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    Ukraine: les prorusses de Donetsk veulent rejouer Maïdan

    international Ukraine

    Lien publiée le 9 avril 2014

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    (Le Monde) On peut détester « Maïdan » et lui emprunter ses codes. On peut maudire les« nationalistes » qui se sont emparés du pouvoir à Kiev et adopter leur accoutrement, leur liturgie civique. Il est 22 heures passées à Donetsk, mardi 8 avril, devant le siège de l'administration régionale, pris depuis deux jours par des militants prorusses. Plusieurs centaines d'habitants sont encore rassemblés devant le bâtiment, transformé en camp retranché, abandonné par les forces de l'ordre en attendant un éventuel assaut. La situation de l'est de l'Ukraine est comme suspendue, alors que les autorités centrales ont lancé une « opération antiterroriste ». A Kharkiv, le siège de l'administration a été repris lundi. A Lougansk, après des négociations, une cinquantaine de personnes ont quitté le siège des services spéciaux (SBU), toujours occupé.

    A Donetsk, à 200 mètres de l'administration, la vie continue : on se promène, on s'aime, on mange, on boit. Mais devant le bâtiment, deux barricades ont été érigées avec des sacs de sable, des pneus, des bouts de bois et des fils barbelés tout neufs. La première s'arrête aux parterres de roses, pour ne pas abîmer les pieds fraîchement plantés. La seconde, une cinquantaine de mètres devant l'entrée, est gardée de toutes parts. Des hommes masqués, cagoulés, équipés de bâtons ou de bouclier font le guet.

    « RESPUBLIKA »

    On agite des drapeaux russes. On récolte des fonds pour la cause, celle de la « république nationale du Donbass », proclamée lundi matin, en attendant un hypothétique référendum sur le statut de la région. A l'intérieur du bâtiment, des cocktails Molotov sont prêts, un point médical n'attend plus que des blessés.

    On peut se restaurer sommairement avec des biscuits secs, des tartines et de l'eau minérale. On crie le slogan « Crimée, Donbass, Russie ! », comme s'il s'agissait d'un itinéraire magique à emprunter. Au micro, on appelle l'assistance àallumer la lumière des portables et à réclamer une « Respublika »« Y a-t-il des séparatistes parmi vous ? », interroge l'oratrice. « Noooon ! » La foule n'aime guère ce terme péjoratif en cours dans la capitale. L'oratrice reprend donc, satisfaite. « On est le Donbass ! On veut vivre bien. Et comment vivre bien s'ils disent que la Russie est notre ennemie ? »

    A Donetsk, le 8 avril.

    Bien entendu, Donetsk a ses propres groupes d'autodéfense. Ils veillent. Le journaliste étranger, équipé d'un dangereux carnet de notes, est vite repéré. On commence par le photographier de loin. Puis, à trois ou quatre, le visage couvert par un masque hygiénique qui ne peut, hélas, retenir les effluves d'alcool, on s'empare de lui pour un contrôle d'identité musclé. La paranoïa et l'excitation ne forment pas un bon mélange. On photographie nos documents d'identité. L'incident se répète à trois reprises. La dernière fois, le chef, un brin maladroit, laisse tomber un couteau par terre.

    « CE N'EST PAS NOTRE RÉVOLUTION »

    Andreï Vakhrouchev s'excuse en leur nom. Ce n'est pas l'image du Donbass qu'il aimerait voir diffusée en Occident. Originaire de Marioupol, autre cité industrielle de la région, ce programmeur informatique de 25 ans aime se considérer comme un membre de l'intelligentsia de Donetsk. Il parle calmement, choisit ses mots. Il était à l'église dimanche. A la sortie, sa mère l'a prévenu que l'administration avait été prise. Il s'est rendu sur place, aidant à ériger une barricade. « Toute la ville est opposée à ce qui s'est passé à Kiev, au renversement de régime. Ce n'est pas notre révolution. Personne ne tient compte de notre avis. »

    Le grand-père d'Andreï a combattu les nazis lors de la « grande guerre patriotique », appellation donnée en Russie à la seconde guerre mondiale. « Je me souviens quand, assis sur ses genoux, je regardais ses médailles. Et maintenant, les types de Maïdan veulent nous dire que c'était un occupant… »

    A Donetsk, le 9 avril.

    Voilà pourquoi Andreï aimerait qu'un référendum soit organisé dans la région, avant l'élection présidentielle du 25 mai à laquelle il ne veut pas participer. Les habitants du Donbass pourraient ainsi décider, dit-il, s'ils envisagent leur avenirdans l'Ukraine ou dans la Fédération de Russie, à l'instar de la Crimée.

    Natacha, 36 ans, ne veut pas donner son nom. Elle travaille depuis vingt et un ans dans les chemins de fer. Elle est agent commercial. Natacha n'a aucune sympathie pour l'ancien président Viktor Ianoukovitch, dont Donetsk était la base arrière. « Il a trahi tout le peuple, il a trahi nos garçons des Berkout qu'il a laisséstomber dans sa fuite. Je respecte Poutine, qui est un leader d'envergure. »Natacha devine que « la vie ne sera pas mieux tout de suite, si on rejoint la Russie ». Mais, dit-elle, « les choses sont allées trop loin à Kiev » pour continuer àvivre ensemble.

    « LIBERTÉ »

    A force de dénoncer une conspiration russe, le gouvernement ukrainien a oublié de rassurer ces populations de l'Est. Elles aussi ont le mot « liberté » à la bouche : la liberté de parler russe, de commercer par-delà la frontière, d'enseigner l'histoire sans glorifier Stepan Bandera, la grande figure nationaliste. Les Occidentaux et les partisans d'une Ukraine unitaire se rassurent en citant les études d'opinion : depuis toujours, les partisans d'un rattachement de l'Est à la Russie sont extrêmement minoritaires. Mais mesure-t-on les répliques sismiques de Maïdan, qui radicalisent les positions ?

    Les habitants rassemblés dans le périmètre miniature de la « république nationale du Donbass » sont ici de leur propre gré, mus par l'angoisse et la colère. L'homme le plus riche d'Ukraine, Rinat Akhmetov, a même tenté de parlementerlundi avec les militants retranchés. Sans succès.

    Ce précipité qui se forme au fond de la marmite ukrainienne n'est pas aisément définissable. Ses acteurs ont souvent du mal à articuler leurs revendications. Ils rêvent d'une vie meilleure et pensent que la Russie peut y contribuer, alors qu'un rapprochement avec l'Union européenne aurait des effets désastreux pour leurs mines et l'industrie métallurgique. Ils se sentent isolés, ignorés, méprisés par Kiev. Le durcissement des peines pour séparatisme, voté au Parlement mardi, ne semble pas les préoccuper. Ils revendiquent leur propre forme de désobéissance.