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C’était le congrès de la dernière chance pour Die Linke
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
C'était le congrès de la dernière chance pour Die Linke
Die Linke tenait son 9ᵉ congrès national du 18 au 20 octobre à Halle-sur-Saale en Saxe-Anhalt, dans un climat de tension après la scission de Sahra Wagenknecht.
Ce congrès de la dernière chance peut être qualifié de coup dans l'eau vu l'absence totale de réponse politique aux problèmes structurels et idéologiques de Die Linke.
Article et traduction Nico Maury
Die Linke se divise sur la question palestinienne et sur l'antisémitisme
La tension interne s'est exprimée quelques jours auparavant lors du congrès de la branche berlinoise de Die Linke. La raison : une motion appelée « contre tout antisémitisme », qui s’est concentrée sur « l’antisémitisme de gauche » en reprenant le cadre narratif de la presse de droite, dans laquelle la solidarité avec la Palestine est associée à l’antisémitisme. Cette motion a été amendée par la majorité des délégués sur des aspects fondamentaux. Le groupe qui défendait la motion de base a quitté la séance plénière et s'est rendu devant la presse pour accuser Die Linke de complicité d'antisémitisme.
Dans ce contexte, le congrès national de Die Linke s'est déroulé sur des braises. La crainte d'une fracture totale a conduit à valider une motion de compromis sur la question israélo-palestinienne et l'antisémitisme (quatre motions opposées). Finalement, Die Linke a repris les positions de la gauche européenne et internationale, d'une part, avec la condamnation explicite du gouvernement Nétanyahou et de l'occupation israélienne, exigeant également un cessez-le-feu immédiat à Gaza et au Liban. Il va même jusqu'à évoquer le caractère « génocidaire » des actions d'Israël, même si c'est dans le contexte du procès ouvert devant la Cour internationale de Justice. D'autre part, le congrès continue de souligner l'importance de la lutte contre l'antisémitisme, de la reconnaissance du droit à l'existence de l'État d'Israël et de la nécessité d'une solution à deux États.
Concernant les motions sur l'antisémitisme, les intervenants ont demandé que Die Linke prenne comme référence la Déclaration de Jérusalem (antisionisme = antisémitisme) et non celle de l'IHRA comme référence pour la lutte contre l'antisémitisme. Le Congrès n'a pas validé cette position et l'aile aux positions plus prosionistes, actuellement minoritaire, a de nouveau réagi à la presse comme Udo Wolf ou Henriette Quade.
Une nouvelle direction élue
Une nouvelle direction a été élue par le congrès. Ines Schwerdtner, publiciste et ancienne rédactrice en chef du magazine Jacobin en Allemagne, est élue sans opposition avec 80% des voix. De son côté, Jan van Aken, inspecteur des Nations Unies chargé des armes biologiques, a été élu avec 88%, malgré la candidature alternative d'Emanuel Schaaf.
Van Aken a souligné dans son discours de présentation l'importance de la lutte pour la paix, contre la production d'armes, ainsi que la fermeté interne, pour que les dirigeants et militants de parti respectent les résolutions du parti.
Il entend faire de Die Linke le pôle de la "gauche progressiste" opposé à la "gauche conservatrice" de Sahra Wagenknecht.
Revenu universel, Ukraine, des débats houleux
Le congrès de Die Linke devait se positionner la présence du revenu de base universel (UBI) dans son programme politique. Ce point a été porté après une consultation militante approuvée par une large majorité. La motion a été largement rejetée après un débat intense.
Sur la question de l'Ukraine, l'unité s'est faite autour du refus d'exporter d'armes et autour de la nécessité d'ouvrir des voies diplomatiques pour mettre fin à la guerre en Ukraine. Les débats houleux ont porté sur l'analyse des causes la guerre en Ukraine, sur la question de savoir si le cessez-le-feu doit être inconditionnel ou non (par exemple, si la Russie doit préalablement retirer ses troupes du sol ukrainien), sur le rôle du militarisme allemand dans le conflit. Une motion initiée par la Plateforme communiste et bénéficiant de deux cents signatures de soutien a finalement été rejetée de justesse, au motif qu'elle était trop « pro-russe ».
L'avenir de Die Linke et du Parti de la gauche européenne
Die Linke est membre fondateur du PGE.
Suite à la scission au sein du Parti de la Gauche Européenne, menée par La France Insoumise et des partis comme Podemos, les débats sont arrivés dans Die Linke : Faut-il rester ou partir du PGE ? Deux motions se sont affrontées.
La nouvelle direction a présenté une proposition visant à retirer le PGE des statuts, compte tenu de la nouvelle situation avec deux partis de gauche européens. Pour changer les statuts, il faut une majorité des deux tiers des délégués, ce que la direction n'avait pas. Une autre motion de soutien au PGE, présentée par deux assemblées berlinoises et soutenue par Claudia Haydt, vice-présidente du PGE.
Toutes les motions ont été rejetées (retirées), les débats internes autour du PGE vont se poursuivre en interne.
Rapprochement avec les Jeunes écologistes
La surprise du jour du Congrès est la venue de Sarah Lee-Heinrich, ancienne porte-parole de la Jeunesse verte, une organisation de jeunesse des Verts allemands, qui a rompu avec Les Verts.
Ces dernières semaines, des dizaines de hauts responsables de la Jeunesse Verte ont quitté le parti, accusant les Verts de ne pas faire de politique de gauche et de classe. Lee-Heinrich a annoncé la création d'une nouvelle organisation de jeunesse. "Nous venons de rompre une relation et nous sommes en deuil, mais peut-être que bientôt, nous commencerons à mieux nous connaître".
Les problèmes non résolus
Par ses décisions politiques, la conférence du parti n’a pas réglé les conflits anciens et nouveaux, mais les a plutôt apaisés ou reportés en vue des élections fédérales de 2025.
Il n'y a aucune solution en vue aux graves problèmes d'organisation : l'effondrement de la base électorale dans la classe ouvrière et à l'Est, la concentration croissante de l'adhésion dans les grandes villes, la tension politique entre ceux qui veulent revitaliser le parti en le hissant à gauche et en l'inscrivant dans de véritables luttes et ceux qui travaillent depuis des années et des décennies à son intégration totale et à sa parlementarisation complète.
L'aile droite de Die Linke est la grande perdante de ce congrès. Les libéraux du parti, qui rêvaient d'une "modernisation" du programme du parti depuis la scission du camp de Wagenknecht, ont déchainé une campagne de presse contre Die Linke après leur échec dans le congrès berlinois. Plusieurs de leurs dirigeants comme Udo Wolf et Sören Benn à Berlin, Henriette Quade en Saxe-Anhalt ont quitté le parti.
Les amendements visant à déplacer le curseur politique vers la gauche ont été presque rejetés. À la toute fin de la conférence du parti, alors que de nombreux délégués étaient déjà partis, une motion d'urgence a été votée en faveur du soutien à "l'Appel de Berlin" contre le stationnement des missiles à moyenne portée américains. Cette motion a trouvé une majorité malgré une intervention opposée du nouveau directeur général fédéral.
Il semble beaucoup plus problématique qu’il n’y ait eu pratiquement aucune discussion structurée et critique sur la pratique concrète du parti. Le comportement électoral au Parlement européen, les résultats réels de la participation gouvernementale, les relations entre le parti et le mouvement pacifiste, ces sujets ont été parfois abordés lors du débat général, dans les discours de candidature ou dans les questions aux candidats, mais pas systématiquement.