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Australie: révolte des demandeurs d’asile contre leurs conditions de détention

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Lien publiée le 27 avril 2014

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Mediapart) Une révolte a éclaté en février 2014 dans le centre de détention de Manus, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, où l'Australie « transfère » depuis plusieurs mois les demandeurs d'asile qui arrivent sur ses côtes. Une répression sanglante s'en est suivie.Mediapart publie une série de photos (à voir ici), témoignages et vidéos documentant cet événement tragique passé inaperçu en France.

Des corps tuméfiés, des plaies ouvertes, des traces de sang sur des draps, des impacts de balles sur des murs à hauteur de visage d’homme : les photos – dont Mediapart a été destinataire – envoyées à des avocats australiens des droits de l’Homme par des demandeurs d’asile enfermés dans le méga-centre de détention de Manus en Papouasie-Nouvelle-Guinée témoignent de la violence inouïe qui s’est abattue sur ce sinistre lieu au cours des dernières semaines (voir le portfolio). C’est là, sur une île au milieu de l’océan Pacifique que l’Australie, dont les côtes les plus proches sont situées à 1 600 kilomètres, « transfère » des centaines de demandeurs d’asile débarqués sur son territoire. C’est là que ces personnes, exclusivement des hommes, sont détenues – « parquées » selon les détracteurs de cette politique – sous une chaleur tropicale étouffante dans des conditions décrites comme particulièrement inhumaines pour des durées indéterminées.

En toute illégalité au regard du droit international (de l'article 14 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme à la Convention des réfugiés de 1951 en passant par le droit maritime), l'Australie n’autorise plus, depuis le 17 juillet 2013, les réfugiés arrivés par la mer sans autorisation de séjour à demander l’asile. Pour convaincre les plus intrépides que leur tentative est vouée à l’échec, les autorités de Canberra ont mis en place un dispositif complexe de dissuasion. Premier obstacle : l’armée patrouille dans les eaux séparant l’Australie de l’Indonésie, intercepte les boat people partis de villages près de Jakarta avec l’aide de passeurs et les « repousse » d’où ils viennent – les pays anglo-saxons parlent de push-back policy.

Les personnes passées entre les mailles du filet parviennent à l’île australienne de Christmas dans l’océan Indien. Mais elles ne sont pas au bout de leur peine. Les y attend une nouvelle épreuve. Détenues dans un centre dit d’accueil médicalisé complètement fermé, elles attendent, parfois de longs mois (il n’existe pas de durée maximale légale), non pas de pouvoir accéder à un formulaire de demande d’asile, mais d’être envoyées sur d’autres îles, non australiennes celles-là : Manus, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, et Nauru, l’un des plus petits États au monde.

Appliquant des accords bilatéraux remontant à août 2012, ces deux pays, en échange de contrats estimés à plusieurs millions de dollars (leur montant n’est pas public), acceptent sur leur sol ces exilés que l’Australie juge indésirables. Le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) s’est prononcé contre une telle pratique (dénoncée comme une forme de « délocalisation »), sans faire dévier le gouvernement de son action.

Carte réalisée par le Guardian situant les îles Christmas et Manus.Carte réalisée par le Guardian situant les îles Christmas et Manus.

Selon les autorités australiennes, les boat people seraient de plus en plus nombreux ces dernières années : environ 26 000 personnes, originaires d’Asie (Pakistan, Afghanistan, Iran, Irak, Sri Lanka, Bangladesh, Birmanie et depuis peu Syrie), d’Afrique de l’Est (Somalie, Soudan) et même d’Europe (Albanie), seraient arrivées entre 2012 et 2013, contre 6 000 en moyenne par an entre 2001 et 2012, en raison de la multiplication des zones de tensions et de conflits dans le monde et, parallèlement, de la fermeture des frontières de l’Europe.

Alors que l’obtention du statut de réfugié était jusque-là relativement aisée, il a été décidé d’en limiter drastiquement l’attribution : désormais seules les personnes venues en avion sont susceptibles de voir leur demande examinée.

Un boat-people photographié par les garde-côtes australiens le 27 juin 2012 près de l'île de Christmas. © ReutersUn boat-people photographié par les garde-côtes australiens le 27 juin 2012 près de l'île de Christmas. © Reuters

À plusieurs reprises, dans des campagnes de communication et des discours, le gouvernement a martelé le message d’une Australie inaccessible. Élu en septembre 2013, le premier ministre conservateur Tony Abbott a promis de tout faire pour « arrêter les bateaux ». Rouverts en 2012, les centres de détention « offshore » de Manus et Nauru ont été initialement installés en 2001, par le gouvernement libéral d’alors, dans le cadre d’une politique connue sous le nom de « Solution Pacifique ». En 2007, le travailliste Kevin Rudd avait décidé de les fermer face au tollé provoqué par leur fonctionnement. Quatre ans plus tard, le gouvernement travailliste les a réhabilités, en perspective des élections fédérales de 2013. À peine élu, Tony Abbott a lancé l’opération militaire Sovereign Borders (Frontières souveraines) qui empêche les bateaux de pêche transportant des demandeurs d'asile d'accoster en Australie.

La campagne officielle «No way» présentée par le commandant de l'opération Frontières souveraines, le général Angus Campbell.La campagne officielle «No way» présentée par le commandant de l'opération Frontières souveraines, le général Angus Campbell.

En contact avec de nombreux demandeurs d’asile détenus à Christmas, Manus et Nauru, Benjamin Pynt, avocat et activiste, responsable de la défense des droits de l’Homme de l’ONG Humanitarian Research Partners (HRP) basée à Perth en Australie, explique les dessous de ce déploiement militaire. Les bateaux de l’armée sont facilement identifiables. « Ce sont des sortes de sous-marins de couleur orange. Il en existe une vingtaine ou une trentaine, à 250 000 dollars l’unité. Mais comme ces opérations se déroulent en toute opacité, les chiffres exacts ne sont pas connus », indique-t-il. Quand les embarcations de pêche, où montent entre 50 et 200 personnes, sont interceptées, leurs passagers sont embarqués à bord de ces navires orange puis « repoussés » vers l’Indonésie.

Au moins un millier de ces « clandestins » seraient morts noyés au cours de la décennie. Le droit international interdit aux autorités d’un pays de faire irruption dans les eaux territoriales d’un autre pays pour embarquer et renvoyer qui que ce soit. C’est pourtant ce qui se passe, selon une enquête de la chaîne de télévision ABC qui a répertorié une dizaine d’interventions de la marine australienne dans les eaux indonésiennes. Cette méthode est désapprouvée par les autorités indonésiennes. Et par le HCR.

Un des navires utilisés par l'Australie pour «repousser» les réfugiés. © Fairfax MediaUn des navires utilisés par l'Australie pour «repousser» les réfugiés. © Fairfax Media

Mais le gouvernement australien n’en tient pas compte. « Les agents et les organisations engagés dans l'opération Frontières souveraines rendent un grand service à notre nation », estime le ministre australien de l’immigration Scott Morrison« Si nous étions en guerre, nous ne diffuserions pas d'informations à nos ennemis », renchérit le premier ministre Tony Abbott, en réponse aux interrogations sur ce sujet classé “secret défense”.

« Des habitants sont entrés avec des machettes, des bâtons, des pistolets et des grosses pierres »

Jusqu’en juillet 2013, les réfugiés arrivés à Christmas étaient envoyés sur la mainland (l'Australie continentale) où ils étaient répartis dans une douzaine de centres de détention, aux conditions d’enfermement variables. Les candidats à l’asile se voyaient accorder une protection dans 90 % des cas. Depuis que les règles ont changé, ils sont transférés de Christmas à Nauru et à Manus, à l'étranger donc, dans des charters spécialement affrétés. Les coûts, à la charge de l’Australie, sont énormes. Au cours des quatre dernières années, l’État aurait dépensé 4 milliards de dollars pour la détention outre-mer, sans compter la construction des camps eux-mêmes et l’aide au développement réorientée sur ce type d'opérations.

À l'intérieur du centre de détention de Manus en Papouasie-Nouvelle-Guinée.À l'intérieur du centre de détention de Manus en Papouasie-Nouvelle-Guinée.

À Nauru (État insulaire de 21,3 km2 situé en Micronésie), le centre est susceptible d’accueillir environ 1 000 personnes (y compris des femmes et des enfants), le choléra et la typhoïde sont répandus. C’est pire encore à Manus (Papouasie-Nouvelle-Guinée), qui dispose de 1 300 places, où seuls des hommes sont retenus. Des adolescents y seraient enfermés, alors que leur présence est supposément interdite. Les détenus se plaignent de l’absence d’eau fraîche, la malaria est généralisée. Plusieurs quartiers cohabitent parmi lesquels Foxtrot, Bravo, Oscar, Delta (réservé aux personnes malades et fragiles) et Mike. Chaque zone est entourée de clôtures métalliques de 2,50 mètres de haut et surveillée par des patrouilles de sécurité engagées par le gouvernement australien, souligne Amnesty International, à l’issue d’une mission effectuée du 11 au 16 novembre 2013. Les détenus ne peuvent être appelés au téléphone de l’extérieur, mais eux sont autorisés à passer des appels, en respectant des règles différentes d’un quartier à l’autre. Ils ont également accès de manière rationnée à Internet. Quatre journalistes et un juge ont pu entrer dans ce centre. Selon leurs témoignages, la situation est particulièrement « inhumaine » à Delta, où les personnes sont enfermées dans des cages, avec de la boue sur le sol. 

Selon l’accord passé avec les autorités locales, les détenus sont censés pouvoir déposer une demande d’asile et, en cas d’acceptation, être autorisés à vivre en… Papouasie-Nouvelle-Guinée, l’un des pays les plus dangereux au monde. Mais, pendant plusieurs mois, le processus d’examen des demandes n’a pas commencé.

La dégradation des conditions de vie couplée à l’absence totale de perspective a poussé les détenus à se révolter. Depuis janvier 2014, le mouvement n’a cessé de s’amplifier jusqu’à l’organisation d’un rassemblement de protestation le 16 février 2014 pour demander l'examen des demandes d’asile. « Des représentants des autorités australiennes ainsi que des policiers accompagnés de chiens d’attaque étaient présents. Le gouvernement de Papouasie-Nouvelle-Guinée a fait savoir aux détenus qu’ils étaient là pour toujours, indéfiniment, et qu’il n’était pas question d’examiner leur demande », indique Benjamin Pynt.

Toute la journée du 17 février, la tension est montée, après qu'une trentaine de personnes enfermées a tenté de fuir la veille. Les employés du centre se seraient regroupés sur le bateau-hôtel où ils vivent à l’écart, vraisemblablement à la demande de leur direction. Le déchaînement de violence a commencé tôt dans la soirée avec des échanges de jets de pierre. Pendant quelques heures, l’avocat est resté en contact téléphonique avec des détenus, ce qui lui permet de se représenter précisément le déroulement des événements. Il retrace des scènes d’horreur, de « barbarie »« Des habitants de l’île, des policiers locaux et d’autres personnes, positionnés à l’extérieur du camp, ont lancé des pierres et toutes sortes de projectiles à l’intérieur. Les détenus ont essayé de se barricader. Vers 22 heures, l’électricité a été coupée. Des gardiens et responsables de la sécurité ont laissé rentrer des sortes de milices, des habitants avec des machettes, des bâtons, des pistolets et des grosses pierres. »

Un portrait de Reza Barati a été affiché dans le centre de détention.Un portrait de Reza Barati a été affiché dans le centre de détention.

Le carnage atteint son paroxysme, d’après son récit confirmé par les déclarations de plusieurs autres avocats également en lien avec des détenus et des employés du centre. Un Iranien de 23 ans, Reza Barati, est mort lapidé. « Il venait de revenir en courant de la salle d’information, où les personnes ont accès à Internet, indique l'avocat. Il était dans sa chambre. Il a sorti la tête pour voir d’où venaient les menaces. C’est à ce moment que sept personnes, dont certains membres de l’encadrement, se sont jetées sur lui. Il a été attaqué à coups de pierre. Il a été frappé à la tête. Il en est mort, sur le coup ou peu de temps après, on ne sait pas avec certitude. »

Le monde extérieur apprend la nouvelle avec retard. À peu près au moment du drame, entre minuit et minuit et demi, en plein chaos, les moyens de communication cessent de fonctionner. Les appels téléphoniques ne reprennent qu'environ cinq jours plus tard, Internet deux semaines après les faits. Entre-temps, le contact est toutefois maintenu avec quelques employés. L’ampleur des dégâts ressort des témoignages. La violence physique se manifeste sur les photos prises par les détenus entre le 19 et le 25 février et envoyées via Facebook sur messagerie privée entre le 2 et le 4 mars: des crânes ont été fracturés, des visages et des corps sont recouverts d’hématomes et de plaies ensanglantées. (Voir le portfolio.)

Lors de cette nuit, des balles ont, semble-t-il, été tirées. Une soixantaine d’impacts de projectiles ont été constatés, pas seulement au plafond ou sur le sol, mais aussi sur des murs et des casiers à hauteur humaine. Les éléments à charge s'accumulent. Une vidéo mise en ligne sur le site du quotidien britannique The Guardian, sur laquelle on entend des demandeurs d’asile crier de douleur, apporte la preuve qu'au moins une personne a été blessée par balle. Des enregistrements vidéo récupérés par le groupe australien Faifax Media et tout juste diffusés montrent des gardiens locaux frapper violemment des détenus, dès le 16 février.

Un témoignage écrit d’un détenu, transmis à plusieurs avocats, confirme le déroulé des événements (le consulter en anglais sous l’onglet Prolonger). Lors des affrontements, « les locaux, la police de Papouasie-Nouvelle-Guinée et les forces de sécurité de G4S(entreprise privée qui intervenait alors dans le camp) ont visé la tête des “transférés”, comme s’ils voulaient les tuer (…). Les agents de police ont fait feu avec leur arme (…). Après avoir battu une multitude de demandeurs d’asile, ils les ont traînés au centre du camp et leur ont dit de retourner dans leur pays, qu’ils ne voulaient pas d’eux ici. »

« J’aurais préféré mourir en mer pendant la traversée »

Le gouvernement australien lui-même a fait état de 77 blessés. Les défenseurs des droits estiment leur nombre à au moins 250. « C’est un incident tragique et malheureux, au moins pour une personne », a déclaré Scott Morrison. En plus de l’homme décédé, un homme aurait perdu son œil après avoir été frappé avec un couteau de chasse et un homme aurait été touché d'une balle dans les fesses. Une enquête de police a été diligentée par les autorités de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Sollicitée, la police australienne a refusé d’apporter son concours. « Les nuits qui ont suivi les violences, indique Benjamin Pynt, les détenus ont été rassemblés pour dormir au centre du camp. Pendant ce temps, des équipes de nettoyage sont venues effacer les traces de sang avant que les investigateurs arrivent. » Aucun élément de l’enquête n’a pour l’instant été rendu public.

Les violences ont cessé, mais le climat reste apocalyptique à l’intérieur du camp, selon l'avocat. L’inquiétude des détenus se focalise sur les instructions des intervenants extérieurs et la présence d’habitants de villages voisins parmi les employés. Outre des représentants des autorités de Papouasie-Nouvelle-Guinée et d’Australie, étaient représentées au moment des faits dans l'enceinte du centre une organisation humanitaire, l’Armée du Salut, ainsi qu’une structure médicale privée, l’International Health and Medical Services. Mais les difficultés viennent d’ailleurs. En l’occurrence du gardiennage, assuré (en plus du nettoyage et de la cuisine) jusqu’en mars 2014 par l’entreprise multinationale de sécurité G4S, mise en cause pour sa gestion des centres de rétention en Grande-Bretagne.

Avant son départ (prévu de longue date) et son remplacement par un concurrent (Transfield Services) (à lire un article du Guardian), G4S aurait publié une note interne appelant les demandeurs d’asile, en cas de retentissement de la sirène, à se réunir au milieu du centre et à se mettre à genoux avec les bras sur la tête. Cette instruction a terrifié les détenus, convaincus qu’il s’agissait d’un piège pour se débarrasser d’eux. « Ils ont peur d’être tués, ils ne dorment plus, ils font des tours de garde », indique l’avocat. « Des habitants et des policiers leur miment le signe du couteau sous la gorge », ajoute-t-il. Les demandeurs d’asile ayant demandé à G4S de ne plus laisser entrer des intrus dans le camp, de crainte de subir leur malveillance, la multinationale aurait exigé, en contrepartie, qu’ils prennent en charge eux-mêmes le nettoyage et les repas. Pendant plusieurs jours, la nourriture est venue à manquer, d’après eux. Des MRE – Meals Ready to Eat – c’est-à-dire des rations militaires ont été distribuées. Mais il n’y en aurait pas eu pour tout le monde. Ces derniers temps, ils se plaignent de maux de ventre. Redoutant de tomber malades, beaucoup interrompent leur alimentation.

La Papouasie-Nouvelle-Guinée vient d’annoncer le début de l’examen des demandes d’asile. Une procédure aussitôt assimilée à un « simulacre » par la porte-parole australienne des Verts sur les questions d’immigration, Sarah Hanson-Young. Du côté de la société civile en Australie, un mouvement de mobilisation a débuté à la suite du décès de Reza Barati. Plus de neuf semaines après les violences, personne n’a toutefois été ni mis en cause ni arrêté, malgré les nombreux témoignages. En Europe, la situation reste méconnue, ce qui explique la décision de plusieurs associations australiennes d’informer plus avant les institutions internationales et les médias.

Pourtant, les alertes n’ont pas manqué. En novembre 2013, le HCR a publié deux rapports alarmants dénonçant des « conditions non conformes aux normes internationales ». En décembre 2013, Amnesty International a dressé un état des lieux catastrophique de la situation à Manus, à la suite d’une mission sur place détaillant les « conditions cruelles » de détention des demandeurs d’asile, appelés par leur numéro d’identification et non par leur nom.

Déjà, l’ONG avait souligné le manque d’eau et de soins médicaux « dans des locaux surpeuplés sous une chaleur étouffante », l’absence d’ombre, l’humidité et les fortes pluies rendant ce lieu invivable. 
Les conditions dans le dortoir P du camp Foxtrot avaient été montrées du doigt. 
« Il y règne en permanence une odeur envahissante, mélange de chaleur étouffante, de sueur et de moisissure. Les demandeurs d’asile ont raconté qu’ils avaient déjà trouvé des serpents dans la pièce, et qu’elle était inondée quand il pleuvait », a dénoncé Claire Mallinson, directrice de l’ONG en Australie lors de la parution du rapport.

« Ce système caractérisé par des conditions inhumaines et des traitements humiliants vise délibérément à pousser les gens à repartir vers la situation désespérée qu’ils ont fuie. L’Australie est directement responsable de cette combinaison déplorable et illégale de détention arbitraire et de conditions inhumaines », a-t-elle ajouté. Selon elle, en effet, les autorités australiennes sont étroitement impliquées dans tous les aspects du système d’arrestation, de transfert et de détention des demandeurs d’asile. Ce sont elles également qui emploient les gardiens, le personnel de service et de santé, et qui gèrent globalement le fonctionnement quotidien du centre. 



Parmi les témoignages rapportés, celui d’un Irakien de 43 ans : « J’ai vécu dans des zones de guerre, au milieu des bombes et des explosions, mais je n’ai jamais connu des conditions comme celles-là, avec toute cette incertitude. J’aurais préféré mourir en mer pendant la traversée. » Au regard des conditions à Manus, certains détenus, malgré les milliers de kilomètres parcourus pour arriver jusque-là, préfèrent retourner dans leur pays d’origine, qu’ils ont quitté pour fuir la guerre, les persécutions ou la misère. C’est l’objectif recherché par les autorités australiennes : les décourager de rester.

La boîte noire :

L'entretien avec Ben Pynt a eu lieu à Paris, principalement en langue française, le 15 avril 2014, dans le cadre d'un séjour en Europe que cet avocat a effectué pour informer quelques médias et mobiliser plusieurs organisations internationales afin d'obtenir d'elles une condamnation de la politique d'asile australienne. Deux responsables australiens de l'Armée du Salut, association présente dans le centre de détention de Manus au moment des faits, ont été contactés. L'un d'entre eux m'a fait savoir qu'il ne pouvait pas répondre à mes questions. L'autre n'a pas retourné mon mail.