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En Ukraine, les prorusses continuent à gagner du terrain
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Le Monde) La situation s'enlise en Ukraine. Les rebelles prorusses gagnent peu à peu du terrain. Sur le plan diplomatique, c'est le statu quo. Les observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) sont quant à eux retenus depuis près d'une semaine, sans que les négociations n'avancent.
- L'Est toujours en proie à de vives tensions
Quelque 300 manifestants prorusses ont donné l'assaut contre le siège du parquet régional à Donetsk. La foule a lancé des pierres en direction du bâtiment et d'une centaine de policiers en tenue anti-émeute, qui défendaient le site, répliquant avec des grenades assourdissantes et du gaz lacrymogène. Débordés, ils ont été frappés et désarmés par la foule, qui criait « Fascistes ! Fascistes ! ». Une fois dépouillés de leurs casques, gilets, matraques et boucliers, les policiers ont quitté les lieux, hués.
L'attaque s'est produite à l'issue d'une manifestation prorusse de quelque 10 000 personnes à Donetsk, ville d'un million d'habitants au cœur de ce que les rebelles séparatistes revendiquent comme « la république de Donetsk ». Lundi soir, une manifestation pour l'unité de l'Ukraine avait été attaquée par des manifestants prorusses armés de couteaux et de barres de fer, faisant une quinzaine de blessés. Les rebelles contrôlent l'administration régionale et la mairie depuis plusieurs semaines.
Ces derniers continuent, ces derniers jours, d'étendre leur emprise sur une série de villes de l'Est ukrainien. Ils contrôlent des sites stratégiques (mairie, siège de lapolice et des services de sécurité) dans plus d'une douzaine de villes.
- Les observateurs de l'OSCE toujours retenus
Après plusieurs jours de négociations infructueuses, la chancelière allemande Angela Merkel a demandé au président russe Vladimir Poutine d'user de son « influence » pour obtenir la libération des onze hommes retenus depuis vendredi dernier par des séparatistes dans la ville orientale de Sloviansk. Les négociations pour leur libération semblent patiner depuis plusieurs jours.
Le chef séparatiste et maire auto-proclamé de Sloviansk, Viatcheslav Ponomarev, a pour sa part précisé à l'agence de presse russe Interfax négocier avec les autorités ukrainiennes à leur sujet : « Nous espérons les échanger contre nos camarades qui ont été capturés par Kiev. » Les rebelles de la ville négocient également le sort de trois officiers ukrainiens capturés eux aussi il y a plusieurs jours : « Ils se sentent bien, nous allons aussi essayer de les échanger », a-t-il indiqué.
- Un 1er-Mai particulier
En ce 1er mai, les traditionnels défilés de la Fête du travail ont donné à chaque camp l'occasion de défendre ses couleurs et ses slogans.
A Kiev, les habitants ne se sont guère mobilisés en dépit de la gravité de la crise, la pire qu'ait jamais connue ce pays issu de l'Union soviétique depuis son accession à l'indépendance en 1991. Seules 2 000 à 3 000 personnes se sont réunies dans le calme, scandant des slogans en faveur de l'unité de l'Ukraine.
A Moscou, par contraste, la mobilisation a été massive : environ 100 000 personnes ont défilé sur la place Rouge, renouant avec une tradition datant de l'URSS. « Je suis fier de mon pays », « Poutine a raison », proclamaient des pancartes brandies dans la foule.
Même phénomène à Simferopol, capitale de la péninsule ukrainienne de Crimée, rattachée en mars à la Russie, où quelque 60 000 personnes ont défilé en brandissant des drapeaux russes et des portraits du président Poutine. « Nous sommes la Russie », « Poutine est notre président », pouvait-on lire sur leurs banderoles.
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L’avenir du Donbass, ce territoire qui regroupe les régions administratives de Donetsk et de Lougansk, dans l’est de l’Ukraine, tient-il à quelques tentes qu’une poignée d’individus entendent planter un dimanche de printemps ? C’est le pari des séparatistes prorusses de la région : organiser, le 11 mai, sur un territoire dont ils ne contrôlent que quelques confettis, un référendum d’autodétermination qui, espèrent-ils, ouvrira la voie à un rattachement à la Russie.
Loin des occupations fracassantes et très médiatisées de bâtiments administratifs à Donetsk ou Lougansk, loin de la place forte surarmée qu’est devenue Sloviansk, le « Donbass profond » s’organise, et les partisans du référendum trouvent face à eux un boulevard.
Samedi 26 avril, c’est jour de manifestation à Torez. Quelque 500 personnes, sur une population de 50 000, sont là. L’enthousiasme est réel, les discours outranciers : « Le gouvernement de Kiev construit des camps de concentration, embauche des mercenaires étrangers. J’ai peur d’un génocide pour notre peuple. » On parle aussi de l’identité russe de la région, des liens économiques avec Moscou. Dans cette ville sinistrée, où trois mines subsistent sur les dix-sept des temps glorieux de l’Union soviétique, les arguments portent. A Torez, les plus modérés se disent pour la « fédéralisation », plus personne ne veut de Kiev.
L’oratrice, c’est Irina Poltoratskaïa. Cette institutrice de 50 ans a installé sesbureaux au rez-de-chaussée de la mairie, sous le buste de Maurice Thorez, ex-secrétaire général du Parti communiste français, en l’honneur de qui la ville a été rebaptisée, à sa mort, en 1964. Les volontaires affluent pour s’inscrire au comité d’organisation du référendum. Mme Poltoratskaïa rassure son monde : « Le 11 mai, vos bureaux de vote habituels seront ouverts. Sinon, on installera des tentes. »
La mairie de Torez est « tombée » en toute discrétion. Le maire, Viktor Antonov, a permis aux manifestants prorusses de s’installer dans le bâtiment. Il a aussi permis que le drapeau de la « république populaire de Donetsk » soit accroché à sa façade, en lieu et place du drapeau ukrainien. « C’était ça ou l’occupation par la force », tranche une volontaire.
TOUTE AUTORITÉ A EXPLOSÉ DANS L'EST
Dans toutes les villes des environs, le tableau est le même : à Chakhtarsk, Snejnoï, Krasny Loutch, on manifeste, on descend le drapeau ukrainien et on érige des barrages – avant tout symboliques – sur les routes. Les autorités locales laissent faire. A Torez, le lieutenant de police explique : « Tant que l’ordre public n’est pas menacé, cela ne nous concerne pas. »
Impossible de savoir combien de ces villes moyennes du Donbass sont concernées. « Toutes », assurent les séparatistes. « C’est très exagéré, répond un conseiller du gouverneur de Donetsk, Sergueï Tarouta. Mais il est vrai que les autorités locales agissent par instinct de survie. Elles sont prêtes à lâcher sur de petits symboles. Et s’ils sentent que la pression monte encore, ils pourront allerjusqu’à aider à organiser le référendum. »
Toute autorité a explosé dans l’Est. Le Parti des régions du président déchu Viktor Ianoukovitch, qui tient la région d’une main de fer depuis l’indépendance, est en débandade. « Chacun des conseillers municipaux décidera en fonction des intérêts de l’homme d’affaires ou de l’oligarque qu’il sert », affirme un élu de Torez, ancien mineur, qui n’accepte de parler que sous couvert de l’anonymat, dans un parc. Les autres conseillers sollicités refusent ; le maire est « hors de la ville »,nous répond-on à deux reprises.
LA « VERTICALE DU CRIME »
« Il attend simplement de voir dans quelle direction soufflera le vent, tranche l’homme, lui-même membre du Parti des régions depuis 2001. En attendant, il garde toutes les options ouvertes en espérant qu’il pourra conserver son poste et tous les avantages financiers qui vont avec. »
Avec l’appui ou le silence bienveillant de ces hommes qui tiennent les administrations et contrôlent les entreprises, le référendum a une chance de setenir et de déstabiliser encore un peu plus la région. Sans eux et leurs puissants réseaux, la partie s’annonce plus difficile.
Igor Abyzov partage le diagnostic du conseiller municipal. Ancien policier devenu directeur du journal local ProGorod, il a vu ses locaux brûler pour avoir affirmé en « une » son soutien à l’unité de l’Ukraine. En fait, M. Abyzov ne sait pas très bien si l’attaque est réellement due aux tensions du moment ou à ses fréquents articles sur la corruption des élites locales : en septembre, il a eu la jambe cassée par des inconnus ; en janvier, il a reçu un coup de marteau sur la tête, en pleine rue.
Le journaliste permet de mieux comprendre cette « verticale criminelle » à laquelle s’accrochent aujourd’hui les potentats des petites villes du Donbass. Il raconte les petites magouilles des fonctionnaires de la mairie – l’argent de l’entretien des routes détourné ou celui qu’il faut verser pour qu’une chaudière installée dans sonlogement soit certifiée « aux normes » – comme les grosses. La grande affaire de Torez, ce sont les mines illégales, creusées presque à la surface du sol et particulièrement meurtrières. La lutte pour leur contrôle – en fait, la revente aux mines officielles du charbon extrait par des mineurs au chômage – fait rage.
C’est aussi contre ce système que se révoltent les prorusses. « Nous avons besoin d’eux [les potentats locaux] pour le moment, assurent Evelina et Elena, mère et fille venues s’inscrire pour l’organisation du référendum. On verra ensuite ce qu’on fera d’eux. »