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Situation économique à Chypre

international

Lien publiée le 15 mars 2014

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Le Monde) 

Andreas n'en peut plus d'envoyer des CV. Le 16 mars 2013, ce cadre de 49 ans a, comme beaucoup d'autres, été licencié par la petite société de services bancairesqui l'employait jusque-là à Nicosie, la capitale chypriote. « C'était il y a un an et je n'ai pas retrouvé d'emploi », dit-il. « Ici, il n'y a plus rien pour moi. »

Le 16 mars est un triste anniversaire pour Chypre. Il y a un an, jour pour jour, l'Eurogroupe venait au secours de l'île, secouée par la plus grave crise financièrede son histoire. Ses banques, qui pesaient alors plus de 700 % du PIB, étaient au bord de la faillite, à cause de leur forte exposition à la dette grecque. Pour lessoutenir et pour maintenir son économie à flot, il manquait 17 milliards d'euros à Nicosie.

Ses partenaires européens acceptèrent de lui prêter 10 milliards d'euros. A condition que le pays trouve les 7 milliards restants grâce à des privatisations, mesures d'économie et réformes structurelles. Mais aussi qu'une taxe exceptionnelle de 6,75 % sur les dépôts bancaires de 20 000 à 100 000 euros, et de 9,9 % au-delà, soit instaurée. Un projet que les Chypriotes rejetèrent violemment. « Cette option aurait été bien trop douloureuse et elle aurait enfreint la sacro-sainte garantie des dépôts de moins 100 000 euros en vigueur dans la zone euro », dit Céline Antonin, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques.

« NOUS FAISONS MIEUX QU'ATTENDU »

Le 25 mars 2013, une nouvelle mouture du plan, centrée sur les deux plus gros établissements financiers de l'île, fut adoptée. La banque Laïki fut liquidée ; tous les dépôts de moins de 100 000 euros, garantis, furent transférés à la Bank of Cyprus. Afin de renflouer cette dernière, les dépôts supérieurs à 100 000 euros, pour la plupart détenus par des oligarques russes, furent transformés en fonds propres de la banque de Chypre, ou bien gelés. Enfin, un strict contrôle des capitaux fut instauré.

« Ce plan préfigure le nouveau mécanisme européen de résolutions des crises, qui met à contribution les actionnaires et créanciers des banques avant les contribuables », commente Mme Antonin. « Mais il a profondément remis en cause le modèle économique de l'île. » Jusque-là, Chypre, place offshore au secret bancaire conciliant et très appréciée des Russes, tirait en effet l'essentiel de ses revenus des services financiers.

Un an après l'adoption du plan, force est de constater que le pays ne va pas aussi mal que ce que redoutaient des économistes. « Nous faisons mieux qu'attendu »,se réjouit régulièrement le ministre des finances Harris Georgiades. A son arrivée, la « troïka » (Fonds monétaire international, Commission européenne, Banque centrale européenne), qui supervise la mise en oeuvre des réformes, tablait ainsi sur une récession de 8,7 % en 2013. Finalement, la baisse s'est limitée à 5 %.

LES RUSSES N'ONT PAS DÉSERTÉ

Et, contre toute attente, le tourisme ne s'est pas effondré. « Nous redoutions que les Russes, qui venaient chez nous comme touristes mais aussi pour gérer leurs comptes offshore, désertent le pays », raconte Andreas. Mais les Russes continuent de venir. Mieux : les recettes du tourisme ont gonflé de 8 % en 2013 ! « Le secteur est devenu un pilier de l'économie de l'île », dit Alexandre Vincent, économiste à BNP Paribas« Mais cela ne suffit pas à compenser l'effondrement des activités bancaires. »

De fait, l'île souffre des nombreuses séquelles laissées par la crise. « La société chypriote est encore sous le choc », résume Kalliope Agapiou-Josephides, professeur de sciences politiques à l'université de Nicosie. Le taux de chômage s'est ainsi établi à 16,2 % au troisième trimestre 2013 et devrait grimper à plus de 19 % cette année.

Ce n'est pas tout : malgré le plan de sauvetage, le secteur bancaire est toujours sinistré. Le taux de créances douteuses a grimpé de 36 % en 2013 à 53 % aujourd'hui, notamment à cause de l'explosion de la bulle immobilière. Le montant des dépôts bancaires des particuliers a reculé de 15 % sur un an en janvier, signe que les Chypriotes peinent à faire de nouveau confiance aux établissements financiers. Autant dire que, malgré les promesses du gouvernement, le contrôle des capitaux ne pourra pas être levé avant des mois, voire des années. « Cela déclencherait une fuite des dépôts qui déstabiliserait beaucoup trop les banques »,résume un financier de Nicosie.

Enfin, l'île cherche toujours le moteur qui, outre le tourisme, remplacera le secteur bancaire dans son modèle économique. Ce sera peut-être l'énergie : en 2011, un gisement de 224 milliards de m3 de gaz naturel dans les eaux territoriales du pays, baptisé « Aphrodite », a été découvert. Le gouvernement estime sa valeur à 100 milliards d'euros. Mais, avant de pouvoir l'exploiter, il lui faudra résoudre les tensions avec la partie nord de Chypre, occupée par la Turquie. Et qui estime avoirelle aussi des droits sur le gisement… « Dans tous les cas, l'île ne pourra pas entirer des revenus avant dix ou quinze ans », conclut Mme Antonin.