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"Sudiste" et "nordiste", les deux électorats du FN

Lien publiée le 7 août 2013

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Le Monde) Le Front national a plusieurs visages. C'est ce que confirme une étude de l'IFOP pour Le Monde qui a radiographié les électorats du Sud-Est et du Nord-Est du parti d'extrême droite. Il en sort que l'électeur frontiste "sudiste" a un tropisme plus droitier quand le "nordiste" est, lui, plus social. Des électorats qui ne sont pas opposés, mais complémentaires, et qui permettent au FN de parler à un très large spectre électoral.

Parmi l'échantillon représentatif des 6 000 électeurs interrogés par Internet entre mai et juillet, l'Institut a filtré les électeurs de Marine Le Pen pour faire ressortir deux blocs régionaux : le Sud-Est (Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte d'Azur) et le Nord et l'Est (Nord-Pas-de-Calais; Picardie ; Haute-Normandie ; Champagne-Ardenne et Lorraine).

C'est dans ces territoires que le FN est implanté, qu'il a ses élus et que les perspectives de victoires électorales sont les plus fortes. Ce sont aussi les terres de ses principaux leaders : Marine Le Pen est élue régionale du Nord-Pas-de-Calais, Jean-Marie Le Pen est, lui, élu en Provence-Alpes-Côte d'Azur et Marion Maréchal-Le Pen est députée du Vaucluse.

"DIFFÉRENCES SUR L'ÉCONOMIE ET LE SOCIAL"

Le premier enseignement est que les fondamentaux du parti d'extrême droite agissent comme un véritable ciment des différents électorats du FN. Ainsi, qu'il s'agisse du Nord-Est ou du Sud-Est, "il y a une très grande homogénéité des points de vue sur la dénonciation de l'assistanat, de l'insécurité et de la mondialisation", note Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l'IFOP.

Dans le Nord comme dans le Sud, 65 % des électeurs FN interrogés estiment que "les chômeurs pourraient travailler plus s'ils le voulaient" ; 85 % des électeurs "sudistes" et 87 % des "nordistes" estiment que l'on "ne se sent plus en sécurité nulle part" ; 83 % des électeurs FN du Sud-Est et 82 % de ceux du Nord-Est pensent que "la France devrait se protéger davantage". Quant à l'immigration, c'est encore plus flagrant : 97 % des électeurs méditerranéens et 95 % de ceux du quart nord-est adhèrent ainsi à l'idée qu'"il y a trop d'immigrés en France".

Ces convergences cohabitent toutefois avec de vrais clivages concernant les politiques économiques et sociales. "L'immigration agrège des électeurs qui ne voteraient pas pour le même parti. On le voit avec les différences sur l'économie et le social", note M. Fourquet.

La principale différence entre les électorats du Sud-Est et du Nord-Est réside dans les questions économiques, notamment fiscales. Sans réelle surprise, les "sudistes" apparaissent donc plus conformes à ce que fut le FN de Jean-Marie Le Pen : poujadiste, contre "la pression fiscale" et en défense des petits commerçants et artisans. Les "nordistes", sont quant à eux, plus sensibles aux arguments "sociaux" développés par Mme Le Pen.

"VRAIE DIFFÉRENCE ENTRE LES DEUX ÉLECTORATS"

La question du niveau d'imposition des personnes les plus riches en est l'illustration. "Cela laisse apparaître une vraie différence de nature entre les deux électorats", souligne l'étude. 60 % des frontistes méridionaux estiment que "le niveau de fiscalité payé par les personnes plus riches est trop élevé", quand seulement 37 % des "nordistes" partagent cette opinion. A l'inverse, 42 % des électeurs lepénistes du Nord-Est jugent que "le niveau de fiscalité payé par les personnes plus riches n'est pas assez élevé, ce qui ne permet pas de corriger les inégalités". 22 % des "sudistes" sont de cet avis.

Si les questions économiques et sociales sont appréhendées de manière différente par ces deux électorats, c'est que leur composition sociologique n'est pas la même. L'électorat frontiste du Nord-Est est celui où les catégories populaires sont le plus représentées : il compte 50 % d'ouvriers et d'employés. Au contraire, dans le sud de la France, la proportion de milieux populaires est la plus faible. Ces catégories ne représentent que 36 % de l'électorat méridional contre 45 % pour l'ensemble de l'électorat frontiste.

En revanche, bien que minoritaires, les retraités et les CSP + et indépendants (agriculteurs, commerçants, artisans, chefs d'entreprise, professions libérales et cadres supérieurs) sont nettement surreprésentés dans le Sud (38 %) par rapport à ce que l'on observe dans le quart nord-est (23 %) ou au niveau national (30 %).

NÉCESSITÉ DE "PARLER À TOUT LE MONDE"

Ces électorats, non pas opposés mais différents et complémentaires, sont, pour l'instant, une chance pour le FN, qui parvient donc à s'adresser à un large champ d'électeurs. Le débat sur le mariage homosexuel a illustré cette réalité multiple du "frontisme". D'un côté Marine Le Pen – qui est opposée au mariage pour les personnes de même sexe – n'a pas souhaité participer aux manifestations organisées par la Manif pour tous. De l'autre, Marion Maréchal-Le Pen, implantée dans le Sud-Est, était de tous les défilés.

Une différence de degré dans l'opposition à la loi qui se vérifie dans les différents électorats, puisque 76 % des "sudistes" sont opposés à la loi Taubira, contre 65 % chez les "nordistes", terre d'ancrage de Marine Le Pen. Le FN justifiait ces divergences en mettant en avant la nécessité de "parler à tout le monde".

Les différences se sont aussi cristallisées lors de la présidentielle de 2012. Dans le Sud-Est, 59 % des électeurs de Mme Le Pen se sont reportés sur Nicolas Sarkozy, contre 42 % dans le Nord-Est, où l'on s'est davantage abstenu. 38 % des électeurs "nordistes" ont boudé les urnes, lors du second tour de l'élection présidentielle contre 26 % des "sudistes". Enfin, ils étaient plus nombreux, dans le Nord, à se reporter sur François Hollande (20 % contre 15 % dans le Sud).

"C'est une question de dosage pour Marine Le Pen, analyse Jérôme Fourquet. Elle peut élargir son discours à des thèmes sociaux mais ne doit pas aller trop loin au risque de perdre une partie de son électorat sudiste. Que se passerait-il si un Nicolas Sarkozy revenait avec à la fois une ligne droitière tout en maintenant des propositions libérales ? Pour tenir l'ensemble de son électorat, Marine Le Pen doit toujours revenir au socle commun, à savoir les questions d'immigration."