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La Chine et la Russie défient la suprématie du dollar
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Mediapart) À l’occasion du voyage de Vladimir Poutine en Chine, Moscou et Pékin annoncent des accords bancaire et gazier importants. Objectif : en finir avec l’hégémonie du dollar et la toute puissance américaine.
Ce n’est qu’un accord. Mais dans le climat de tension qui s’est installé entre les États-Unis d’un côté, la Russie et la Chine de l’autre, il est lourd de signification : les deux pays semblent décidés à contester de plus en plus ouvertement le statut du dollar comme seule monnaie de réserve internationale, et à défier les États-Unis.
Mardi 20 mai, la deuxième banque russe, VTB, a annoncé la signature d’un accord avec la banque de Chine afin de désormais se passer du dollar dans leurs échanges et de lui substituer leurs propres devises. « Selon cet accord, les banques projettent de développer leurs relations dans de nombreux domaines, comprenant des coopérations dans les échanges en rouble et yuan dans la banque d’investissement, le crédit inter-bancaire, les échanges commerciaux et les transactions sur les marchés de capitaux », explique VTB dans un communiqué.
Vladimir Poutine et Xi Jinping à Shangahit le 20 mai. © Reuters
Cet accord, rapidement mis au point, vise à développer les échanges en dehors du dollar, afin d’échapper à l’influence américaine. Pékin et Moscou parlent d’élargir leur accord à d’autres pays émergents, comme le Brésil, la Turquie mais aussi l’Iran, afin de créer un vaste territoire d’échanges internationaux échappant à l’influence du dollar. Les deux pays accusent les États-Unis d’abuser de leur hégémonie, d’accumuler des montagnes de dettes et de n’avoir jamais à en répondre, grâce au dollar.
Cela fait plusieurs années que les autorités chinoises reprochent aux États-Unis de gérer leur monnaie dans leurs seuls intérêts, en oubliant sa dimension de seule monnaie de réserve internationale. Depuis la crise financière, les reproches se sont faits encore plus précis : la politique monétaire très laxiste de la Réserve fédérale contribue, selon eux, aux déséquilibres financiers grandissants dans le monde et à une guerre monétaire internationale qui ne dit pas son nom.
Nombre de pays émergents, en particulier le Brésil, qui ont assisté impuissants à des arrivées puis, ces derniers mois, à des départs massifs de capitaux étrangers, partagent désormais l’analyse. Ils ne veulent plus voir leur économie totalement déséquilibrée par ces mouvements de capitaux incontrôlés, liés à la seule politique monétaire américaine. Parallèlement, les pays pétroliers sont lassés de subir une dégradation de leur pouvoir d’achat, en raison de la baisse continue de la monnaie américaine.
La Russie a fait le même constat que Pékin depuis longtemps. Mais la crise ukrainienne a précipité la riposte. Alors que l’économie russe est frappée par les sanctions des pays occidentaux depuis l’annexion de la Crimée, Vladimir Poutine a décidé de réagir très vite.
Dans un premier temps, la Banque centrale russe semble avoir constitué un matelas de réserves internationales dans des pays extérieurs, afin de pouvoir échapper aux sanctions américaines et européennes et ne pas laisser asphyxier l’économie et la monnaie russes. Tandis que certains observateurs s’inquiètent de la fuite massive de capitaux hors de Russie et des ventes massives de la Banque centrale russe, d’autres observent de curieux mouvements sur les marchés.
Depuis décembre, la Belgique est devenue le troisième pays étranger détenteur de bons de trésor américains, derrière le Japon et la Chine. En moins de trois mois, la position belge a augmenté de 141 milliards de dollars. De telles accumulations de capitaux ne peuvent provenir des autorités belges. Certains parlent de mystérieux acheteurs cachés derrière le paravent de la chambre de compensation Clearnet. Il n’en a pas fallu plus pour qu’ils y voient la main russe : les sorties de capitaux hors de Russie équivalent à la montée des avoirs en Belgique.
Dans le même temps, Vladimir Poutine engageait des discussions avec le gouvernement chinois de Xi Jinping, en vue de développer des projets de coopération entre les deux pays. L’accord signé entre les deux banques nationales chinoise et russe intervient à l'occasion du voyage officiel du président russe à Shanghai.
Ce voyage doit être l’occasion pour les deux pays de signer un grand contrat gazier, en négociation depuis des années. Gazprom s’engagerait à fournir plus de 38 milliards de mètres cubes de gaz par an au groupe chinois CPNC, à partir de 2018, pendant trente ans. Ces ventes seraient libellées en monnaie nationale.
La Chine est déjà devenue le principal pays d’exportation pétrolier et gazier pour la Russie, devant l’Allemagne depuis deux ans. Mais cet accord permettra, vu de Moscou, d’échapper à l’emprise européenne pour ses exportations gazières et de ne plus être à la merci de sanctions occidentales.
Bien décidées à faire un bras d’honneur aux États-Unis, Moscou et Pékin entendent, à l’occasion de ce voyage, multiplier les projets de coopération et de développement de leurs échanges. Ils devraient parler ventes d’armes, ventes d’équipements, grands projets d’infrastructures. Autant de sujets qui ne peuvent qu’énerver les Européens et les Américains.
Même si ces premiers accords mettront du temps à voir le jour, ils sonnent comme un sérieux avertissement pour les États-Unis. Après les paroles, la Chine et la Russie passent aux actes : le dollar, qui a permis d’asseoir la puissance américaine sur le monde depuis 1945, n’est plus incontesté.