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Gustavo Petro, le maire limogé de Bogota, résiste
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Comment transformer un mauvais maire en martyr ? C'est l'hebdomadaireSemana qui pose la question, en pointant du doigt Alejandro Ordoñez, le conservateur intégriste à la tête de la « Procuraduria », le bureau du procureur général chargé de surveiller le comportement des fonctionnaires et des élus. Et de les sanctionner. Grâce à lui, M. Petro est devenu le nouveau champion d'une gauche divisée et sans candidat capable de défier le chef de l'Etat, Juan Manuel Santos (centre droit), qui briguera un second mandat à l'élection présidentielle du 25 mai 2014.
Mauvais maire, Gustavo Petro ? Les médias colombiens en sont largement convaincus. « La presse a commencé à attaquer Gustavo Petro avant même qu'il ne prenne ses fonctions », rappelle Angelica Lozano, conseillère municipale du Mouvement des progressistes, la petite formation créée par l'élu. Elle l'a suivi quand, en 2011, Gustavo Petro abandonne le Pôle démocratique alternatif (PDA), une alliance des partis de gauche secouée par un scandale de corruption, pourcréer son propre mouvement.
CAMPAGNE TRÈS REMARQUÉE
En 2010, alors qu'il était candidat présidentiel pour le PDA, M. Petro avait fait une campagne très remarquée et obtenu 9,1 % des voix. Fin 2011, il remporte – avec 32 % des voix – la mairie de Bogota. Un succès pour un homme politique qui avait commencé sa carrière au sein de la guérilla marxiste.
Né sur la côte caraïbe, de parents paysans, Gustavo Petro grandit à Zipaquira, un gros bourg perché sur les hauteurs andines, au nord de Bogota. Il y fréquente l'école publique. Et s'intéresse très jeune à la politique. Brillant élève, il obtient unebourse qui lui permet de s'inscrire en économie à l'université Externado, une des bonnes universités privées de Bogota. Et de militer dans les rangs du M19, une guérilla urbaine qui, en 1990, déposera les armes. Gustavo Petro a fait deux ans de prison, mais affirme n'avoir jamais touché une arme. Daniel, un ancien membre du M19, confirme qu'« il était fort sur le terrain des idées ». Et depréciser, « mais pas sympa du tout ».
Aujourd'hui encore, les détracteurs de M. Petro et bon nombre de ses électeurs lui reprochent son ego, son autoritarisme et son arrogance. Il ne sait pas diriger une équipe, entend-on dire dans son entourage. Plusieurs de ses proches collaborateurs à la tête de la mairie ont rendu leur tablier.
« C'EST UN MAUVAIS GESTIONNAIRE »
« Petro a été un excellent parlementaire, mais c'est un mauvais gestionnaire », considère l'urbaniste Juan Carlos del Castillo. A la Chambre des députés d'abord, puis au Sénat, M. Petro n'a cessé de dénoncer, avec courage, rigueur et détermination, la corruption des élites et leurs liens avec les milices paramilitaires d'extrême droite. Aux manettes de la capitale, M. Petro va multiplier les initiatives. Elles exaspèrent à droite, sans toujours convaincre à gauche.
Dès sa prise de fonctions, il interdit les corridas, au grand dam des aficionados. Et limite le port d'armes. En baisse depuis plusieurs années, le nombre d'homicides atteint son plus bas niveau depuis vingt ans (16 pour 100 000 habitants), mais la perception ne suit pas pour autant.
M. Petro réduit les tarifs de l'eau potable dans les quartiers populaires. Et celui du transport public aux heures creuses. Il met en place des centres de soins pour les drogués, s'occupe des droits de la communauté LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et trans) et promet des HLM qui ne viennent pas.
Il s'attaque également au plan d'aménagement (qu'il modifie par décret, faute d'obtenir l'accord du conseil municipal) et, comme tous ses prédécesseurs, au dossier du métro. Enfin, et surtout, il tente de municipaliser le ramassage des poubelles. Le bras de fer engagé dans une certaine confusion avec les entreprisesprivées lui vaut aujourd'hui d'être destitué.
La sanction est jugée complètement disproportionnée au regard de la faute commise, et très politique, par de nombreux citoyens qui n'ont jamais voté Petro. Et qui détestent le procureur Ordoñez. La destitution est assortie d'une interdiction d'exercer une fonction publique pendant quinze ans. « J'ai 53 ans, j'en aurai 68. Politiquement, c'est une condamnation à perpétuité », a fait remarquer le maire limogé, en apprenant la décision de la « Procuraduria ». La sanction deviendra effective une fois épuisés les recours administratifs et judiciaires. Le délai expire le 31 décembre.
MOBILISATION POPULAIRE ET SOLIDARITÉ INTERNATIONALE
« La législation colombienne, qui autorise une administration à priver un citoyen de ses droits politiques sans décision judiciaire, est contraire à la Convention américaine relative aux droits de l'homme », souligne le juriste Rodrigo Uprimny. Le maire sanctionné entend jouer la carte de la mobilisation populaire et celle de la solidarité internationale.
Au balcon de l'hôtel de ville, M. Petro s'est posé en héritier des martyrs de la démocratie et en héros de la paix. Sa destitution est perçue comme un coup bas de la droite dure contre les négociations de paix engagées à La Havane avec la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC, extrême gauche), depuis fin 2012.
« En destituant Gustavo Petro, le procureur l'a renvoyé sur la scène politique, là où il excelle », souligne Angelica Lozano. Pour les détracteurs du maire, il n'a pas été sanctionné en raison de ses idées politiques, mais parce qu'il a commis des erreurs. « Gustavo Petro mène une politique erratique, dangereuse pour la ville et coûteuse pour le contribuable. Attaqué sur sa mauvaise gestion, il répond par un discours idéologique, en tentant de dresser les pauvres contre les riches », explique le conseiller municipal Roberto Hinestrosa.
Ce dernier est l'un de ceux qui ont soutenu le projet de référendum contre le maire. Prévu par la Constitution, le « référendum révocatoire » permet aux électeurs de se défaire d'un élu jugé incompétent. Pendant des mois, M. Petro a multiplié les recours pour empêcher la tenue d'un tel scrutin, que le Conseil national électoral vient finalement d'autoriser.
Un référendum pour ou contre un maire déjà destitué constitue évidemment un joli imbroglio juridique. Il pourrait bien sauver l'avenir politique de Gustavo Petro.