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Et maintenant, voilà les privatisations !
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Assurément, l’opération est de taille modeste et a été conduite prestement. Dans un premier communiqué de presse (on peut le télécharger ici), publié mardi en début d’après-midi, le ministère des finances a fait savoir que l’État avait engagé « la cession de 3,12 % du capital de Safran » auprès « d’investisseurs institutionnels ». « Au terme de ce placement, selon le nombre d’actions qui seront effectivement cédées, l’État restera le premier actionnaire de Safran, avec 27,08 % de son capital, ce qui lui permettra, grâce également au jeu des droits de vote doubles, de maintenir son influence identique au sein des organes de gouvernance de la société », affirmait encore le communiqué, avant d’apporter cette ultime précision : « Le produit de la cession de ces titres, qui sera versé sur le compte d’affectation spéciale des participations financières de l’État, servira à financer de nouveaux investissements productifs au service du redressement de notre économie nationale au travers, notamment, de dotations en fonds propres de la Banque publique d’investissement. »
Puis, mercredi matin, un second communiqué (on peut le télécharger ici : http://www.mediapart.fr/files/502.pdf) révélait que l’opération, à peine quelques heures plus tard, était déjà bouclée et qu'elle avait rapporté « à l’État 448,5 millions d’euros ».
Même si elle porte sur des montants qui ne sont pas importants, cette cession d’actifs publics – il ne s’agit pas à proprement parler d’une privatisation – prend cependant une grande importance. D’abord parce que c’est la première fois depuis le début du quinquennat, que l’État cède une participation qu’il détient dans une entreprise qu’il contrôle. Or, jusqu’à présent, François Hollande ne s’était jamais véritablement exprimé sur le sujet, ni pendant la campagne présidentielle ni depuis son élection.
On disposait, certes, de nombreuses indications laissant entendre que François Hollande ne rouvrirait pas le dossier des nationalisations : en 2011, puis au début de 2012, le candidat socialiste n’a jamais mêlé sa voix à celles des partisans d’un retour aux nationalisations. À l’époque, nul n’avait, à gauche, préconisé des nationalisations sur le modèle de celles de 1982. Mais beaucoup avaient suggéré, jusqu’à Jacques Julliard, une renationalisation, au moins partielle, des grandes banques, au cœur de la crise économique actuelle. François Hollande n’avait pourtant pas fait écho à cette suggestion. Mais il n’avait pas dit, pour autant, qu’il était, à l’opposé, partisan de reprendre les privatisations.
Les logiques boursières plutôt que les logiques industrielles
Nous voilà fixés : une privatisation, au moins partielle, n’est pas taboue ! Cela veut suggérer que l’État ne s’interdira pas d’autres opérations, ce que l’on confirmait d’ailleurs mercredi dans l’entourage du premier ministre. Et en particulier, l’opération sur Safran, qui est le plus vieux motoriste d’avion du monde et qui est impliqué dans de nombreux secteurs parmi lesquels l’aéronautique, l’aérospatial ou encore l’industrie de la défense, pourrait préfigurer un retrait de l’État d’EADS – qui intervient dans des secteurs en grande partie identique – pour le plus grand plaisir de certains des actionnaires du groupe européen. Cette mini-privatisation pourrait donc en cacher d’autres. Plus grosses…
En bref, l’opération Safran a valeur d’alerte : le gouvernement socialiste ne s’interdit pas de vendre les « bijoux de famille », comme on disait lors des controverses autour des premières privatisations, dans le milieu des années 1980 et dans les années 1990. Car, assurément, Safran est un « bijou » : une entreprise de haute technologie ultra-performante, qui fait partie des meilleurs actifs contrôlés par l’État.
Et c’est la seconde chose qui surprend dans cette opération. Alors que les socialistes ne cessent de chanter les louanges des hautes technologies et des industries d’avenir, ils vendent à l’encan un bout d’une entreprise qui incarne le mieux l’ambition qu’ils prétendent afficher. Et ils le font tout bonnement parce que l’action Safran a flambé en Bourse (environ +40 % en 2012). En clair, les socialistes avaient promis de lutter contre l’économie-casino et de promouvoir des logiques véritablement industrielles, et voilà – autre reniement – que la politique se fait à la Corbeille. Les logiques boursières l’emportent sur les logiques industrielles…
Cette mini-privatisation retient d’autant plus l’attention que, sous Lionel Jospin, de 1997 à 2002, le débat avait, cette fois encore, évolué d’une bien étrange manière. D’abord, le dirigeant socialiste avait juré ses grands dieux, avant les élections législatives, qu’il n’y aurait aucune privatisation, même partielle. Et dans le cas de France Télécom, il avait pris l’engagement solennel que l’entreprise resterait à « 100 % publique ». Et puis, on sait ce qu’il est advenu : dès le lendemain des élections législatives, Lionel Jospin a engagé la privatisation partielle de France Télécom. Et au total, de 1997 à 2002, il a privatisé plus que ne l’avait fait avant lui chacun de ses prédécesseurs. En forme d’ultime provocation, le ministre des finances de l’époque, Laurent Fabius, avait même lancé en février 2002, quelques semaines avant l’élection présidentielle, l’une des privatisations les plus sulfureuses, celle des autoroutes, que la droite avait ensuite mise en œuvre.
De cela, Lionel Jospin n’a, certes, jamais voulu convenir. Dans un livre publié en janvier 2010, Lionel raconte Jospin (Éditions du Seuil) (lire Lionel raconte (assez mal) Jospin), il énonçait cette contrevérité : « Il est absurde de dire que nous aurions privatisé plus que le gouvernement Chirac et jamais aucun chiffre n'a été apporté à l'appui de cette affabulation. »
Le Trésor aux commandes
Les chiffres sont pourtant du domaine public et ne sont pas contestables. Disponibles sur le site Internet de l’Agence des participations de l’État – on peut les télécharger : ICI –, ils font apparaître que le gouvernement de Lionel Jospin a bel et bien affiché un bilan de 26,9 milliards d'euros de privatisations entre 1997 et 2002, ce qu'aucun autre gouvernement n'a réalisé avant lui.
François Hollande va-t-il donc privatiser comme l’avait fait Lionel Jospin, c’est-à-dire sans l’afficher à l’avance ? Quoi qu’il en soit, l’opération apparaît étonnante également pour cette raison qu’une vente par petits paquets n’est jamais très avantageuse. Traditionnellement, la direction du Trésor y pousse, parce que les privatisations sont au cœur de sa culture. Et dans le cas présent, il ne faut pas négliger ce paramètre : ministre faible, sans conviction ni doctrine, Pierre Moscovici fait ordinairement ce que lui dicte soit l’Élysée soit son administration. Il se peut donc que cette privatisation ne soit que la conséquence de cette évanescence : c’est le Trésor et ses hauts fonctionnaires, pour beaucoup proches de l’UMP, qui commandent.
Enfin, cette opération surprend pour une ultime raison. La justification avancée est que les recettes ainsi dégagées par cette cession d’actifs serviront « à financer de nouveaux investissements productifs au service du redressement de notre économie nationale au travers, notamment, de dotations en fonds propres de la Banque publique d’investissement ». Cet argument fonctionne comme un révélateur.
Quand les contours de la future Banque publique d’investissement (BPI) ont été présentés, il a beaucoup été reproché à François Hollande de ne pas avoir tenu sa promesse (lire La Banque publique d’investissement coule avant même sa mise à l’eau et Les enjeux cachés du duel Moscovici-Montebourg). Et le grief qui a été fait au chef de l’État était de ne pas avoir créé véritablement une nouvelle banque, mais de s’être borné à créer un holding de tête regroupant des entités existant déjà (Oséo, CDC Entreprises, Fonds stratégique d’investissement), et avec une force de frappe financière trop limitée.
François Hollande comme Pierre Moscovici avaient balayé ces critiques, en faisant valoir que la BPI aurait amplement les moyens de financer les projets d’avenir qu’elle avait vocation à accompagner. Et que nous montre l'histoire Safran ? Que la BPI vient à peine de naître, et déjà, il faut que l’État vende des bijoux de famille pour la faire fonctionner ! Ce qui suggère que les critiques visant la banque étaient, en fait, très pertinentes.
Derrière cette privatisation riquiqui, il y a donc beaucoup d’aveux.




