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    1939-1944 : résister à l’occupation fasciste !

    histoire

    Lien publiée le 26 juillet 2024

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    https://lanticapitaliste.org/arguments/1939-1944-resister-loccupation-fasciste

    Les victoires majeures que les puissances de l’Axe remportèrent entre 1939 et 1942 ont contraint une partie importante du monde, aussi bien en Europe qu’en Asie, à vivre sous occupation fasciste. Cette mise en place de régimes d’occupation militaire donna à la Seconde Guerre mondiale une de ses particularités majeures, puisqu’elle fit naître partout des résistances nationales, dont l’activité détermina largement les modalités d’installation de nouveaux régimes lors de la Libération.

    La IVe Internationale au défi de l’occupation fasciste

    La Seconde Guerre mondiale constitua une période particulièrement difficile pour les trotskistes, tant d’un point organisationnel que stratégique.

    L’entrée dans la Seconde Guerre mondiale amena un nouveau durcissement de la répression qui frappait les trotskistes. Dans les pays impérialistes, ils furent mis au ban dès le début de la guerre : les organisations communistes furent interdites en France en septembre 1939, tandis qu’en 1941 la justice américaine envoyait la direction du SWP (Socialist Workers Party) trotskiste en prison. La répression de la bourgeoisie n’était toutefois rien à côté de celle que Staline mettait alors en place.

    La persécution

    L’action des militants trotskistes face à l’occupation des puissances de l’Axe fut d’autant plus difficile qu’il leur fallait affronter la grande persécution stalinienne. Staline ordonna aux partis communistes d’éliminer physiquement les trotskistes, ce qui fut par exemple le cas en Yougoslavie, en Grèce ou au Vietnam, où ils et elles furent liquidés par les organisations communistes de résistance. Dans le même temps, les dirigeantEs trotskistes étaient pourchassés dans le monde entier par les tueurs du NKVD stalinien : Trotsky, assassiné en août 1940, ne fut que l’une de leurs nombreuses victimes, parmi lesquels il faut aussi placer Walter Held, dirigeant de la section allemande, enlevé par le NKVD, puis torturé par Beria en personne avant d’être liquidé.

    Isolés, les trotskistes durent payer au prix fort leur engagement dans la Résistance. En Allemagne ou en Italie, leurs sections furent totalement anéanties par la terreur fasciste. Dans les pays occupés par les nazis, elles perdirent la majorité de leurs militantEs, comme ce fut le cas en Chine, mais aussi en France où la police allemande parvint à arrêter la quasi-totalité de la direction du POI (Parti ouvrier internationaliste), après avoir démantelé les cellules révolutionnaires que ses militantEs étaient parvenus à créer au sein de l’armée allemande.

    Malgré leurs efforts, les militantEs de la IVe Internationale eurent beaucoup de peine à maintenir leurs liens, et son secrétariat international établi à New York perdit le contact avec beaucoup de sections. Dans des conditions particulièrement difficiles, les trotskistes parvinrent toutefois à faire face, arrivant par exemple à tenir une réunion des sections européennes en février 1944 à Beauvais, ou encore à réorganiser les groupes trotskistes français, en les faisant ­fusionner en mars 1944 dans le PCI.

    Penser la guerre

    Les trotskistes durent aussi affronter les redoutables questions stratégiques que leur posait la guerre. Reprenant la grille de lecture des socialistes révolutionnaires pendant la Première Guerre mondiale, ils considéraient la guerre comme le fruit des contradictions impérialistes, ce qui les amenait à espérer qu’elle ouvrirait une nouvelle phase révolutionnaire. Afin de préparer l’insurrection, les trotskistes — et ce fut sans doute leur plus grande différence avec les staliniens — considéraient que la bourgeoisie impérialiste française, anglaise ou états-unienne constituait davantage un ennemi à abattre qu’un allié potentiel contre le fascisme. Dans le « Manifeste d’alarme » qu’il avait rédigé pour la IVe Internationale en mai 1940, Trotsky avait ainsi mis en avant le mot d’ordre : « Pas d’alliance avec les démocraties qui sont des ­asservisseurs des peuples coloniaux »

    Le refus des fronts nationaux avec la bourgeoisie ­n’empêchait pas Trotsky de différencier démocraties impérialistes et régimes fascistes. Trotsky l’avait affirmé dès 1937, lors du contre-procès organisé par la commission Dewey, en déclarant : « en Allemagne et au Japon, j’emploierais les méthodes militaires pour endommager la machine de guerre et la désorganiser ; en France, il s’agit de faire une opposition politique contre la bourgeoisie et la préparation de la révolution prolétarienne ». Les victoires allemandes amenèrent Trotsky à développer ce point, et il expliquait, le 30 juin 1940, qu’avec la victoire allemande « la France est une nation opprimée », avant de rappeler que « de toutes les formes de dictature, la dictature totalitaire d’un conquérant étranger est la plus intolérable ». Si les trotskistes refusaient de reprendre les mots d’ordre chauvins que les staliniens mettaient en avant, ils n’en étaient pas moins sensibles aux questions d’oppression nationale, ce qui amena Marcel Hic à définir en 1941 le gaullisme des masses comme « quelque chose ­d’essentiellement sain ».

    Soutenir ou non l’URSS ?

    Enfin, la question de l’URSS conduisit beaucoup de marxistes révolutionnaires à s’interroger sur la pertinence du mot d’ordre de « défense de l’Union soviétique » que défendait Trotsky. Alors que Staline s’était allié avec Hitler, beaucoup de militantEs commençaient à douter du caractère progressiste de l’URSS, ce qui amena en 1940 Max Shachtman à rompre avec Trotsky, provoquant une scission majeure au sein du SWP américain. Trotsky conserva jusqu’à sa mort ses positions, en considérant que la dégénérescence de la bureaucratie stalinienne ne changeait rien à l’importance historique pour l’humanité de l’existence d’une aire de socialisation de la propriété, que les révolutionnaires devaient défendre afin de ne pas ouvrir une nouvelle ère de barbarie.

    Ces difficultés stratégiques amenèrent certains groupes trotskistes à prendre des orientations un peu différentes, d’autant que les cadres de discussion commune avaient disparu ou s’étaient étiolés. Dans la pratique, ils parvinrent cependant à mener une ligne d’action commune. Celle-ci s’attachait à construire une résistance antifasciste de classe, en dehors de tout cadre de front national avec la bourgeoisie, afin de mieux préparer la révolution socialiste et le renversement de la bourgeoisie impérialiste. Ils payèrent au prix fort leur engagement, puisque aucun courant n’a perdu dans la guerre autant de ses militants. L’histoire ne leur a toutefois pas rendu justice, dans la mesure où les staliniens ont longtemps réussi à noircir leur mémoire, en prétendant que les « hitléro-trotskistes » avaient refusé de se joindre à la Résistance, développant un discours dont les traces sont loin d’avoir aujourd’hui disparus.

    La résistance française

    Très divers, tant dans leurs formes d’action que dans leurs projets politiques, les acteurEs de la résistance antifasciste française sont parvenus à unir leurs forces, le PCF ayant accepté de reconnaître le leadership de la bourgeoisie française, en appliquant la politique stalinienne de construction de fronts nationaux.

    La construction de la résistance française se fit par la réunion de courants d’une grande hétérogénéité. Pour une part, les premiers groupes de résistantEs étaient issus de la bourgeoisie impérialiste, dont une partie, à l’image de De Gaulle, avait fait le choix de poursuivre la guerre contre l’Allemagne, en s’appuyant sur l’empire colonial. Après être parvenus à rallier l’administration coloniale de l’Afrique équatoriale française, les gaullistes purent ainsi lever des dizaines de milliers de tirailleurs coloniaux, permettant de construire les Forces françaises libres (FFL), une armée qui participa aux côtés des Anglais aux combats menés contre ­l’Allemagne en Afrique du Nord.

    La diversité de la résistance française

    La mise en place de ces FFL permit à de Gaulle de se poser en leader de la résistance et d’unifier les nombreux réseaux qui s’étaient ­spontanément constitués dès 1940, en particulier dans la zone libre. Certains d’entre eux étaient de tendance démocrate-chrétienne, à l’exemple de celui créé autour du journal clandestin Franc-Tireur en région Rhône-Alpes. Plus à droite, un autre réseau se mit en place autour du journal Combat qui parvint à se développer dans toute la France méridionale. Plus à gauche, un autre réseau s’était développé autour du journal Libération, que dirigeait Emmanuel d’Astier de la Vigerie. L’ensemble de ces groupes qui, au-delà de leur activité propagandiste, s’attachaient à constituer une force militaire, acceptèrent en 1942 de fusionner leurs forces au sein de l’Armée secrète (AS), qui fut placée sous le ­commandement de De Gaulle.

    Ces réseaux, qui s’étaient constitués autour des différentes tendances de la bourgeoisie républicaine, n’avaient pas le poids du PCF. Interdit depuis septembre 1939, le PC était parvenu à construire une puissante organisation clandestine, qui organisait une fraction importante de la classe ouvrière et aussi de la paysannerie. Après avoir au départ mené un travail essentiellement propagandiste, le PCF s’engagea dans la construction d’une véritable armée au lendemain de l’agression allemande de l’URSS, en juin 1941. Dès l’automne 1941, le PC disposait d’une milice bien organisée, dont les unités étaient regroupées au sein des Francs-tireurs et partisans (FTP).

    Unification et militarisation de la résistance

    Dans la logique de la politique de construction de « fronts nationaux », qui avait amené Staline à demander aux PC de s’unir avec les partis bourgeois contre les fascistes, la direction du PCF répondit à la proposition gaulliste d’unifier les organisations de résistance. Acceptant de placer leurs unités combattantes sous la direction de la bourgeoisie, le PCF rejoignit en 1943 le nouveau Conseil national de la Résistance (CNR), qui regroupait, sous la direction de De Gaulle, l’ensemble des organisations de résistance. Sur le plan militaire, le PCF accepta aussi en février 1944 de placer ses FTP sous commandement gaulliste, dans le cadre des Forces françaises de l’Intérieur (FFI).

    L’unification de la résistance contribua à sa massification, qui fut largement encouragée par la mise en place en février 1943 du Service du travail obligatoire (STO). Plutôt que de partir travailler en Allemagne, environ 10 % des jeunes Français entrèrent dans la clandestinité, nourrissant ainsi la création des premiers maquis. Malgré des débuts souvent difficiles, ceux-ci montèrent en puissance au printemps 1944, avant de connaître une explosion en juin 1944, pendant laquelle les FFI regroupèrent sans doute plusieurs centaines de milliers de miliciens armés. Ces unités, majoritairement issues des FTP, libérèrent durant l’été 1944 le pays, mettant en place un pouvoir populaire.

    Loin de vouloir utiliser ce contexte pré-révolutionnaire pour tenter de prendre le pouvoir, le PC joua toutefois pleinement le jeu du « front national ». S’inscrivant dans la logique des blocs décidée par Roosevelt et Staline, le PCF appela ses militantEs et ses milicienNEs au respect des institutions mises en place par les gaullistes, leur demandant en octobre 1944 de rendre leurs armes et de se dissoudre. Malgré l’irruption armée des classes populaires, qui avaient installé durant l’été 1944 un pouvoir populaire, la victoire de la résistance ne déboucha pas sur une révolution, comme l’avaient espéré les militants trotskistes, mais sur la restauration d’une ­république bourgeoise.

    Tous résistants ?

    Dans son discours du 25 août 1944 à l’Hôtel de ville de Paris, de Gaulle impose le récit d’une nation restée unie face à l’occupant. C’est la naissance d’un mythe, le résistancialisme, qualifié ainsi par l’historien Henri Rousso en 1987. La majorité des Français auraient résisté, tandis que les collaborateurs n’auraient été qu’une poignée de traîtres et Vichy un gouvernement minoritaire et illégitime.

    La mémoire officielle impose alors la glorification des héros, tandis qu’elle observe un grand silence pour les « vaincus », notamment autour des mémoires juives. La spécificité de la Shoah est alors étouffée dans le souvenir global de la déportation. L’écriture de cette Histoire officielle est mise en place dès octobre 1944 puis en 1945 avec deux comités d’histoire qui seront fusionnés en 1951 en un Comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale, rattaché à la direction du gouvernement, la présidence du Conseil.

    La construction d’une mémoire officielle

    Cette mémoire collective répond aux désirs des deux groupes qui revendiquent la victoire, les gaullistes et les communistes, moyennant par ailleurs des reconnaissances spécifiques. Le PCF obtient son statut de « parti des 75 000 fusillés » en construisant sa propre histoire de la ­résistance intérieure. 

    Le résistancialisme censure. En 1956, la séquence du film Nuit et Brouillard qui montre un gendarme français en faction devant le camp d’internement de Pithiviers, est masquée au montage. Ce consensus résistancialiste est renforcé par le retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958 et atteint son point d’orgue lors de la panthéonisation de Jean Moulin en 1964. 

    Il trouve son expression dans l’Histoire de Vichy de Robert Aron (1954), qui ­restera jusqu’aux années 1960 un ouvrage de référence sur la collaboration. Il y défend la thèse « du bouclier et de l’épée », qui porte l’idée que de Gaulle et Pétain auraient campé deux stratégies pour défendre ensemble la nation mais dans des registres différents.

    Une difficile remise en cause

    Sur le plan scientifique, le mythe s’effondre progressivement. Mai 68 remet en question le consensus politique autour du gaullisme. La thèse « du glaive et du bouclier » s’effondre avec la publication en 1973 de La France de Vichy de l’historien américain Robert Paxton, qui présente pour la première fois la Résistance comme un phénomène minoritaire. C’est un choc car Paxton démontre que c’est bien le régime de Vichy qui est à l’initiative des déportations de 76 000 juifs français, qu’il a adopté des lois antisémites sans que les Allemands ne le demandent explicitement. Il rappelle le soutien massif des Français à Pétain jusqu’aux derniers jours du conflit.

    L’État va être plus lent à évoluer. La thèse gaulliste du résistancialisme demeure longtemps le dogme en vigueur au sommet de l’État. Le procès Papon n’a d’ailleurs lieu qu’en 1997. Aussi, pour Mitterrand, Vichy n’est pas la France. Au contraire, Chirac, qui n’est pas de la même génération, reconnaît pour la première fois la responsabilité de l’État français dans la déportation des juifs, dans son discours du 16 juillet 1995 lors de la commémoration de la rafle du Vel d’Hiv. Cependant avec l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007, il y a de nouveau la volonté de clore les polémiques autour des ­responsabilités de la France. Ce refus de la « repentance » s’accompagne du désir de réhabiliter les héros et d’instrumentaliser de nouveau l’histoire via l’école, notamment par l’exploitation politique de la figure de Guy Môquet. Même si Hollande et Macron ont eux aussi reconnu la responsabilité de la France dans le génocide des juifs, le mythe du résistancialisme reste donc encore vivace !