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En Grande-Bretagne, l'UKIP profite du rejet des partis

Lien publiée le 4 mai 2013

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Le Monde) "Faites entrer les clowns !" C'est avec cette boutade que Nigel Farage a célébré son succès aux élections locales britanniques, dont les résultats ont été annoncés vendredi 3 mai. Le chef du United Kingdom Independence Party (UKIP), qui milite pour une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne (UE), tient sa revanche : en obtenant 23 % des voix, il a fait taire ceux qui estimaient que son parti était un ramassis de "clowns" et autres "cinglés". "C'est un tournant pour la politique britannique", a-t-il affirmé.

Certes, l'UKIP n'arrive qu'en troisième position, derrière les travaillistes (29 %) et les conservateurs (25 %). Les libéraux-démocrates, habituellement la troisième force du pays, sont relégués à 14 %. Mais le résultat n'en est pas moins un choc.

D'ordinaire, ce parti ne réalisait un bon score qu'une fois tous les cinq ans, lors des élections européennes, avant de retomber dans l'oubli. En réussissant à attirer des voix pour un autre scrutin, la formation devient une force politique de premier plan. Celle-ci n'est pas en position d'obtenir le pouvoir à court ou à moyen terme, mais elle peut désormais compter sur le début d'un réseau d'élus locaux, avec 147 nouveaux conseillers municipaux.

VOTE PROTESTATAIRE PLUTÔT QU'EUROPHOBIE

Cette percée semble davantage tenir du vote protestataire que d'une réelle poussée d'europhobie. Preuve en est le résultat des trois grands partis : pour la première fois de l'histoire britannique moderne, tous sont sous la barre des 30 %. Aucun n'a suscité d'enthousiasme. Le rejet de la politique traditionnelle semble profond.

Tous les éléments étaient réunis pour faire de ce scrutin un exutoire pour les Britanniques. D'abord, il ne s'agissait que d'élections locales partielles (environ un quart du territoire votait). L'enjeu était donc limité. De plus, le gouvernement de David Cameron est à mi-mandat : les élections générales n'auront lieu que dans deux ans.

Enfin, les soubresauts de la zone euro agissent comme un boulet pour l'économie britannique. Envoyer un message de rejet des grands partis était dès lors tentant pour les électeurs. Le charismatique M. Farage a su saisir l'occasion. Agé de 49 ans, le dirigeant de l'UKIP, amateur de bière, jovial, joue le rejet des élites. "J'ai travaillé pendant vingt ans, et j'ai eu une vraie vie avant la politique", lance-t-il à qui veut l'entendre.

Malin, il mène depuis des années une stratégie d'élargissement de son parti : outre la question européenne, il a développé d'autres thématiques, en particulier l'immigration. "Rien qu'en 2010, le Royaume-Uni a reçu plus d'immigrants qu'entre 1066 et 1950", répète-t-il à chacun de ses meetings, obtenant force applaudissements quand il agite le spectre d'une invasion de migrants venant de Roumanie et de Bulgarie, après l'ouverture des frontières en 2014.

"ENRAYER L'ARRIVÉE DES BULGARES ET DES ROUMAINS"

Du coup, ses électeurs vont au-delà de sa base traditionnelle de souverainistes de droite, à l'image de Paul McKnight. Lors d'un récent meeting électoral près de Newcastle, cet ancien mauvais garçon venu soutenir l'UKIP confiait qu'il était contre une sortie de l'Union européenne. "En revanche, il faut enrayer l'arrivée des Bulgares et des Roumains..."

Pour autant, ce n'est pas parce qu'il s'agit d'un vote de protestation que l'émergence de l'UKIP n'aura pas de répercussions politiques importantes. A l'annonce des résultats, l'aile droite du parti conservateur a commencé à paniquer, demandant à David Cameron un changement de cap.

Plusieurs voix ont réclamé que le référendum sur l'appartenance à l'UE, promis par le premier ministre britannique pour 2017, soit organisé avant les élections de 2015. La crainte est que le parti de M. Farage ne grignote juste assez de points sur la droite pour permettre aux travaillistes de remporter les élections.

M. Cameron rejette pour l'instant les demandes de son aile droite, mais la pression est forte. Selon Matthew Paris, ancien député conservateur aujourd'hui chroniqueur au Times, c'est exactement ce que vise M. Farage. Conscient qu'il ne peut pas obtenir le pouvoir, il chercherait à influencer les tories. M. Farage aurait alors réussi à imposer ses idées, à défaut de son parti.

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Les anti-européens de l'UKIP perturbent le jeu électoral britannique

South Shields (nord-est de l'Angleterre), envoyé spécial.

Les chefs des partis politiques traditionnels ont tout essayé : la dérision, l'ignorance, l'attaque... Rien n'y fait, le parti britannique anti-européen United Kingdom Independence Party (UKIP) a réussi à se placer au centre de l'échiquier politique pour les élections du jeudi 2 mai. Une série de municipales, essentiellement dans les campagnes anglaises (elles se déroulent par roulement annuel en Grande-Bretagne), ainsi qu'une législative partielle près de Newcastle étaient organisées. L'UKIP pourrait y réaliser l'une de ses plus importantes percées électorales. Un sondage lui donne 22 % dans les circonscriptions où se déroule le scrutin, où il n'avait obtenu que 5 % en 2008.

Epuisé après avoir effectué une tournée du pays au pas de course ces dernières semaines, dopé à l'adrénaline et à la pinte de bière, Nigel Farage, le chef de l'UKIP, ne cache pas ses ambitions : "J'ai beaucoup misé sur ces élections, confie-t-il au Monde. Leur résultat est très important pour la suite."

Jovial, très à l'aise dans les pubs et les réunions locales, Nigel Farage perturbe profondément le jeu politique britannique depuis six mois. Lors des cinq dernières élections législatives partielles, l'UKIP a décroché la deuxième ou la troisième place, frôlant même la victoire en février. Un événement pour un parti d'habitude quasiment absent, à l'exception des élections européennes, tous les cinq ans.

Pour comprendre ce succès, il faut voir Nigel Farage haranguer les cent cinquante spectateurs d'Armstrong Hall, une salle des fêtes au papier peint jauni et aux banquettes à fleurs dans la circonscription de South Shields, en banlieue de Newcastle. C'est un bastion travailliste depuis presque un siècle, où se déroule une élection législative partielle. Sans micro, débonnaire, drôle, il emporte sans effort une salle qui ne lui était pas entièrement acquise au début de son discours.

LES HOMMES POLITIQUES DE L'UKIP CARICATURÉS EN "COLLECTION DE CLOWNS"

Son message simple trouve un fort écho dans ce quartier très pauvre : le Royaume-Uni doit se retirer de l'Union européenne (UE) pour "retrouver sa souveraineté" ; l'immigration est hors de contrôle et il faut drastiquement la réduire ; mais d'abord, et surtout, les politiciens sont tous mauvais. "Ils pensent la même chose. Il n'y a pas l'épaisseur d'une feuille à cigarette entre eux", déclare Nigel Farage. Applaudissements nourris.

Ce rejet de la classe politique convainc aisément Wayne Monagan, tatouage au biceps, crâne rasé, chômeur de longue durée. "Les travaillistes n'ont jamais rien fait pour nous", déclare-t-il. Il a convaincu sa belle-soeur Lisa Hunter d'assister à ce meeting électoral. Elle aussi est au chômage depuis que le magasin où elle était vendeuse a fermé ses portes : "J'ai fait récemment une recherche des offres d'emploi à 7 km à la ronde. Il y en avait vingt-cinq, toutes catégories confondues." L'argument des immigrants qui prendraient son travail est pour elle une évidence.

Que l'UKIP grignote des voix sur le terrain des travaillistes plutôt que des conservateurs est nouveau. "Nous prenons 30 % de nos voix aux tories, 30 % aux libéraux-démocrates, 20 % aux travaillistes. Les 10 % restant viennent des abstentionnistes", affirme Nigel Farage.

Longtemps, le parti de ce populiste était caricaturé. Ken Clarke, ministre conservateur sans portefeuille, s'y est encore essayé la semaine dernière, parlant d'une "collection de clowns". Cette ligne d'attaque ne fonctionne plus, crise de la zone euro aidant. La promesse d'un référendum sur l'appartenance à l'UE, qui devait priver Nigel Farage d'arguments, l'a au contraire renforcée.

Néanmoins, ces élections ont forcé l'UKIP à s'exposer. Plusieurs de ses candidats se sont révélés racistes, proches de groupuscules d'extrême droite. L'une avait proféré des insultes antisémites, un autre a été pris en photo faisant ce qui ressemble à un salut hitlérien.

Tous ont été immédiatement suspendus, et Nigel Farage s'est excusé, affirmant que son parti connaît une simple crise de croissance et n'a pas eu le temps de vérifier tous ses candidats.

L'UKIP est en effet présent dans les trois quarts des circonscriptions pour ces élections, contre un quart seulement lors des élections municipales précédentes. Une preuve de plus qu'il faut désormais compter avec lui.