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    Tarnac : les juges impuissants face au secret défense

    Lien publiée le 19 juillet 2013

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    (Le Monde) Pour les juges d'instruction, c'est un mur infranchissable – le secret défense. Selon les informations du Monde, les derniers développements de deux "enquêtes sur l'enquête" de Tarnac (Corrèze) le prouvent une fois de plus : pas question pour eux de s'intéresser de trop près aux activités des services de renseignement français.

    L'un des avocats du "groupe de Tarnac", Me William Bourdon, pointe une "responsabilité politique" : "Le gouvernement pérennise une attitude qu'il condamnait lorsque ses membres étaient dans l'opposition." En septembre 2012, François Hollande assurait encore que, dans le cadre des enquêtes terroristes, "le secret ne devra s'appliquer que lorsque les intérêts fondamentaux de la nation sont menacés".

    Ici, les deux dossiers concernent des irrégularités supposées lors des investigations sur le groupe issu de la "mouvance anarcho-autonome" dont dix membres sont mis en examen pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste" depuis novembre 2008. A Brive-la-Gaillarde, une instruction a été ouverte en janvier 2012 pour "atteinte au secret des correspondances" et "atteinte à l'intimité de la vie privée". Le gérant du Magasin général de Tarnac avait découvert fortuitement un dispositif d'écoutes artisanales dès avril 2008. A Nanterre, une instruction pour "faux en écriture publique" a été ouverte en novembre 2011. Elle vise le procès-verbal de filature de Julien Coupat et de sa compagne, Yildune Lévy, durant la nuit des sabotages de lignes SNCF, du 7 au 8 novembre 2008.

    "UNE VRAIE-FAUSSE DÉCLASSIFICATION"

    Dans la première affaire, le service visé par la juge n'existe plus. Les investigations ont permis de remonter jusqu'à la direction centrale des renseignements généraux (DCRG), fusionnée en juillet 2008 avec la direction de la surveillance du territoire (DST) dans la nouvelle direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Pour vérifier la réalité d'une demande d'interceptions de sécurité (les écoutes dites "administratives" effectuées par les services de renseignement) et sa bonne justification, la juge d'instruction de Brive a donc réclamé une déclassification.

    Deux autorités étaient concernées : Matignon, qui centralise toutes les requêtes des services, et la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), chargée de donner son aval aux écoutes. Et une autre autorité administrative indépendante, la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) doit donner son avis sur la déclassification. La CCSDN a donné son accord, et la juge a donc reçu, fin mai, le bordereau de demande d'interception de sécurité, qui avait été déposé en urgence le 20 mars 2008.

    MOTIFS CENSURÉS

    Mais surprise, le motif détaillé de la demande et la justification de l'urgence ont été censurés. A la demande de la CCSDN, certes, mais celle-ci n'émet qu'un avis consultatif, comme son nom l'indique, et Jean-Marc Ayrault aurait pu passer outre. "C'est un monument d'hypocrisie, une vraie-fausse déclassification : le document reste classifié sur ce qui fait le coeur de la demande de la juge, c'est-à-dire les motifs", dénonce Me Bourdon. Avec les autres avocats, il envisage de protester officiellement auprès du premier ministre.

    Le peu qui est révélé apporte plus de question que de réponses. Ainsi, la loi prévoit cinq motifs pour les demandes d'interception de sécurité, dont la "prévention du terrorisme". Mais, étrangement, ce sont ici "la criminalité et la délinquance organisées" qui sont invoquées. Or il n'a jamais été question de tels faits dans l'affaire de Tarnac. De même, la DCRG a invoqué la procédure d'urgence – qui oblige la CNCIS à se prononcer en une heure –, mais a mis cinq jours, ensuite, pour faire poser le dispositif...

    UN PROCÈS-VERBAL CONTESTÉ

    Le deuxième dossier touche le cœur de l'affaire judiciaire. Les membres du "groupe de Tarnac" sont alors surveillés dans le cadre d'une enquête préliminaire. Dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008, les policiers de la sous-direction antiterroriste (SDAT) de la police judiciaire et leurs collègues de la DCRI prennent en filature Julien Coupat et Yildune Lévy, notamment en Seine-et-Marne, où a lieu le sabotage d'une ligne TGV. Un procès-verbal est rédigé par un lieutenant de la SDAT.

    La défense conteste la véracité du document et la présence même de certains policiers, qu'elle soupçonne d'avoir utilisé une balise illégale posée sur la voiture du couple. De fait, aucun des fonctionnaires présents n'a vu le sabotage lui-même, alors qu'ils étaient une vingtaine, selon eux. Après quelques péripéties judiciaires, la cour d'appel de Versailles a ordonné leur audition, notamment pour vérifier la réalité de leur présence en croisant leurs numéros de téléphone avec la liste du trafic téléphonique autour du lieu du sabotage.

    MÉMOIRE DÉFAILLANTE ET MAUVAISE FOI

    Douze policiers de la DCRI ont donc été entendus anonymement, leur service étant couvert par le secret défense. Mais ils ont refusé de répondre, s'abritant derrière une mémoire défaillante et le sacro-saint secret. Pour eux, tout pourrait "compromettre le secret de leur identité" : de leur numéro de téléphone de l'époque au nombre de personnes dans chaque voiture, en passant par l'utilisation d'un dispositif de vision nocturne.

    L'Inspection générale de la police nationale (IGPN) ne leur a pas demandé le temps qu'il faisait, mais on peut imaginer quelle aurait été leur réponse. "Se cacher derrière le secret défense, c'est ce qu'il y a de plus facile, ils l'utilisent comme une arme pour éviter toute mise en cause, estime Me Marie Dosé, autre avocate du groupe. Le secret défense devient, dans ce type de dossier, le principal obstacle à la manifestation de la vérité."

    La mauvaise foi policière fait le reste. La SDAT assure qu'elle a perdu la liste du trafic téléphonique. Et ses policiers refusent de donner leur numéro de l'époque. "Je suis père de famille et je ne veux que protéger les miens", explique l'un d'eux, qui reconnaît pourtant qu'il a changé de ligne depuis. Le deuxième et le troisième ne se souviennent plus de leur numéro. Ça tombe mal.