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Frais d’inscription dans l’enseignement supérieur: l’offensive est lancée
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Mediapart) L'idée d'augmenter massivement les frais d'inscription dans l'enseignement supérieur public fait son chemin. Alors qu'un décret du gouvernement a déjà permis à Télécom Paris Tech de doubler ces frais à la rentrée prochaine, le directeur de l'école se « fixe une ambition à 5 000 euros »
La scène se passe le 3 février dernier à la maison des polytechniciens, à Paris. Dans un cénacle restreint d’anciens de l'école, l’association X-Sursaut a invité à débattre le directeur de Polytechnique Jacques Biot, celui de Télécom Paris Tech, Yves Poilane, et l’ancien président de Paris IV, Jean-Robert Pitte, sur une question brûlante : le financement de l’enseignement supérieur public.
Le constat est partagé par tous les participants : l’État ne va pas augmenter, voire va baisser, ses dotations aux établissements dans les années à venir. « Bon, bref (…) il faut qu’on se bouge pour aller chercher l’argent là où il y en a », résume le directeur de Télécom Paris Tech, Yves Poilane.
Les possibilités paraissent limitées. La piste du financement par les entreprises existe bel et bien mais n’est pas aussi prometteuse pour tout le monde, souligne le président de Télécom Paris Tech. Si Polytechnique a réussi à lever plusieurs millions d'euros, tous les établissements n’ont pas la même notoriété, et donc les mêmes possibilités. Il y a bien aussi les opérations de mécénat, rappelle Jacques Biot, qui cite en exemple sa« bibliothèque LVMH », ou son « stade Claude Bébéar » mais tout ça n’est pas encore très développé, regrette notamment Jacques Biot parce qu’« il y a un problème culturel français (une attitude) conservatrice, traditionaliste : "c’est à l’État de payer" ». L’exemple de Nike qui a déboursé une centaine de millions de dollars pour faire figurer sa chaussure sur un campus américain fait saliver tout le monde et illustre à quel point la France est sur ce point encore « en retard ».
Où donc trouver l’argent nécessaire pour mener la compétition internationale ? Dans cette assistance choisie, un consensus s’instaure : en faisant payer les étudiants.
La question des frais d’inscription dans l’enseignement supérieur public est un sujet ultra-sensible sur lequel le gouvernement avance prudemment. Alors que dans la plupart des pays européens, les frais d’inscriptions ont flambé ces dernières années, pour pallier le désengagement des États, la France avec des droits d’inscription très faibles reste une exception dans le paysage. Une anomalie, selon ces représentants de grandes écoles publiques tout comme pour l’unique représentant de l’université, Jean-Robert Pitte.
Par un arrêté en date du 23 décembre 2013 obtenu auprès de leurs ministères de tutelle – le redressement productif et Bercy –, les neuf écoles publiques des Mines-Télécom, fleurons des écoles républicaines, ont déjà obtenu de doubler leurs droits d’inscription pour la rentrée prochaine. Ils passeront de 850 à 1 850 euros pour les étudiants français et atteindront 3 800 euros pour les étrangers non communautaires, soit une augmentation de 350 %. Le 2 mars, l’Unef, jugeant ce montant « insoutenable pour certains étudiants » et dénonçant une rupture d’égalité entre les usagers du service public, a déposé un recours au Conseil d’État contre cette augmentation massive. S’indignant d’un « racket des étudiants étrangers », le Gisti a lui aussi saisi la même juridiction.
Pour l’Unef qui combat de longue date toute augmentation des frais d’inscription dans l’enseignement supérieur, ce décret apparaît comme une brèche pour augmenter ensuite les frais d’inscription dans l’enseignement supérieur en général, et dans les universités en particulier, financièrement exsangues car chroniquement sous-dotées.
À entendre les propos tenus lors de cette rencontre feutrée, notamment par le président de Télécom Paris Tech, Yves Poilane, les craintes de la principale organisation étudiante sont plus que fondées : après avoir rappelé le contexte général de désengagement de l’État, Yves Poilane précise avoir « décidé très récemment d’augmenter les droits et frais de scolarité ». « Évidemment, la formation nous coûte encore 16 000 euros (par étudiant et par an, ndlr), donc on est encore loin d’avoir assuré un "business model". Mais ça va rapporter à l’école quand même 350 000 euros en année pleine », souligne-t-il.
Au regard de la dotation de l’État – 33 millions d’euros –, ce n’est pas grand-chose mais c’est un bon début. Évidemment, précise le directeur de Télécom Paris Tech : « J’ai plus vite fait de perdre 300 000 euros dans les évolutions de la dotation de l’État que de les retrouver par une mesure (le doublement des frais d'inscription) qu’il a fallu plusieurs mois, pour ne pas dire une paire d’années, à obtenir de la part du gouvernement. Et on n’est pas mécontents de l’avoir obtenue de la part d’un gouvernement de gauche ! »
Pour Yves Poilane, l’augmentation des droits d’inscription est une bonne chose par principe, même si son efficience économique est finalement assez faible. C’est une victoire idéologique pour ne pas trop rougir face à ses concurrents anglo-saxons comme les masters de sciences de Columbia qu'Yves Poliane ne cesse de citer en exemple et dont les droits d’inscription sont de 60 000 dollars.
Contacté par Mediapart, et confronté à notre retranscription précise du débat, Yves Poilane assure qu'une « ambition » d'augmenter les frais d'inscription n'est pas un« objectif » au sens où il n'y a pas pour lui « d'horizon déterminé ». En clair, pas de calendrier précis.L’augmentation prévue pour la rentrée 2014 n’est donc bien sûr qu’une étape. « Je me fixe une ambition à 5 000 euros… Il n’y a pas de journalistes dans la salle... », s’amuse-t-il. Bien sûr, ce serait encore loin du « prix coûtant » (sic) mais « il faut être réaliste – en tout cas, ce qu’un gouvernement de droite n’a pas réussi à faire ; ce que Valérie Pécresse n’a pas réussi à faire, je ne vois pas comment son successeur réussirait à le faire aujourd’hui». Pour parvenir à ses fins, il espère donc « une modification assez substantielle du cadre politique ».
Depuis son arrivée, la ministre Geneviève Fioraso a plusieurs fois assuré que l’augmentation des frais d’inscription dans l'enseignement supérieur n’était pas d’actualité « pour l’instant ». Jusqu’à quand ?