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Désir et Cambadélis, deux promotions qui ne sont pas fictives
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Arrêt sur images) L'un au PS, l'autre aux affaires européennes. Jean-Christophe Cambadélis et Harlem Désir font partie de la dernière vague de promotion post-Ayrault. Exfiltré du PS, Désir a décroché le secrétariat d'Etat aux Affaires européennes dans le gouvernement Valls. Cambadélis, qui lorgnait depuis deux ans sur la direction du Parti Socialiste, doit y remplacer Désir. Deux socialistes qui n'ont pas comme seul point commun l'appartenance à une même "famille politique" : ils ont aussi été tout deux condamnés par la justice dans les années 1990 pour "emploi fictif" ou "recel d'abus de confiance". L'occasion de se replonger dans les archives à l'époque où les affaires ne faisaient pas encore le buzz, ni les joies des réseaux sociaux.
"Les passés judiciaires de MM.Cambadélis et Désir suscitent une gêne au PS". C'était en 2012. Alors que les deux socialistes étaient pressentis pour prendre la tête du PS, Le Monde relevait qu'il n'y avait "pas un article de presse sur[leur] duel sans commentaires critiques de lecteurs sur Internet concernant [leurs] condamnations judiciaires. Au point que certains cadres et militants du PS s'interrogent sur les risques politiques de leur désignation". Deux ans plus tard, force est de constater que leurs passés judiciaires n'ont pas été un frein à leur carrière : Désir est entré au gouvernement, Cambadélis doit s'installer à la tête du PS.
Certes, leurs condamnations sont anciennes. Certes, le retour sur la scène politique d'élus ayant eu des démêlés judiciaires est un classique. Interpellé en 2011 sur cette ancienne condamnation, Cambadélis avait aussitôt répliquéen rappelant d'autres condamnations, celle de Juppé en 2004 par exemple. Alors chut ! Chut ? On n'a pas pu résister à une petite plongée dans les archives. Et on a retrouvé ce qu'on savait déjà (des affaires d'emploi fictif) et ce qu'on savait un peu moins (une affaire avec des immigrés vivant dans des logements insalubres).
HARLEM DÉSIR, PAYÉ PAR UNE ASSOCIATION DE MIGRANTS POUR UNE ACTIVITÉ FICTIVE
Harlem Désir a été condamné, en 1998, à dix-huit mois de prison avec sursis et 30 000 francs d'amende pour "recel d'abus de confiance". A l'époque, Le Monde et Libération avaient suivi l'affaire, jugée au tribunal correctionnel de Lille. Entre novembre 1986 et octobre 1987, Harlem Désir, alors président de SOS Racisme, a perçu 8 900 francs net par mois, soit une somme totale de 98 000 francs, de la part d'une association du Nord-Pas-de-Calais, l'Arfem (association régionale pour la formation et l'éducation des migrants). Cette association, dont le Conseil régional était le principal bailleur de fonds, s'occupait de formation d'immigrés, un sujet que le président de SOS Racisme était censé bien connaître. Problème : Harlem Désir n'a jamais été vu dans les locaux de l'agence, il ne figurait pas dans les registres du personnel et son travail n'a laissé... aucune trace écrite.
Lors du procès, le président de l'Arfem Jean-Claude Provo, également condamné, s'était justifié ainsi, à propos du recrutement d'Harlem Désir : "J'ai pensé que nous pourrions en tirer du bénéfice. Et comment vouliez-vous que je déplaise au conseil régional, notre principal bailleur de fonds ? Ensuite, je n'avais pas de raison de ne pas faire plaisir à Harlem. Nous avons la même éthique. Nous nous ressemblons". Quelle était la réalité de ce travail ? "Il ne s'agissait que de contacts oraux, à Paris, dans un café ou chez moi, à Hem. Nous avons des liens d'amitiés. C'est plus confortable comme cela", avait raconté Provo. Sur l'absence de Désir dans l'organigramme, Provo avait également une explication : il n'a pas voulu "ébruiter" son embauche car "il ne fallait pas accréditer la thèse que l'Arfem était l'arrière- boutique du Parti socialiste".
De son côté, Harlem Désir a toujours maintenu avoir travaillé pour l'association : "Avant, l'Arfem travaillait auprès d'immigrés adultes. Nous lui avons apporté un éclairage sur la formation des enfants de la deuxième génération", avait-il expliqué à l'époque. Mais face à l'absence de traces écrites de son travail, Désir avait tenté une défense hasardeuse en évoquant un autre problème : en raison du statut fiscal des associations, il ne pouvait être payé en tant que président de SOS Racisme. La rémunération de l'Arfem était donc son seul salaire. Au cours de l'audience, Désir avait même appelé à une réforme de la loi de 1901. Une tentative de diversion qui n'avait pas vraiment plu au substitut du procureur : "Nous ne sommes pas là pour parler de l'action de SOS-Racisme mais d'argent public et de la manière dont en usent ceux qui en ont la charge. (...) [Les prévenus] incarnent un mouvement politique qui a toujours dénoncé une manière de se comporter qui marque un statut social différencié. Ils ont trahi leurs idéaux, ont profité de leur statut et de leur fonction pour s'enrichir personnellement". Et bim. Verdict : dix-huit mois de prison avec sursis et 30 000 francs d'amende pour Désir, dix-huit mois de prison avec sursis pour le président de l'Arfem
CAMBADÉLIS, DU FICTIF DE LA MNEF À L'EMPLOI DE COMPLAISANCE
Jean-Christophe Cambadélis a été condamné, en 2006, à six mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amende pour avoir touché 620 000 francs d'une filiale de la Mutuelle nationale des étudiants de France (Mnef) entre 1991 et 1993. L'affaire des emplois fictifs de la Mnef est connue : durant les années 1990, cette mutuelle a servi de base arrière à la gauche pour financer syndicats, associations et conseillers proches du PS. En 2006, la justice a estimé que l'emploi de Cambadélis, officiellement chargé d'une mission de conseil sur les étudiants étrangers en sa qualité de sociologue, n'était pas formellement établi.
Une mauvaise habitude chez Cambadélis ? Car ce n'est pas sa seule condamnation. En 2000, il avait déjà été condamné à cinq mois de prison avec sursis et 100 000 francs d'amende pour "recel d'abus de biens sociaux". Une histoire d'emploi de complaisance, occupé entre 1993 et 1995, dans une société qui gérait des foyers de travailleurs immigrés et qui était dirigée... par un ancien cadre du Front national.
Tout commence en 1993. Battu aux élections législatives, Cambadélis cherche un emploi. Yves Laisné, président de l'Agence des foyers et résidences hôtelières privées (AFRP), lui en propose un. Comment se sont-ils connus ? Député de Paris, Cambadélis dit avoir réglé un conflit entre les résidents d'un foyer d'immigrés du 19e arrondissement et l'ARFP un an auparavant. Forcément, ça crée des liens. Alors quand Laisné lui propose un emploi l'année suivante, Cambadélis accepte. En quoi cela consistait-il ? "Son objectif était d'atteindre l'équilibre dans la gestion des foyers. Il m'a donné carte blanche pour essayer de faire rentrer les loyers", a expliqué Cambadélis au procès. Seul souci : dans les locaux de l'Agos, la filiale de l'ARFP pour laquelle Cambadélis a été embauché à mi-temps pour un salaire de 14 000 francs net par mois, personne ne l'a vu. Et pour cause : il n'a pas de bureau. Cambadélis assure qu'il a travaillé à un projet de logement pour jeunes travailleurs immigrés. Mais là, encore, pas de trace écrite : "la seule activité de Jean-Christophe Cambadélis se résumait à quelques déjeuners avec Laisné pour des «entretiens discrets», sans témoins. Et sans comptes rendus écrits", indique Libération qui a suivi le procès. "Il n'y avait pas d'horloge pointeuse, il n'était pas astreint à des horaires", s'est justifié Laisné qui fut membre du Front national dans les années 1970.
Un détail dans le CV de son patron qui avait échappé à Cambadélis : "Il m'avait dit que, par le passé, il avait été violemment anticommuniste, mais rien d'autre. Et puis tout le monde a fait des erreurs de jeunesse", avait déclarél'ancien député quand l'affaire a éclaté. A ce contexte d'emploi fictif attribué par un ancien du FN en mal de réseaux, s'ajoutait une dernière dimension : une partie des foyers gérés par l'ARFP était insalubre. Au procès, l'avocat du Gisti (Groupement d'information et de soutien aux travailleurs immigrés) a brandi les photos de ces foyers délabrés en interpellant Cambadélis : "Vous avez un positionnement politique que tout le monde connaît. Vous n'avez pas eu de déchirement éthique ?" Réponse de l'intéressé, finalement condamné à cinq mois de prison avec sursis et 100 000 francs d'amende : "Il faut être fidèle à soi-même pour être juste envers tous". C'est dans Hamlet (Shakespeare). Puisqu'on vous dit que c'était tragique.