coupe du domaine non public, alors que les rapports de pouvoir inscrits dans le procès de production, qui peuvent difficilement être légitimés, se voient chargés d’intérêts communs légitimes, afin de faire apparaître le tout au sein d’un ensemble légitime. La distinction entre privé et public est remplacée par une contradiction entre la pression exercée par les intérêts de production et leur besoin de légitimité[32].
Gérard Raulet, dans quelques pages lumineuses sur Oskar Negt, permet d’éclairer un élément important de ces espaces publics de production. Il précise que ces Produktionsöffentlichkeiten s’enracinent dans « une sphère de la production qui n’a pas de constitution publique »[33]. Comme Negt et Kluge l’écrivent dans leur Avant-propos, ces espaces sont « constitués comme non-public »[34]. Autrement dit, ces espaces publics de production sont des espaces publics qui naissent du monde de la production industrielle, alors que ce monde est un monde sans constitution publique.
Il faut préciser encore que ceux et celles qui sont exclus du processus de production n’ont pas accès à ces espaces publics. Cependant, la « privation d’espace d’expression publique »[35] dont ils et elles sont victimes est, elle aussi, une Produktionsöffentlicheit renversée, issue du monde de la production industrielle. Raulet écrit ceci : « (…) la privation d’espace d’expression publique qui frappe ceux qui sont exclus du processus de production doit être aussi conçue comme une ²Produktionsöffentlichkeit² a contrario »[36]. On retrouve ici le motif complexe de l’exclusion qui est toujours en même temps une inclusion.
Pour Oskar Negt et Alexander Kluge, la production d’un espace public de la production qui est sans publicité, sans accès à la parole publique, est malgré tout nécessaire car c’est sur cette contradiction que repose la conviction d’un fonctionnement dialectique du monde de la production capitaliste[37] et de son renversement possible. Comme l’écrit encore Gérard Raulet, Negt travaille à ce que les « autres » espaces publics produits par le monde de la production « sapent de l’intérieur la légitimité des rapports de production »[38]. En ce sens, précise-t-il, « il n’y a pas de marxiste plus radicalement attaché à l’idée de dialectique inhérente au mode de production que Negt »[39].
Langage et stéréotypes
Après avoir expliqué la notion d’expérience autant que celle de mode de production, nous pouvons maintenant rendre compte de la notion du langage. La question centrale de tout espace public oppositionnel est de savoir quels sont les moyens dont les dominés disposent et comment ils peuvent s’organiser. Le langage est à cet égard un enjeu important de l’espace public prolétarien puisqu’il est un moyen par lequel les intérêts des dominés peuvent s’exprimer. Le langage est en ce sens le lieu d’une traduction des intérêts des travailleurs. Comme l’écrivent Negt et Kluge :
Contrairement à la bourgeoisie, dont les membres organisent et imposent leurs intérêts par une alternance des registres privé et public, les intérêts non encore traduits des travailleurs ne peuvent s’organiser qu’en se fondant dans la vie sociale, c’est-à-dire en s’insérant dans un espace public spécifique. S’ils ne veulent pas en rester au stade d’une pure possibilité, leurs intérêts ne peuvent exister et se déployer qu’à la condition de s’organiser au sein d’un espace public prolétarien[40].
Il s’agit d’arriver à traduire et à exprimer les besoins qui ne sont pas pris en charge par l’espace public bourgeois. Cette problématisation du langage n’est pas très différente de celle qui a été défendue, plus récemment, par Nancy Fraser dans son article « Rethinking the Public Sphere »[41]. Fraser y soutient également que les publics subalternes doivent se rassembler afin de comprendre, de nommer et d’exprimer leurs besoins. Dans les deux cas, dans la constitution d’un espace public prolétarien comme dans celle d’un contre-public subalterne, le langage est envisagé comme un moyen qui doit être construit, élaboré et forgé politiquement. Cependant, ce processus n’est pas du tout envisagé de la même façon dans les deux situations. On trouve chez Nancy Fraser une conception positive et efficace du langage, ce qui n’est pas le cas chez Negt et Kluge.
Jeremy Hamers a exposé très clairement le problème du langage auquel Negt et Kluge se confrontent. Dans son article « Pour un analphabétisme primaire. Notes sur l’ouvrier, la caméra et l’intellectuel »[42], il discute les positions que partagent Hans Magnus Enzensberger et les deux auteurs de L’espace public oppositionnel à propos des médias de masse, de l’apprentissage et du rôle de l’éducateur. Dans ce cadre, Jeremy Hamers traite du passage difficile dans lequel Negt et Kluge écrivent que pour constituer un espace public oppositionnel, il faut reprendre les formes et les modes de lecture de la réalité propres à l’espace public bourgeois :
« Lorsque les travailleurs ne disposent pas de leurs propres modes d’expression pour articuler leurs intérêts, ils recourent à des stéréotypes que la société leur suggère »[43].
Cette reprise, qui peut aussi être pensée comme une imitation, doit être envisagée de façon complexe, même si elle appraît d’abord comme un défaut. Lorsque les masses reprennent des discours stéréotypés appartenant à l’espace public dominant, elles recourent en réalité à une simplification qui leur permet de « saisir la réalité ». Les masses ont un « désir d’emprise simplifiée sur le monde »[44]. Comme l’écrivent Negt et Kluge :
Lorsque les travailleurs ne disposent pas de leurs propres modes d’expression pour articuler leurs intérêts, ils recourent à des stéréotypes que la société leur suggère. C’est le cas quand ils adoptent un clivage qui divise le monde en amis et ennemis. Le même procédé contient néanmoins une activité autonome : la tentative de saisir la réalité, telle qu’elle est. Cependant, même cette activité reste contradictoire, puisqu’elle ne fait qu’indiquer une voie juste pour appréhender la réalité, tout en ayant recours à la simplification pour emprunter cette voie, donc à une vision du monde irréaliste et idéologique […]. Face à des situations échappant à l’emprise de l’espace public bourgeois, par exemple des grèves sauvages, le même besoin conduit à l’engagement et suscite des capacités militantes[45].
Comme le souligne Hamers, il s’agit là d’une « requalification de l’engagement » qui conduit à des capacités d’agir sur le monde. Negt et Kluge écrivent encore :
Il serait donc faux de dire qu’il s’agit de stéréotypes tout à fait établis, mais il faut plutôt voir que le potentiel émancipateur de cette attitude n’arrive pas à se développer à l’intérieur de certaines situations de domination, tandis qu’il réussit à percer dans des situations de transgression. Ce genre d’ambiance révolutionnaire décrit un cas limite. Le besoin d’expression ne peut pas se déployer pleinement dans de telles situations de lutte, qui sont en règle générale très limitées dans le temps[46].
Cette remarque de Negt et Kluge nous semble fondamentale : la simplification et l’usage de stéréotypes est efficace dans des situations de transgression qui sont des « cas limites ». Il ne peut donc pas s’agir d’un processus régulier ou systématique.
Il [le besoin d’expression] dépend plutôt de processus d’apprentissage permettant d’opérer la distinction fondamentale entre le désir régressif de la simplification et le besoin émancipateur de conceptualiser la réalité, en transformant la condition de la classe laborieuse d’une manière collective et en préparant le terrain grâce à l’organisation de l’expérience sociale[47].
Les processus d’apprentissage sont tout aussi importants que l’usage des stéréotypes du langage dominant. Plus précisément, l’apprentissage permet justement de distinguer un désir régressif (l’usage de stéréotypes issus de l’espace public dominant) et l’émancipation vécue et éprouvée. On peut même penser qu’ils sont plus efficaces sur le long terme. Jeremy Hamers fait en effet un pas de plus : l’engagement ainsi requalifié permet, dans un second temps, de distinguer différents types de langages. Comme il l’écrit : « […] c’est bien parce que l’ouvrier imaginé par Kluge passe par un désir d’emprise simplifiée sur le monde qu’il peut, en un second temps, se rendre compte de la différence entre cette emprise simplifiée et le besoin de comprendre le monde autrement »[48]. L’usage du langage dominant se présente donc comme un acte presque impossible, à tout le moins à la limite du possible.
On peut dès lors conclure. Si les textes d’Oskar Negt et Alexander Kluge sont particulièrement difficiles à lire, c’est parce qu’ils mettent au travail notre rapport à la langue et qu’ils mettent la pensée au travail à travers le matériau de la langue. Les quelques textes traduits vers le français méritent toute notre attention pour la structure de pensée qu’ils offrent et pour leur apport à la Théorie Critique. Si le décès d’Oskar Negt est une occasion de mettre en évidence sa contribution à la Théorie Critique et de souligner l’importance de son travail, espérons que la traduction de ses textes co-écrits avec Alexander Kluge verra des suites prometteuses.
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Illustration : photo Radio Lorraine Coeur d’acier.
Notes
[1] Oskar Negt & Alexander Kluge, Öffentlichkeit und Erfahrung. Zur Organisationsanalyse von bürgerlicher und proletarischer Öffentlichkeit, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1972.
[2] Les deux chapitres sont « La dialectique des espaces publics bourgeois et prolétarien » et « L’espace public en tant que forme d’organisation de l’expérience collective » publiés dans Oskar Negt, L’espace public oppositionnel, traduction de l’allemand par Alexander Neumann, Paris, Payot, coll. « Critique de la politique », 2007 [1972].
[3] Oskar Negt & Alexander Kluge, « La dialectique des espaces publics bourgeois et prolétarien », L’espace public oppositionnel, traduction de l’allemand par Alexander Neumann, Paris, Payot, coll. « Critique de la politique », 2007 [1972], p. 128.
[4] « Wir wollten ursprünglich ein Buch über Öffentlichkeit und Massenmedien schreiben. Es sollte die fortgeschrittensten Strukturveränderungen von Öffentlichkeit und Massenmedien untersuchen, insbesondere den Medienverbund. Der Öffentlichkeitsverlust innerhalb der Fraktionen der Linker wie auch di eigeschränkte Form, in der Arbeiter in den bestehenden Massenorganisationen über öffentliche Äußerungsmöglichkeiten verfügen, haben uns sehr rasch zu der Frage geführt, ob es überhaupt zur bürgerlichen Öffentlichkeit wirksame Formen von Gegenöffentlichkeit geben kann ». Oskar Negt & Alexander Kluge, « Vorrede », Öffentlichkeit und Erfahrung, op. cit., p. 7. [Nous traduisons.]
[5] Hans Magnus Enzensberger, Jeu de construction pour une théorie des médias suivi de Usages d’une théorie marxiste des médias, sous la direction de Jeremy Hamers et Céline Letawe, Dijon, Les Presses du réel, coll. « Médias/Théories », 2021.
[6] « So gelangten wir zu der Kategorie der proletarischen Öffentlichkeit, die ein von der bürgerlichen Öffentlichkeit völlig verschiedenes Erfahrungsinteresse besitzt. Die Dialektik von bürgerlicher und proletarischer Öffentlichkeit ist der Gegenstand unseres Buches ». Oskar Negt & Alexander Kluge, « Vorrede », op. cit., p. 7. [Nous traduisons.]
[7] Voir la section « Le concept d’espace public selon la théorie classique de la bourgeoisie », dans Oskar Negt & Alexander Kluge, « L’espace public en tant que forme d’organisation de l’expérience collective », L’espace public oppositionnel, op. cit., pp. 62-65.
[8] « […] sie muß wissen, wie sie mit der bürgerlichen Öffentlichkeit umgehen soll, welcher Schaden ihr dort blüht […] », Oskar Negt & Alexander Kluge, « Vorrede », op. cit., pp. 12-13. [Nous traduisons.]
[9] Ibidem, p. 56.
[10] Ibidem.
[11] Ibidem, p. 63.
[12] Ibidem.
[13] Ibidem, p. 64.
[14] Ibidem, p. 63.
[15] Ibidem, p. 64.
[16] Ibidem.
[17] Ibidem, p. 65.
[18] Ibidem.
[19] Ibidem, p. 58.
[20] Ibidem, pp. 57-58.
[21] Ibidem, p. 57.
[22] Ibidem, p. 61.
[23] Ibidem, p. 60.
[24] Ibidem, p. 66.
[25] Ibidem, p. 65.
[26] Des pages 65 à 69 en français, des pages 35 à 44 en allemand.
[27] Ibidem, p. 65.
[28] Eva Illouz, Les sentiments du capitalisme, traduction de l’anglais par Jean-Pierre Ricard, Paris, Seuil, 2006.
[29] Oskar Negt & Alexander Kluge, « L’espace public en tant que forme d’organisation de l’expérience collective », L’espace public oppositionnel, op. cit., p. 76.
[30] Ibidem, p. 68.
[31] Ibidem, p. 69.
[32] Ibidem, p. 66.
[33] Gérard Raulet, La philosophie allemande depuis 1945, Paris, Armand Colin, 2006, p. 220. Pour le texte allemand, voir Oskar Negt & Alexander Kluge, Öffentlichkeit und Erfahrung, op. cit., p. 15.
[34] « Übergreifend sind dagegen die von der nicht-öffentlich konstituierten Produktionssphäre ausgehenden Öffentlichkeit und der von der kapitalistischen Produktion mitproduzierte kollektive und massenhafte Zweifel an der Legitimationsfähigkeit dieses Produktionszusammenhangs. »/« D’autre part, sont prépondérants les espaces publics émanant de la sphère de production non publiquement constituée, ainsi que le doute collectif et de masse, coproduit par la production capitaliste, sur la capacité à légitimer ce contexte de production. » Oskar Negt & Alexander Kluge, Öffentlichkeit und Erfahrung, op. cit., p. 15. [Nous traduisons.]
[35] Gérard Raulet, La philosophie allemande depuis 1945, op. cit., p. 220.
[36] Ibidem.
[37] Ibidem.
[38] Ibidem.
[39] Ibidem.
[40] Oskar Negt & Alexander Kluge, « La dialectique des espaces publics bourgeois et prolétarien », op. cit., p. 97.
[41] Nancy Fraser, « Rethinking the Public Sphere: A Contribution to the Critique of Actually Existing Democracy », Social Text, n° 25/26, 1990, pp. 56-80
[42] Jeremy Hamers, « Pour un analphabétisme primaire. Notes sur l’ouvrier, la caméra et l’intellectuel », Figures du peuple, sous la direction d’Émilie Goin et François Provenzano, Liège, Presses Universitaires de Liège, 2017, pp. 139-163.
[43] Oskar Negt & Alexander Kluge, « L’espace public en tant que forme d’organisation de l’expérience collective », L’espace public oppositionnel, op. cit., p. 87.
[44] Jeremy Hamers, « Pour un analphabétisme primaire. Notes sur l’ouvrier, la caméra et l’intellectuel », art. cité, p. 151.
[45] Oskar Negt & Alexander Kluge, « L’espace public en tant que forme d’organisation de l’expérience collective », L’espace public oppositionnel, op. cit., p. 87, cité par Jeremy Hamers, « Pour un analphabétisme primaire. Notes sur l’ouvrier, la caméra et l’intellectuel », art. cité, p. 150.
[46] Ibidem.
[47] Ibidem.
[48] Jeremy Hamers, « Pour un analphabétisme primaire. Notes sur l’ouvrier, la caméra et l’intellectuel », art. cité, p. 151.