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Canard enchaîné : ces patrons qui mettent la main à la poche...

Lien publiée le 24 octobre 2013

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Canard enchaîné) Financement de mouvements spontanés, de cours de communication, de pages de pub, de conseils d’avocats… Patrons bricoleurs et parfumeurs ne sont pas des lobbyistes du dimanche.

QUI a dit que la France était en retard en matière de dialogue social ? Depuis que certains veulent faire du dimanche un lundi et du week-end la semaine, il n’y a pas que le calendrier qui est cul par-dessus tête. Les rapports dans l’entreprise aussi.

Rapace et rapiat quand les salariés réclament une augmentation, le patronat n’hésite pas à banquer pour soutenir les revendications dominicales de certains. Une vraie révolution dans la lutte des classes que vient de déclencher le monde du bricolage via deux enseignes phares pourtant concurrentes : Leroy Merlin, propriété de la famille Mulliez, et Castorama, filiale du groupe british Kingfisher.

Pour résister à Bricorama, qui voulait les obliger, en novembre 2012, à fermer leurs magasins en Ile-de-France le dimanche, les deux chaînes ont ourdi leur contre-attaque. Et encouragé, en dépit de leur rivalité, leurs salariés à se regrouper dans une coordination tout à fait spontanée.

C’est ainsi que sont nés les Bricoleurs du dimanche, qui, depuis des semaines, manifestent contre le jugement du tribunal de commerce de Bobigny, obligeant Leroy Merlin et Castorama à fermer - le jour du Seigneur 
- quinze magasins en région parisienne.

La base et le gratin

Les Bricoleurs ont défilé, le 2 octobre, devant Matignon avec du matériel premier choix : des banderoles de belle facture, c’est bien le moins, et, surtout, un beau slogan, « Yes weekend  », dans des couleurs évocatrices de révolutions plus ou moins pacifistes 
- orange et rouge. Sans oublier un emblème (un pinceau dans un poing levé), soit un sacré ripolinage de la faucille et du marteau du temps jadis. A se demander où ils sont allés chercher tout ça…

C’est simple : auprès d’une agence de communication qui avait l’habitude de travailler avec Leroy Merlin. Les Ateliers Corporate, dirigés par un ancien de Publicis, sont payés, depuis décembre, par la direction des deux entreprises pour assister les salariés en lutte.

Combien ? La direction de Leroy Merlin est aux abonnés absents, comme si elle ne boulonnait pas plus la semaine que le dimanche sur le sujet. Castorama est plus accueillant mais ne communique pas de chiffres, et Stéphane Attal, le directeur adjoint des Ateliers Corporate, a horreur de parler d’argent. « Je ne vous dirai pas combien je suis payé.

Ca ne nous plaît pas qu’on parle de nous, ça détourne de l’intérêt de l’action des travailleurs », dit-il. Ce grand pudique d’Attal reconnaît quand même qu’il « coordonne les actions des salariés, qui ne sont pas forcément de grands communicants ».

Mais, attention, son rôle est celui d’un accoucheur, pas d’un meneur : « On les a fait travailler, et ils ont choisi leurs slogans. Ils ont tout trouvé, on les a simplement aidés, en les faisant réfléchir. » En s’inspirant d’Obama, par exemple, un bricoleur américain de génie qui travaille à la Maison- Blanche. Et pourquoi pas de Hollande et de sa boîte à outils…

Les porte-parole du mouvement, un pour Leroy Merlin, un pour Casto, se sont aussi fait offrir des séances de « médiatraining » pour porter la bonne parole auprès des médias. Et la coordination possède sa page « Facebook  », comme son adresse « Twitter  », ces deux incontournables de la communication moderne. Une communication à la pointe, très pro, peut-être trop. Attal prend du recul.

« Une communication trop bien léchée, c’est peut-être une erreur », puisque ça donne du grain à moudre aux syndicats, qui critiquent cette alliance, contre nature, de la base et du gratin.

Une militante UMP au parfum

« Un chef de rayon n’a pas accès aux agences de com’, se défend Emily, responsable du rayon décoration intérieure à Castorama et porte ; parole des Bricoleurs. On a des intérêts communs avec la direction, mais on est chacun dans son coin. Elle n’assiste pas à nos réunions. On avait besoin d’un soutien financier, ils n’ont jamais dit non. »

Chez Casto, y a vraiment tout ce qu’il faut pour le salarié du dimanche… Idem chez le parfumeur Sephora, mais, cette fois, pour le salarié du soir qui veut pouvoir bosser tranquille jusqu’à minuit aux Champs- Elysées. Le groupe, filiale de LVMH, a gentiment mis à la disposition de ses employés en lutte sa direction de la communication interne.

« On ne peut pas écrire des discours pour les gens, ça se sait un jour ou l’autre, mais ils ont pu m’appeler. Le seul rôle que je peux avoir, c’est de les rassurer », explique Delphine Bouchez, sa chef. Sephora a aussi eu la chance de tomber sur des salariés aguerris à la prise de parole, comme Marie-Cécile Cerruti, employée des Champs-Elysées et invitée au « Grand Journal » de Canal Plus, qui s’est révélée être une militante UMP.

« On l’a découvert par hasard, on n’était pas super contents, mais c’est sa vie privée », se défend l’enseigne. Sephora a aussi dépêché son équipe spécialisée dans l’achat d’espace. De pleines pages de publicité (environ 80 000 euros chacune) ont été achetées dans la presse et payées par la direction. Les salariés ont une avocate pour les défendre, également rétribuée par la boîte, qui a elle-même pour conseil le cabinet Jeantet.

Enfin, Michel Calzaroni, as de la com’ qui supervise celle de Bernard Arnault et de LVMH, est aussi dans le coup. C’est ainsi que la lutte des classes se refait une beauté chez Sephora.

De la pure cosmétique, sans doute, mais bien bricolée par des directions d’entreprises qui ont su mettre leurs salariés au parfum nouveau de la cogestion des conflits. ■

par Jean-Michel Thénard