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    Crise : les banques reviennent sur le devant de la scène

    Lien publiée le 2 août 2013

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    (Mediapart) À la mine embarrassée qu’affichent les banquiers centraux depuis quelque temps, il est évident que quelque chose ne tourne pas rond. Dans leurs conférences de presse, les présidents évoquent régulièrement les problèmes de transmission monétaire, déplorent la stagnation ou la baisse de distribution de crédits, la faible voire l’inexistence de la reprise économique. Derrière ces mots codés, une réalité affleure : leurs stratégies ne fonctionnent pas comme prévu. La réparation du système financier est bien plus compliquée qu’ils ne l’avaient anticipé.

    La Réserve fédérale (Fed) a beau déverser 85 milliards de dollars par mois et consentir des taux à zéro, l’économie américaine avance toujours au ralenti. La banque du Japon, dans une tentative désespérée pour sortir d’une déflation de vingt ans, distribue de l’argent à tout-va mais la production industrielle est en baisse en juin – à son plus bas niveau de l’accident de Fukushima – et la consommation intérieure chute. La banque centrale d’Angleterre met aussi beaucoup d’argent sur la table mais l’économie britannique est toujours aussi anémique. Quant à la banque centrale européenne (BCE), elle a officiellement une politique beaucoup plus rigoriste, imposant aux États austérité, réduction des déficits et réformes structurelles. Néanmoins, elle sait se montrer très compréhensive avec les banques, leur accordant 1 000 milliards de prêts à taux zéro sur trois ans (programme LTRO) et toutes les facilités pour obtenir les liquidités voulues.

    Toutes les banques centrales avaient fait le même calcul. Elles comptaient sur les montagnes de liquidités qu’elles accordaient et sur le facteur temps pour aider les banques à réparer leur bilan et à reprendre leurs fonctions de financement de l’économie. Erreur ! « Avec plus de 20 000 milliards de dollars d’actifs, le bilan des banques centrales a plus que doublé par rapport à 2007 », rappelle Stephen Cecchetti, chef économique du département monétaire et économique de la Banque des règlements internationaux. Mais tout cet argent déversé dans un système déjà gorgé de liquidités factices sert tout juste à alimenter la formation de nouvelles bulles spéculatives sur les marchés boursiers et obligataires, et n’est pas utilisé pour relancer la machine économique.

    Le résultat de cette politique commence à apparaître : cinq ans après le début de la crise, les banques ne sont toujours pas parvenues à nettoyer leur bilan et à effacer les traces des excès passés. « Un scénario particulièrement inquiétant pour la zone euro est lié à la possibilité que les efforts du secteur bancaire pour réduire son endettement et restructurer les bilans ne soient pas encore achevés », a déclaré, avec un art consommé de l’euphémisme, Benoît Cœuré, membre du directoire de la BCE, en évoquant le risque d’une décennie perdue, lors d’un forum, le 5 juillet.

    Il s’agit plus que d’un scénario. Après avoir réussi à se faire oublier, en nourrissant en continu un argumentaire contre les États dispendieux, croulant sous les dettes pour avoir voulu les sauver, les banques reviennent sur le devant de la scène (et de la crise). Un sentiment d’urgence semble même s’installer chez les banquiers. Ils ne parlent plus que de réduction des coûts, de capital, de diminution des effets de levier, de vente de filiales ou d’actifs, de provisions pour effacer leurs frasques passées.

    Le 30 juillet, la direction de Barclay’s – qui avait évité de peu la nationalisation en 2008 en montant une augmentation de capital arrangée avec le Qatar – a ainsi annoncé qu’elle allait procéder à une augmentation de capital de 5,8 milliards de livres (6,6 milliards d’euros) et à une émission obligataire de 2 milliards de livres afin de renforcer son bilan. Ces opérations, a reconnu la banque britannique, lui ont été imposées par l’autorité de régulation prudentielle qui a estimé que Barclays avait un trou de 12,8 milliards de livres (14,7 milliards d’euros) dans son bilan, compte tenu de ses engagements ! Parallèlement, la banque a aussi promis de diminuer son bilan de 65 à 80 milliards de livres pour le ramener à 1 500 milliards de livres (1 727 milliards d’euros). Cela donne l’ampleur des positions de la banque et relativise la cure d’amaigrissement.

    Au même moment, la Deutsche Bank, un des géants bancaires européens, présentait des résultats en forte baisse, en invoquant à la fois une baisse des performances de son département “dérivés” et surtout une augmentation des provisions de 630 millions d’euros portant le total à 3 milliards pour couvrir des procès en cours. En effet, la banque allemande fait l’objet de plusieurs enquêtes judiciaires, notamment sur son rôle dans les subprime aux États-Unis, mais aussi dans une vaste fraude fiscale sur les droits d’émissions du CO2 en Europe, sans parler du scandale du Libor.

    La direction de la banque s’est aussi engagée à diminuer de 12 % son bilan d’ici à 2015 afin de le conforter et de ramener ses effets de levier à des proportions plus raisonnables. La banque allemande a encore beaucoup de chemin à faire. Comme le souligne Stephen Cecchetti, elle affichait un effet de levier supérieur à 50 en 2007, bien au-delà de toutes les autres grandes banques internationales (voir graphique). En 2013, il se situe encore au-delà des 30. Premier acteur sur les marchés des dérivés, la banque, selon des chiffres répandus dans la communauté financière, détient en outre des portefeuilles totalisant plus de 55 000 milliards de dollars d’expositions. Certains analystes la considèrent comme une bombe atomique dans le système financier international.

    Des produits toxiques à profusion

    Ces seuls chiffres n’illustrent que très partiellement la situation du système financier. Selon Les Échos, plus de 1 000 milliards d’actifs douteux ou illiquides restent stockés dans les bad bank, lesquels avaient été mis en place dans toute l’Europe pour aider les banques après le début de la crise financière. Dexia a elle seule porte plus de 266 milliards d’actifs toxiques ou plombés, dont l’extinction devrait durer jusqu’en 2075 au moins. Et il y a tout le reste, tout ce que les banques n’ont pas dit, ont caché au détour d’un montage ou d’une ligne comptable, ont soigneusement mis à l’écart dans quelque hors-bilan ou filiale de l’ombre, rattachée au système financier parallèle et sans contrôle qui prospère depuis le début de la crise. Et là, personne ne sait donner le début d’un chiffre.

    Car c’est une autre conséquence de la gestion de la crise financière, telle qu’elle a été conduite par les dirigeants politiques sous influence des lobbies bancaires et financiers. Cinq ans après, en dépit des fameux stress tests, des contrôles des autorités de régulation, tout le monde est dans l’incapacité de dire ce que recèlent encore les banques, les risques auxquels elles sont exposées, les bombes à retardement qui pourraient être cachées. Car personne ne les a obligées à faire la transparence sur leurs comptes et à dire vraiment ce qu’elles cachaient.

    L’aveu de cette impuissance a été fait par l’autorité suprême du système financier, le fameux comité de Bâle, émanation de la banque des règlements internationaux, qui fixe les ratios et les normes prudentielles pour l’ensemble des banques internationales. Dans une étude publiée début juillet, le comité de Bâle raconte qu’il a mené une comparaison entre les différentes banques internationales sur l’appréhension, l’évaluation et la comptabilisation de leurs risques, en fonction des critères imposés par les normes prudentielles, les règles de comptabilité du pays, et aussi des usages maison. Et là, surprise ! Le risque pour un même portefeuille type varie du simple au double, selon les banques. Autant dire que l’on n’y voit goutte. C’est d’ailleurs ce que dit en termes plus policés le comité de Bâle.

    Il faut que la situation devienne désespérée, que les banques vaquent comme des zombies, et que le crédit s’effondre comme en Italie, pour que le régulateur commence à exiger des comptes. Prise de court par la faillite de Monte dei Paschi, la plus vieille banque européenne, qui a explosé en vol à la suite d’aventures sur les dérivés, ignorant la situation véritable des autres établissements de la péninsule, la banque d’Italie a entrepris un examen approfondi des huit plus grandes banques, selon des documents internes révélés par le Wall Street Journal. Les doutes sur leur état de santé grandissent au fur et à mesure que la récession se poursuit. Les ménages ont de plus en plus de mal à payer leur crédit immobilier ou à la consommation, les entreprises font faillite et les banques voient la qualité de leurs créances s’effondrer. En mars 2013, les crédits douteux étaient officiellement estimés à 249 milliards d’euros, soit 14,2 % du total. Fin 2010, ils s’élevaient à 157 milliards, soit 8,9 % du total. Et ce ne sont que des chiffres officiels.

    Selon les résultats, la banque d’Italie envisage d’imposer de nouvelles cessions importantes ou de nouvelles augmentations de capital. Si l'on en croit les rumeurs, les banques italiennes auraient besoin d’une bonne dizaine de milliards d’euros de recapitalisation. C’est le montant qui est aussi donné pour les banques espagnoles. Les recapitalisations massives (60 milliards d’euros), les nationalisations de certaines banques, et la création d’une bad bank publique pour prendre en charge les actifs toxiques du système bancaire espagnol, le tout payé par les contribuables, n’ont pas suffi pour mettre un terme aux difficultés du système bancaire. Là encore, le cycle récession/ austérité alimente la dégradation de la situation, les bonnes créances devenant mauvaises au fur et à mesure que l’économie espagnole plonge.

    Dans ce marasme, il n’y a que les banques françaises qui maintiennent contre vent et marée la fiction du modèle français à toute épreuve. En présentant ses résultats, le 31 juillet, BNP Paribas a assuré que la banque était à peine touchée par la récession en Europe. Tout va bien pour elle en France, en Belgique et même en Italie, où, selon ses propos, « la situation pourrait être pire ». La banque a dévoilé ses nouvelles ambitions d’expansion, notamment dans la gestion d’actifs, métier très rémunérateur en ce moment, selon elle. En Allemagne, BNP Paribas prévoit de recruter 500 personnes pour y développer ce métier. Et elle a les mêmes ambitions en Asie. Côté cour, cependant, la première banque française n’est pas la dernière à militer pour un assouplissement, voire un report aux calendes grecques, des normes bancaires que souhaite imposer le comité de Bâle, ou à réclamer de nouvelles facilités au gouvernement, comme l’accès aux ressources du livret A. Mais bien sûr, tout cela au nom du financement de l’économie.

    « Les banques européennes doivent d’urgence se recapitaliser », avait averti le FMI voilà plus de deux ans. Depuis, rien n’a été fait. Les banquiers, avec la complicité des dirigeants politiques, se sont empressés de mettre tous les problèmes sous le tapis. Mais alors que la récession perdure, leur volume ne cesse de grossir et bientôt ne pourra plus être caché. L’addition ne cesse de s’allonger. Les analystes évaluent en centaine de milliards d’euros les besoins des banques européennes, sans compter la disparition d’un certain nombre d’établissements. Et les banques américaines ne sont guère en meilleur état, en dépit des apparences. Grâce à leur créativité comptable, elles sont parvenues à masquer d’immenses risques dans le hors-bilan ou des entités à part (special vehicules purposes). Mais les risques sont toujours là. Et l’aventure des subprime a prouvé qu’à un moment, il faut les assumer. Jusqu’alors, les banques ont réussi à différer ce moment. Mais jusqu’à quand ?