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Elections: la gauche colombienne se retrouve marginalisée

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Lien publiée le 23 mai 2014

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Le Monde) La Colombie vote à droite. Elle l'a toujours fait. Et, à en croire les derniers sondages publiés, elle s'apprête à le faire massivement, à l'occasion du scrutin présidentiel du dimanche 25 mai. Trente-trois millions d'électeurs sont appelés aux urnes. La candidate du Pôle démocratique (gauche), Clara Lopez, 64 ans, est créditée d'un peu plus de 10 % des intentions de vote. L'ancien maire de Bogota, Enrique Peñalosa, 59 ans, candidat de l'Alliance verte (centre gauche), ne devrait même pas atteindre ce seuil symbolique.

« Pourquoi la gauche colombienne est-elle si faible ? », demande l'analyste Hernando Gomez Buendia, dans la revue Malpensante. La conjoncture actuelle et les scandales qui ont entaché la campagne devraient pourtant favoriser les petits partis. Le président Juan Manuel Santos (centre droit), qui se représente, a pour principal adversaire Oscar Ivan Zuluaga (droite). Les deux hommes ont été ministres de l'ancien président Alvaro Uribe (2002-2010), qui prétend désormaistirer les ficelles depuis le Sénat. Mais la rupture est consommée depuis que M. Santos a engagé des négociations de paix avec la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC, extrême gauche). C'est le sujet qui fâche de la campagne électorale.

La gauche, qui a toujours appelé de ses voeux une issue négociée au conflit armé, se retrouve en porte-à-faux. Le grand débat sur la paix ou la guerre se joue désormais à droite. « Juan Manuel Santos est le plus pur représentant d'une oligarchie détestable. Mais je vais voter pour lui, parce que je veux que mes enfants grandissent et luttent dans un pays en paix », explique Enrique Rodriguez, fonctionnaire syndiqué.

ABSENCE DE PROJET

C'est également la position de Graciela Rubiano, 62 ans, qui toute sa vie a voté à gauche « Zuluaga n'est qu'une marionnette. Face au risque de voir Alvaro Uriberevenir au pouvoir, je vais voter Juan Manuel Santos, dès le premier tour. »Gustavo Petro, maire de Bogota, ancien guérillero et ex-membre du Pôle démocratique, a lui-même apporté son soutien au président de la République.« C'est oublier la logique d'une élection à deux tours », critique Antonio Navarro, ancien camarade d'armes et allié de Gustavo Petro.

Des affiches de la candidate de gauche Clara Lopez, le 14 mai à Bogota.

A gauche, les candidats veulent convaincre que la paix est possible sans Juan Manuel Santos. « Une paix sans corruption », prône Enrique Peñalosa. « Une paix avec plus de justice sociale », propose Clara Lopez. Mais ces deux économistes formés aux Etats-Unis peinent à déplacer le curseur du débat.

« Clara Lopez fait campagne en utilisant des thèmes et des références de la gauche universelle, explique Eugénie Richard, spécialiste de marketing politique.Elle parle de la lutte contre les inégalités, des traités de libre-échange et du grand capital. C'est une bonne campagne pour assurer le vote de la base. Mais ce n'est pas un discours pour gagner des électeurs au-delà de ce premier cercle. »

MAUVAISE GESTION

Le Pôle démocratique, qui depuis plus de dix ans gouverne Bogota, paye aussi le prix de sa mauvaise gestion. Gustavo Petro a déçu. Il s'est forgé une image d'homme autoritaire et erratique. Son prédécesseur, Samuel Moreno, est en prison pour corruption.

C'est à la tête de la mairie de Bogota qu'Enrique Peñalosa a gagné ses galons. Il se veut technocrate, éloigné de la politique politicienne, ni de gauche ni de droite et prêt à travailler avec tout le monde. « Ce manque de définition se retourne contre lui, juge Eugénie Richard. Un technocrate fait un bon maire. Mais un candidat à la présidence doit avoir un vrai projet de pays. Le symbole de sa campagne – une bicyclette – reflète ce décalage. »

Enrique Penalosa, le 18 mai à Bogota.

« La gauche colombienne n'a jamais, à aucune élection, obtenu plus du tiers des voix », rappelle Hernando Gomez Buendia. Et elle a rarement dépassé les 20 %. En 1991, la guérilla démobilisée du M-19, à laquelle appartenaient MM. Petro et Navarro, créait la surprise en obtenant 26 % à l'élection pour l'Assemblée constituante. En 2006, le candidat de gauche et ancien magistrat à la Cour constitutionnelle Carlos Gaviria en obtenait 22 % contre Alvaro Uribe.

Les raisons de cette faiblesse sont complexes. L'interminable conflit armé arrive en tête. Dirigeants paysans, syndicalistes, représentants des Indiens et des communautés noires, militants et candidats de gauche ont été souvent assassinés. Déjà il y a cinquante ans de cela, c'est pour échapper à la violence politique que des paysans ont pris le maquis. Et c'est parce qu'ils y sont restés que la violence politique n'a jamais cessé.

« Non seulement les guérillas n'ont jamais obtenu la moindre conquête sociale, mais elles ont été le principal obstacle au développement de mouvements populaires en Colombie », conclut M. Gomez Buendia.