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L'autre gauche discute de sa stratégie pour 2014
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Mediapart) Le congrès du Parti de la gauche européenne – dont est membre le Front de gauche – se réunit à Madrid jusqu'à dimanche. Il devrait déboucher sur la nomination du grec Alexis Tsipras comme chef de file pour les européennes de 2014. Mais certains membres hésitent sur la stratégie.
De notre envoyé spécial à Bruxelles
Avant de désigner dimanche le Grec Alexis Tsipras comme leur chef de file pour les européennes de mai 2014, les participants au congrès du Parti de la gauche européenne (PGE), réunis à Madrid depuis vendredi, devront d'abord trancher une question qui les divise : faut-il, ou non, imiter les autres formations sur le continent, et proposer un « super-candidat » pour succéder à José Manuel Barroso à la tête de la Commission ?
Sauf grosse surprise, la réponse devrait être positive au sein du PGE. Et Tsipras, le patron de Syriza, devrait être largement investi dans la foulée. Mais le débat est plus délicat au sein de la GUE, la gauche unitaire européenne, ce groupe de 35 élus au parlement européen, qui intègre des partis du PGE, mais aussi d'autres formations, plus radicales sur ces questions institutionnelles.
Le prochain scrutin européen est censé introduire une nouveauté de taille, prévue, de manière assez elliptique, dans le traité de Lisbonne, et « recommandée » depuis par la Commission. Chaque électeur votera non seulement pour le candidat de sa circonscription, mais aussi pour un chef de file européen. Selon une interprétation stricte du texte, la formation qui arrive en tête au soir des élections, à l'échelle des 28, enverra son chef de file à la tête de la Commission.
À en croire ses partisans, l'objectif est double : légitimer davantage le patron de la Commission, mais aussi « européaniser » la campagne sur le continent (qui jusqu'à présent, s'avère être davantage une addition de campagnes nationales). Les socialistes du PSE sont les plus avancés dans ce processus inédit : Martin Schulz, le président allemand du parlement européen, seul candidat dans son camp, a déjà été intronisé chef de file de la campagne socialiste.
De leur côté, les libéraux (le parti européen dont va se réclamer le duo François Bayrou-Jean-Louis Borloo) comptent deux prétendants déclarés : l'ex-premier ministre belge Guy Verhofstadt et l'actuel vice-président de la Commission, le Finlandais Olli Rehn. D'autres pourraient surgir d'ici le 18 décembre, et le vainqueur sera sans doute connu d'ici début février.
Les Verts, eux, ont lancé une primaire en ligne pour départager quatre candidats, dont le Français José Bové. L'opération doit durer jusqu'au 28 janvier (lire notre article). À l'extrême droite, le FN travaille à la constitution d'un groupe autonome au sein du parlement, après les élections, mais ne devrait pas jouer le jeu de ces « super-candidats ».
Quant au parti populaire européen (PPE), la première formation au sein du parlement de Strasbourg, elle hésite sur la stratégie. Plusieurs candidats sont sur les rangs, dont le Français Michel Barnier, mais des chefs de gouvernement conservateurs en exercice, que le poste pourrait intéresser, ont tout intérêt à faire traîner le processus, pour ne pas avoir à se déclarer en amont des élections.
Qu'en disent les représentants de la gauche du PS ? Une majorité d'entre eux plaide pour un Tsipras chef de file, au risque de cautionner, malgré eux, les institutions existantes. Ainsi, Pierre Laurent, président du PGE, résume ce qui semble être la position majoritaire au sein de ce parti : « Les grandes formations européennes présentent cette nouveauté comme une grande avancée démocratique. Ce n'est pas notre avis : nous dénonçons les processus autoritaires au cœur de la construction européenne. Donc, si l'on décide d'avoir un candidat, et je pense que ce sera le cas, ce sera pour ne pas laisser le champ libre aux deux grandes familles politiques durant la campagne. »
Jean-Luc Mélenchon exposait à peu de choses près la même position, dans un entretien à Mediapart, en juillet : « Si Alexis Tsipras était candidat, ce serait très bien. J'y serais très favorable, pour des raison d'agitation politique, d'éducation populaire. Cela ne voudrait pas dire que je cautionne les institutions européennes. Ce serait une façon d'entrer dans le cadre. »
Même logique chez Nikolaos Chountis, le seul eurodéputé grec se réclamant aujourd'hui de Syriza (le parti de Tsipras) : « Ce qui est prévu en 2014 ne va pas renforcer la démocratie au sein de l'UE. Les citoyens européens ne pourront pas élire directement le nouveau président. Cela dépendra, une fois encore, d'une entente entre chefs d'Etat et de gouvernement. Mais la Gauche européenne veut participer à cette course, pour faire entendre sa voix. »
« Il n'y a que les eurodéputés qui seront élus directement, renchérit Marisa Matias, une eurodéputée portugaise du Bloco de Esquerda. Mais un espace s'ouvre pour un vrai débat sur les questions européennes, et il n'est pas possible que ce débat soit confisqué par les grands partis traditionnels. C'est le rôle du PGE de bousculer cela. » Les trois partis fondateurs du Front de gauche, la formation écolo-communiste espagnole Izquierda Unida, ou encore le parti allemand Die Linke sont sur la même ligne.
Pour certains élus de la GUE, l'affaire n'est pas aussi évidente. La Française Marie-Christine Vergiat juge qu'« il s'agit d'une fausse solution à la crise démocratique que vit l'Europe aujourd'hui, qui risque d'éluder un débat plus large, sur les institutions de l'UE dans leur ensemble ». L'eurodéputée reconnaît qu'elle n'a pas de « position de principe sur une candidature Tsipras », mais précise tout de même : « J'y vois le risque d'importer les défauts du système présidentialiste français au niveau européen. »
D'autres avis sont plus tranchés. Au sein de l'alliance rouge verte (ARV) du Danemark, on estime que valider ce système reviendrait à accepter une « fédéralisation » de l'UE. Le parti, membre du PGE, n'a pas dit clairement quelles sont ses intentions à l'approche du congrès de Madrid. Les communistes tchèques sont eux aussi incertains. Selon ses statuts, le PGE, créé en 2004, doit prendre sa décision par consensus – « ce qui ne veut pas dire l'unanimité parfaite », prévient Pierre Laurent, l'actuel patron du PC français.
Au sein du groupe GUE, les communistes grecs et portugais (qui ne sont pas membres du PGE) y sont opposés. Idem pour les socialistes irlandais. « Que les choses soient claires : l'objectif du PGE, c'est de renforcer le groupe GUE à l'issue des élections européennes de 2014. Mais le PGE n'est pas le tuteur de la GUE, qui est divisée sur cette question. La GUE restera un groupe confédéral », ajoute Pierre Laurent, par ailleurs candidat à sa réélection à la tête du PGE à Madrid.
Il y a fort à parier que l'affaire de ces « super-candidats » serait moins consensuelle, au sein du PGE, en l'absence d'un candidat aussi naturel qu'Alexis Tsipras, pour mener la bataille des européennes.