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    Entre les jeunes et la police, la grande défiance

    Lien publiée le 14 décembre 2013

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    (Le Monde) On savait les policiers et gendarmes mal aimés. Une étude inédite révèle que le divorce entre les jeunes et les forces de l'ordre est profond et partagé bien au-delà des quartiers dits sensibles. Les premiers résultats de l'enquête « Polis-autorité », menée par deux chercheurs, Sandrine Astor, ingénieure d'études à Sciences PoGrenoble, et Sebastian Roché, directeur de recherche au CNRS, mis en ligne début décembre (www.anrpolis.fr), sont accablants.

    On y apprend que 34 % des adolescents ne font pas confiance à la police, que 40 % d'entre eux jugent son attitude agressive et raciste. En cas d'affrontement entre jeunes et policiers, plus de la moitié indiquent qu'ils ne seraient pas du côté des forces de l'ordre. Pire : un enquêté sur cinq avoue que, confronté à une émeute urbaine, il y participerait.

    L'attitude de la police est depuis longtemps un sujet de ressentiment majeur chez les jeunes et dans les banlieues. Lors de la campagne présidentielle, François Hollande s'en était saisi et avait promis de lutter contre les contrôles au faciès par la mise en place d'un récépissé de contrôle d'identité. La proposition fut enterrée par Manuel Valls, soucieux de ménager ses fonctionnaires. Le ministre de l'intérieur a préféré répondre aux critiques envers la police par un nouveau code de déontologie de la police et de la gendarmerie et le retour du matricule sur les uniformes. Au vu des résultats de l'étude Polis-autorité, pas sûr que cela suffise àapaiser les rapports tendus entre les jeunes et la police.

    Durant les mois de septembre à décembre 2012, une dizaine d'enquêteurs ont visité 685 classes d'élèves de la 4e à la 1re dans les agglomérations lyonnaise et grenobloise. Des établissements de tous types, public ou privé, d'enseignement général, technique et technologique, situés en centre-ville comme en banlieue. 13 679 adolescents ont été interrogés.

    L'INSTITUTION PUBLIQUE LA PLUS DÉCRIÉE, LOIN DEVANT L'ÉCOLE, LA MAIRIE OU LES POMPIERS

    Les chercheurs ont d'abord voulu connaître la nature des contacts des jeunes avec ces fonctionnaires d'Etat. Une petite moitié disent avoir déjà été confrontés à un policier ou à un gendarme, pour la plupart dans le cadre de l'école ou en demandant un renseignement. Mais un sur quatre a vécu cette expérience lors d'un contrôle, à deux-roues ou dans la rue. Seule une minorité d'entre eux déclarent avoir été en contact avec les forces de l'ordre parce qu'ils étaient soupçonnés d'un délit.

    Les auteurs rappellent une constante : les garçons sont « deux fois plus souvent »concernés, tout comme les jeunes issus des milieux populaires. La fréquence des contrôles dans les cités, si souvent dénoncée comme « harcèlement policier », apparaît clairement : 47 % des jeunes « qui passent très souvent leur temps libre au bas des immeubles », comme euphémise l'étude, ont fait l'objet de contrôles sur la voie publique.

    C'est peu dire que les rapports avec la police sont empreints de méfiance, voire de peur. Pour l'ensemble des jeunes, elle est l'institution publique la plus décriée, loin devant l'école, la mairie ou les pompiers. Seuls 62 % déclarent lui « faire confiance ». Cette défiance est deux fois plus forte dans les quartiers sensibles : près de deux mineurs sur trois déclarent s'en méfier« Une telle proportion de jeunes hostiles à la police dans une cité, cela représente des centaines voire des milliers de jeunes selon les quartiers », remarque M. Roché.

    Un vrai mur de méfiance qui se traduit très concrètement : en situation de confrontation avec les forces de l'ordre, un peu plus de la moitié des enquêtés indiquent qu'ils ne se sentent pas du côté de la police. Plus grave : 15 % assurent que jeter des pierres sur une voiture des forces de l'ordre « peut se justifier ». La police, aux yeux de ces adolescents, est illégitime.

    On comprend mieux les tags assassins ou les discours rageurs de certains rappeurs. Même en cas de « problème grave », un tiers des adolescents déclarent qu'ils n'iraient pas parler à la police. « Avoir la moitié d'une classe d'âge plutôt réservée, voire hostile, en cas de confrontation est un défi important », soulignent les chercheurs.

    A cette défiance s'ajoute la crainte. Le comportement des policiers et gendarmes dans la rue est massivement dénoncé comme stigmatisant et raciste. Les élèves se sentent souvent « regardés de travers ». 35 % d'entre eux considèrent que l'attitude des forces de l'ordre est violente. Une grosse majorité juge aussi que ces fonctionnaires sont « plus durs avec les immigrés qu'avec les autres ». La proportion est énorme.

    « C'EST UN PROBLÈME IDENTIFIÉ DEPUIS AU MOINS TRENTE ANS »

    L'incompréhension ne s'arrête pas là. Les jeunes interviewés estiment que les policiers et les gendarmes « expliquent rarement ou jamais le pourquoi de ce qu'ils sont en train de faire ». Dès lors, leurs interventions sont vécues comme provocatrices, manquant de respect… mais pas faites pour protéger la population. Comme on pouvait s'y attendre, l'étude montre que cette méfiance est encore plus forte dans les banlieues sensibles : « La proportion des jeunes confiants est divisée par deux quand on passe d'un quartier tranquille à un quartier très dégradé », expliquent ainsi les auteurs.

    Une critique aussi massive des forces de l'ordre devrait inquiéter les autorités, assure M. Roché. D'autant que la deuxième partie de l'étude à venir – 500 heures d'observation d'enquêteurs embarqués avec des unités d'intervention – fait le même constat accablant. « C'est un problème identifié depuis au moins trente ans, mais jamais le ministère de l'intérieur n'a pris l'initiative de chercher àmesurer cette confiance », souligne le sociologue.

    Son intention était d'attirer l'attention sur l'importance de ce sujet qui revient comme un leitmotiv chez les jeunes. C'est fait. Reste à obtenir que les pouvoirs publics l'inscrivent à leur agenda, comme l'ont fait nos voisins européens.