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Total veut délocaliser sa trésorerie à Londres
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Total projette de délocaliser les 60 personnes qui gèrent sa trésorerie et la dizaine de personnes qui s'occupent de la communication financière à Londres, où il a déjà installé son département de trading pétrolier. Le gouvernement aurait été informé de ce projet.
Officiellement, le groupe pétrolier entend grâce à ce déménagement se rapprocher de ses partenaires financiers. En dépit de tous les moyens modernes de communication, il estime avoir besoin d'être sur place pour rencontrer les analystes financiers qui connaissent les valeurs pétrolières et les responsables financiers qui puissent l'accompagner. Malgré sa taille – Total est le cinquième groupe pétrolier mondial –, il juge que rester à Paris n'est plus adapté. « Le groupe a besoin de confirmer son image internationale. Londres est la seule place pétrolière et financière qui permet de nous donner une visibilité », assure-t-on dans le groupe.
Même si ce déménagement ne concerne que 70 personnes dans un groupe qui compte plus de 100 000 salariés, Total ne peut en ignorer la portée symbolique. La trésorerie d'un groupe est son système nerveux. C'est là que sont gérées au jour le jour toutes les opérations, par où transitent tous les moyens financiers, où sont suivis tous les risques. Celle de Total voit transiter des dizaines de milliards de dollars chaque année. La trésorerie disponible du groupe s'élevait à 13 milliards de dollars, à la fin du premier semestre 2013. La séparer de la direction générale est donc lourd de sens, et pourrait être annonciateur d'autres déménagements.
Total cherche à minimiser le risque. « Il ne s'agit que d'un transfert très ciblé. Le directeur de la trésorerie [Humbert de Wendel, ndlr] sera le seul à s'installer à Londres. Le directeur financier [Patrick de La Chevardière, ndlr] reste à Paris. Tout le comité exécutif reste à Paris. C'est le seul département appelé à bouger. Il n'y en aura pas d'autres », explique la porte-parole de Total.
Après l'annonce, par François Hollande en campagne, d'une fiscalité de 75 % sur les hauts revenus, le monde patronal avait agité l'épouvantail de départs massifs à l'étranger. L'Association française des entreprises privées (AFEP), dont le président de Total, Christophe de Margerie, est un membre actif, avait assuré que la mesure ne pouvait conduire qu'à la délocalisation des sièges et de toutes le structures opérationnelles, les groupes ne gardant à Paris qu'une présence symbolique. Après avoir été invalidée par le Conseil constitutionnel, la mesure a depuis été considérablement corrigée : la taxe sur les hauts revenus supérieurs à un million d'euros est devenue temporaire et est payée directement par les entreprises.
Total assure que son projet de déménager sa trésorerie à Londres ne s'inscrit pas du tout dans ce cadre. « Ce déménagement n'aura aucune incidence financière et fiscale », indique le groupe pétrolier.
Selon nos informations, le groupe aurait cependant négocié avec le gouvernement britannique certains avantages fiscaux. Total n'a pu nous confirmer (ou infirmer) cette information. La fiscalité des entreprises est beaucoup plus faible en Grande-Bretagne (20 % d'impôt sur les bénéfices). Mais le groupe pétrolier, s'il acquitte des impôts fonciers et sur les dividendes en France, n'a pas à se plaindre d'être en France : même s'il a renoncé à sa niche fiscale de l'impôt mondial consolidé, ce qui lui a permis de ne pas payer d'impôt sur les bénéfices en France pendant des années, le montant de ses impôts est assez mesuré.
Si la seule justification de ce mouvement, comme le soutient Total, est d'avoir une meilleure visibilité boursière et de meilleurs services financiers, ce déménagement constitue alors un sérieux désaveu pour les banquiers français. Car ce sont eux qui ont la responsabilité depuis plus de vingt ans d'assurer, comme ils le disent, « le rayonnement de la place de Paris ». De la délocalisation de leurs services boursiers et financiers à Londres à la vente de leurs parts de la société de bourse de Paris au Nyse (la société de bourse new-yorkaise), leur politique aboutit à un seul résultat tangible : Paris est devenu une place de province.