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L'ode de Hollande à Schröder
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Jeudi, le président de la République était à Leipzig pour célébrer le 150e anniversaire du parti social-démocrate allemand, le SPD. Il n’y est pas allé pour s’inviter dans la campagne législative allemande : le scrutin est prévu fin septembre et l’Élysée est convaincu qu’Angela Merkel reste la grande favorite, au mieux dans le cadre d’une grande coalition avec le SPD. La chancelière allemande était d’ailleurs présente à Leipzig.
« Cette cérémonie transcende les clivages politiques, les calculs électoraux et les frontières géographiques », a lancé en préambule le chef de l’État. Angela Merkel s’était pourtant engagée publiquement en faveur de Nicolas Sarkozy durant la campagne présidentielle.
François Hollande en a plutôt profité pour louer les mérites historiques de la social-démocratie allemande. Ce sont alors les exemples choisis et les noms cités qui révèlent l’imaginaire politique du président français. S’il s’est à nouveau dit « socialiste », c’était surtout pour ménager les militants de son propre parti. Mais il n’y a donné aucun contenu. Il a surtout cherché à montrer en quoi « socialiste » et « social-démocrate » étaient devenus très proches, quoiqu’en disent, d’un côté, l’aile gauche du PS ou, de l’autre, les éditorialistes parisiens convertis au social-libéralisme et qui appellent depuis des années à la conversion définitive de la gauche française.
C’est ainsi qu’il faut comprendre la référence, sulfureuse pour une partie du PS, au congrès de Bad-Godesberg, en 1959, au cours duquel le SPD rompit définitivement avec la lutte des classes et entama sa conversion au marché. « Que de fois, ai-je entendu en France, des esprits bien intentionnés me demandant de faire à mon tour une déclaration de Bad-Godesberg comme preuve de ma modernité, de mon réalisme, de mon réformisme ! Ils l'ont fait à chaque fois que les socialistes français sont venus aux responsabilités et, à chaque fois, les socialistes français ont démontré qu'ils étaient capables de partir du réel pour aller jusqu'au bout de leur idéal », a affirmé François Hollande, tout sourire.
Avant d’ajouter : « Je leur réponds que tout n'est pas transposable, que nos pays sont différents ; que nos cultures politiques, syndicales sont singulières. Mais je garde de la social-démocratie le sens du dialogue, la recherche du compromis et la synthèse permanente entre la performance économique et la justice sociale. » Une manière de dire – sans le dire – que le PS a depuis longtemps effectué sa mutation tout en refusant de copier intégralement la doctrine du SPD, plus centriste que le PS.
L'ode à Schröder
Mais François Hollande a été encore plus loin en rendant un hommage appuyé à l’ancien chancelier Gerhard Schröder, présent dans la salle. « Le progrès, c’est aussi de faire dans des moments difficiles des choix courageux pour préserver l’emploi et anticiper les mutations industrielles. Et c'est ce qu'a fait Gerhard Schröder et qui permet aujourd'hui à votre pays d'être en avance sur d'autres. Ces déicisions ne sont pas faciles à prendre, elles peuvent même faire surgir des controverses mais rien ne se construit, rien de solide ne se bâtit en ignorant le réel », a-t-il lancé devant une assemblée qui l'applaudit mais qui a dû, pour partie, avaler de travers.
Car le SPD, en campagne électorale, s’est depuis longtemps démarqué de l’instigateur des réformes dites Hartz IV (du nom de l’ancien DRH de Volkswagen dont le leader social-démocrate s’est en grande partie inspiré) qui, au début des années 2000, ont remis en cause l’État-Providence allemand (par exemple le système d’allocations chômage) et a libéralisé en profondeur le marché du travail. Ses effets sont aujourd’hui très contestés en Allemagne, où la précarité et la pauvreté ont explosé ces dernières années.
La référence à Schröder, qui n’était pas prévue dans la dernière version écrite du discours, est d’autant plus étonnante que François Hollande a lui-même souvent critiqué une partie du logiciel de l'ancien chancelier : il était premier secrétaire du PS quand Lionel Jospin, premier ministre, refusait la « troisième voie » prônée par Schröder et Tony Blair, alors locataire du 10 Downing Street.
Battu en 2005 après une série de débâcles électorales pour son parti, l’ancien chancelier a également suscité la polémique en entamant une nouvelle carrière de conseil auprès de grands groupes privés (notamment le russe Gazprom) et en soutenant plusieurs leaders de droite. Durant la présidentielle française, il avait ainsi clairement pris parti pour Nicolas Sarkozy.
Dans son discours, François Hollande a par ailleurs renoncé à citer deux des cofondateurs du SPD, marxistes revendiqués, August Bebel et Karl Liebknecht. Il s’est contenté de la référence, plus consensuelle, au socialiste Ferdinand Lassalle.