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Mobilisation générale !

Lien publiée le 31 août 2024

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://marxiste.org/actualite-francaise/politique-francaise/3496-mobilisation-generale-edito-du-n-83

A l’heure où nous bouclons ce numéro de Révolution, Macron n’a toujours pas nommé le prochain locataire de l’Hôtel Matignon. Le chef de l’Etat a simplement écarté, d’un revers de main, la proposition du NFP. Mais dès lors, l’identité du prochain Premier ministre n’a plus tellement d’importance dans l’analyse de la situation politique et des perspectives qui en découlent.

Qu’il « vienne » du « centre droit », du « centre gauche » ou d’ailleurs ne changera rien à l’orientation fondamentale de son programme, qui sera austéritaire, antisocial et, bien sûr, raciste. Rappelons qu’Elisabeth Borne « venait » de « la gauche », ce qui ne l’a pas empêchée de diriger la dernière offensive contre nos retraites, puis de faire voter une « loi immigration » dictée par Marine Le Pen.

Pour analyser le chaos parlementaire à venir, il faut partir de ses prémisses générales. Nous l’avons souligné à maintes reprises : le déclin du capitalisme français – relativement aux autres puissances impérialistes – est tel que la bourgeoisie a objectivement et urgemment besoin de contre-réformes drastiques dans tous les domaines de la vie économique et sociale. C’est la raison centrale du rejet de la candidature de Lucie Castets, dont le programme officiel – celui du NFP – est certes très modéré, mais contient une série de mesures progressistes dont la bourgeoisie française ne veut pas entendre parler.

Comme l’écrivait Guillaume Tabard dans Le Figaro du 26 août : « Une chose est pour [Macron] de reconnaître avoir perdu les législatives ; une autre est de laisser se mettre en place une politique qui, notamment sur le plan économique, détricoterait ce qu’il a patiemment, et souvent trop timidement mis en place, depuis sept ans. » C’est assez bien résumer le point de vue de la classe dirigeante : elle exige la poursuite et l’intensification de la politique réactionnaire – « trop timidement » réactionnaire, à ses yeux – des gouvernements présidés par Macron depuis 2017.

La crise de régime

Telle est donc la mission du prochain gouvernement : transférer le poids de la crise du capitalisme français sur le dos des jeunes, des travailleurs, des chômeurs et des retraités. Cependant, la bourgeoisie est confrontée à un problème de taille : la profonde crise de son régime et la nouvelle composition de l’Assemblée nationale compliquent sérieusement la mise en œuvre des contre-réformes et des coupes budgétaires dont elle a besoin.

Aucune majorité absolue ne peut émerger du Palais Bourbon. Quel qu’il soit, le prochain gouvernement ne pourra s’appuyer, tout au mieux, que sur un échafaudage branlant de marchandages et d’engagements contradictoires, c’est-à-dire sur une « coalition » mouvante, instable et susceptible d’être balayée au premier choc sérieux. Or l’actualité sera riche en chocs. Par exemple, la question de la dette publique, déjà brûlante, deviendrait explosive dans l’éventualité – toujours plus menaçante – d’une nouvelle récession.

Encore est-ce là le scénario le plus « stable », car l’échafaudage en question, s’il parvient à se constituer, pourrait s’effondrer rapidement sous le poids de ses propres contradictions internes. Et dans tous les cas de figure, le chaos parlementaire ne cessera pas de miner ce qu’il reste d’autorité au chef de l’Etat, dont la démission sera réclamée par un nombre croissant de voix – à gauche, mais aussi à droite.

Mobilisation générale !

Le refus de nommer Lucie Castets à Matignon est qualifié de « scandale démocratique » par les dirigeants du NFP. Il est clair que Macron piétine allègrement l’« esprit » de la Constitution. Mais rappelons à cette occasion que du point de vue des intérêts de la masse des exploités et des opprimés, la démocratie bourgeoise est, au fond, un scandale permanent. Par exemple, au premier semestre 2023, le gouvernement « démocratique » a imposé la contre-réforme des retraites contre la volonté – attestée par tous les sondages – de 90 % des salariés de ce pays. Comme l’écrivait Lénine en 1919 : « la plus démocratique des républiques bourgeoises ne saurait être autre chose qu’une machine à opprimer la classe ouvrière au profit de la bourgeoisie, la masse des travailleurs au profit d’une poignée de capitalistes. » [1]

Les dirigeants de la France insoumise (FI) engagent une procédure formelle visant à destituer le chef de l’Etat. Dans le même temps, ils appellent à manifester, le 7 septembre, pour protester contre les manœuvres de Macron et le contraindre à nommer Lucie Castets à Matignon.

Disons ce qu’il y a de positif dans ces initiatives. Oui, bien sûr, il faut virer Macron. Et oui, des mobilisations extra-parlementaires – dans la rue – sont indispensables. Mais il faut aller plus loin : seul un mouvement extrêmement puissant des jeunes et des travailleurs pourra faire obstacle à la politique antisociale qu’exige la bourgeoisie. Or ce serait aussi vrai si Lucie Castets était nommée à Matignon, car alors de deux choses l’une : soit elle serait immédiatement renversée par une motion de censure, soit elle ne se maintiendrait qu’à la faveur d’un abandon des mesures progressistes du programme du NFP. Toute autre perspective – comme celle d’un soutien des macronistes aux mesures progressistes du programme du NFP – est une fiction dangereuse, car elle détourne le mouvement ouvrier de la seule voie conforme à ses intérêts : une puissante intensification de la lutte des classes.

Nous l’avons dit et répété depuis le 7 juillet dernier : la jeunesse et les travailleurs n’ont rien de bon à attendre de la nouvelle Assemblée nationale. Pour défendre leurs conditions de vie et d’étude, ils ne pourront compter que sur leurs propres forces et celles de leurs organisations. Cependant, il faut regarder les choses en face : les dirigeants des grandes organisations politiques et syndicales du mouvement ouvrier ne veulent pas développer la lutte au-delà d’un certain point. Leur stratégie – prudente, modérée, conciliante et donc impuissante – est à l’image de leur programme réformiste, qui n’envisage pas un instant d’exproprier la grande bourgeoisie de ce pays.

Un exemple parmi d’autres : le 28 août, la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, déclarait que son organisation n’appelait pas à manifester aux côtés de la FI, le 7 septembre, mais souhaitait tout de même que cette mobilisation soit « réussie », car elle juge « inacceptable » le « coup de force » de Macron. A la lecture d’une telle déclaration, de nombreux travailleurs se poseront la question suivante : si Sophie Binet souhaite vraiment le succès de la manifestation du 7 septembre, pourquoi n’y contribue-t-elle pas en mobilisant la confédération syndicale la plus puissante et la plus militante du pays ? Pour répondre d’avance à cette objection simple et claire, la secrétaire générale de la CGT bafouille ses abstractions habituelles sur la différence entre « lutte politique » et « riposte sociale ». Mais ce n’est là qu’un écran de fumée, un prétexte à la passivité. La vérité, c’est que Sophie Binet et ses camarades, au sommet de la CGT, veulent conserver les meilleures relations possibles avec les politiciens bourgeois. Et pour ce faire, les dirigeants de la CGT doivent s’efforcer de calmer le jeu, pour ainsi dire, et donc se contenter de programmer l’une de ces « mobilisations » inoffensives, l’une de ces promenades routinières qui ont pour nom : « journée d’action interprofessionnelle ». En même temps qu’elle déclinait l’appel à manifester le 7 septembre, Sophie Binet annonçait une « journée d’action » pour le 1er octobre, sous les applaudissements feutrés de la bourgeoisie.

Le problème que nous venons de souligner n’est pas nouveau. En un sens, c’est la contradiction centrale de la situation politique et sociale : d’un côté, la colère de millions d’exploités et d’opprimés ne cesse de monter dans le pays, comme l’ont démontré les résultats des élections législatives ; mais de l’autre, les dirigeants officiels du mouvement ouvrier pèsent de tout leur poids pour enfermer l’expression de cette colère dans des limites acceptables pour la classe dirigeante. Tôt ou tard, cette contradiction éclatera – sous la forme de puissantes mobilisations échappant au contrôle des directions politiques et syndicales des travailleurs. Une chose est sûre : sur fond d’accélération brutale de la crise de régime, l’heure d’une telle explosion sociale approche à grands pas.


[1] Thèses sur la démocratie bourgeoise et la dictature prolétarienne.