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La grosse colère des profs de prépas

éducation

Lien publiée le 29 novembre 2013

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Le Monde) Assemblées générales, plus de 21 000 signatures sur une pétition, actions spectaculaires, suppression des devoirs surveillés ou rétention des notes… Les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) sont en ébullition depuis que Vincent Peillon veut leur reprendre des moyens pour les distribuer aux zones d'éducation prioritaires (ZEP). Le ministre de l'éducation nationale entend modifierle temps de travail et la rémunération de ces enseignants à qui on confie l'élite du pays. Les décisions seront prises la semaine prochaine. En réponse, fait exceptionnel, un préavis de grève a été déposé pour le 9 décembre.

Si Sophie Malick-Prunier fait grève, ce sera la première fois de sa carrière. A 37 ans, l'agrégée de lettres classiques, qui enseigne en « prépa » dans le prestigieux lycée parisien Henri-IV, se sent blessée. « Mon métier est une passion. Mais je ressens comme une agression qu'on veuille nous reprendre une part de notre statut », martèle-t-elle entre la correction de deux copies.

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Face à ses 42 000 euros annuels de revenu, elle aligne ses heures de travail. « Tous les jours du matin au soir, sauf le dimanche. Je m'arrête en août, mais je passe une bonne partie de mes vacances au travail. » Mercredi, elle mettait la dernière main à un cours sur la métaphore chez Proust (six heures de travail pour une heure de présentation), avant d'entamer la correction de dissertations. A raison d'une demi-heure par élève, le travail est titanesque. « J'ai 180 étudiants pour un service de 9 heures hebdomadaires. Je fais peu de colles par manque de temps. Alors j'en confie à un collègue du secondaire qui complète ainsi son salaire. » La colle fait partie du monde des CPGE ; c'est là que l'élève s'entraîne à l'oral des concours aux grandes écoles.

Sophie Malick est agrégée, échelon 8. Un cas particulier ? Comme les quelque 6 000 enseignants qui exercent dans les classes prépas littéraires, économiques ou scientifiques. Il n'y a pas deux situations qui se ressemblent, même si le distinguo entre sciences et lettres est bien réel. Le fait que les programmes ne changent pas chaque année en sciences et maths, alors qu'ils sont renouvelés chaque année en lettres, sciences humaines et économie permet aux scientifiques deprendre plus d'heures supplémentaires et de colles.

« L'an dernier, j'étais remplaçant à Paris. J'ai repris au pied levé des postes de collègues qui assuraient cinq heures supplémentaires, d'autres qui faisaient plusieurs heures de colle par jour », raconte un professeur de mathématiques« En sciences, on prend trois élèves ensemble pour une colle », ajoute-t-il, reconnaissant du même coup être payé trois fois plus qu'un prof de lettres qui n'en prend qu'un à la fois ! On perçoit pourquoi la vie n'est pas la même pour tous les professeurs de prépa. « Entre les jeunes et les fins de carrière, il y a d'énormes écarts de salaire ; entre les enseignants en sciences et dans les disciplines littéraires aussi », confirme François Portzer, le secrétaire général du Snalc, syndicat qui, avec le SNES-FSU, se partage les quelques syndiqués des CPGE.

« DÉMAGOGIE LAMENTABLE »

Si les agrégés du secondaire doivent passer chaque semaine quinze heures devant les élèves, en CPGE, un service varie entre huit et onze heures en fonction du nombre d'élèves et de l'affectation en 1re ou 2e année. Heures supplémentaires et colles sont imposées certes, mais payées en plus. C'est ce qui conduit à un net mensuel moyen de 4 800 euros, dont 900 proviennent des heures supplémentaires (88 % en effectuent). Les 2 000 professeurs de chaires supérieures – le plus haut grade – gagnent, eux, 5 700 euros nets mensuels en moyenne, mais ce salaire peut grimper en fin de carrière jusqu'à 9 800 euros mensuels (dont 4 000 euros d'heures supplémentaires). Ils ne sont que quelques-uns à atteindre ces sommes, mais en travaillant à partir des traitements versés en 2011, la Cour des comptes a bien trouvé un enseignant de Versailles ayant gagné 107 000 euros nets annuels.

Vincent Peillon veut lisser ces différences qui laissent le certifié loin derrière avec ses 3 500 euros moyens en fin de carrière. Il prévoit que tous les enseignants de CPGE passent à dix heures de cours ; ce qui en amènerait 5 000 d'entre eux àtravailler plus sans contrepartie, ou à gagner moins. La baisse serait de 10 % à 20 %, selon les syndicats. « En moyenne 4 000 euros par an pour les scientifiques. La fourchette va de 1 000 à 10 000 euros », soutient Sylvie Bonnet, présidente de l'Union des professeurs de spéciales (UPS). « Personnellement, je perdrais entre 600 et 700 euros mensuels », renchérit Sébastien Cote, vice-président de l'APPLS, l'association des professeurs de lettres supérieures. L'idée du ministre est de rendre plus « transparentes et justifiées » ces décharges qui bénéficient aussi à certains enseignants de 1re, terminale et BTS. Il a surtout besoin derécupérer ces moyens d'enseignement pour les donner aux enseignants d'éducation prioritaire, dont il souhaite reconnaître la « pénibilité » du travail.

Sophie Malick-Prunier ne conteste pas les difficultés en ZEP. « J'y ai commencé ma carrière et considère qu'y enseigner est très dur. Mais pourquoi vouloiropposer les enseignants ? On ne doit pas tomber dans cette démagogie lamentable qui consiste à nous présenter comme des privilégiés qui ne méritent pas leur salaire. » « C'est un message de mépris qu'on nous envoie, celui qui consiste à dire qu'on est des privilégiés. Notre salaire, on ne le vole pas ! », ajoute Philippe Heudron, président de l'Association des professeurs de prépas économiques et commerciales (APHEC). Sébastien Cote estime, lui, que « le système des classes prépas est utile, il fonctionne bien. Il ne me semble pas que nous ayons démérité. »