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    Union sacrée de la bourgeoisie pour préserver le budget de la défense

    Lien publiée le 24 mai 2014

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    (Le Monde) L'armée française essuie une tempête, depuis que le gouvernement a fait part de son intention d'amputer de nouveau les crédits de la défense de 6 milliards d'euros dans les trois ans, au nom de l'effort de réduction des dépenses publiques. L'institution est sous le choc, car il y a cinq mois à peine, en décembre 2013, le président de la République avait arbitré la nouvelle loi de programmation militaire (LPM) pour 2014-2019 après d'homériques batailles interministérielles et des déchirements internes.

    Après des années de baisse continue du budget militaire, ce ne pouvait qu'êtreune LPM d'austérité : tout en prétendant financer les ambitions de la France sur la scène internationale, elle diminue de 14 milliards d'euros le programme d'équipement des armées et ampute de 4,4 milliards sa masse salariale. « La LPM sera totalement préservée », a voulu rassurer vendredi 23 mai le premier ministre, Manuel Valls« Les armées ont déjà fait beaucoup d'efforts depuis des années. Ce sera encore le cas avec la LPM. »

    La défense attend que le chef de l'Etat confirme cet engagement, en vue du collectif budgétaire de juin. Conséquence directe de ce pataquès : le délégué général pour l'armement, Laurent Collet-Billon, qui a en main le plus gros budget public d'investissement en France – 16 milliards d'euros annuels – a suspendu sa signature.

    • Rigueur budgétaire et souveraineté

    Le ministre, Jean-Yves Le Drian est amer. Il a appris la nouvelle offensive du ministère du budget depuis le Sénégal, le 11 mai, quand le député UMP Xavier Bertrand, à partir d'une fuite qui émanerait du secrétariat général de la défense nationale (dépendant de Matignon), a dénoncé sur i-Télé des coupes nouvelles de« 2 milliards par an ». Le 14 mai, pas de clarification présidentielle au conseil des ministres. Ni le week-end suivant au sommet africain de l'Elysée. Jeudi 22 mai dans Paris Match, l'équipe Le Drian assure que celui-ci quittera le ministère si le scénario se confirme.

    Le ministre avait martelé en 2013 que réduire la dette publique, « c'était aussipréserver la souveraineté de la France », et que la défense devait prendre sa part dans la rigueur. Une fois cela fait, la LPM, avec ses 190 milliards d'euros (euros courants) sur six ans, « c'est la Bible ».

    La programmation décline la stratégie voulue par François Hollande dans le Livre blanc de 2013. Elle est censée préserver la dissuasion nucléaire, la protection du territoire et les interventions extérieures françaises, au Mali ou ailleurs. Aux soldats, le ministre a donc promis, lors d'une quarantaine de visites de terrain, qu'elle était « sanctuarisée ».

    L'effort consacré à la défense a été négocié à l'euro près. Deux jours avant declore le budget 2014, « on cherchait encore 10 millions sur 190 milliards », rappelle un parlementaire. Le tout repose sur de vrais paris : l'exportation du Rafale (toujours hypothétique), la perception de ressources exceptionnelles (aléatoires, comptant pour 6 milliards), une nouvelle réorganisation interne.« On n'a jamais cru que tout cela allait tenir, confie un expert, mais tout le monde s'y est mis car c'était le modèle le moins pire possible ».

    Dès janvier, le ministre avait dû reprendre la bataille contre un gel de 800 millions d'euros de crédits sur 2014, toujours en négociation avec Bercy. « Si les crédits ne sont pas dégelés, toute la programmation explose », confiait déjà un de ses plus proches conseillers.

    Le 9 mai, juste avant la tempête, M. Le Drian écrivait à Manuel Valls au sujet du budget 2014, dont dépendent des armements futurs majeurs. Il doit engager 200 millions d'euros nouveaux, notamment pour acheter des drones et lancer le programme d'avions ravitailleurs, crucial pour la dissuasion. La lettre a fait l'objet d'une fuite dans Le Figaro le 23 mai.

    Aujourd'hui, le ministère du budget exigerait 6 milliards d'euros sur trois ans. Ce seront en réalité 10 milliards, sait l'entourage de M. Le Drian, compte tenu des reports de charge (3 milliards), des gels de crédits (850 millions), des surcoûts des opérations extérieures (500 millions) et de « tout ce que va gratter Bercy en douce ».

    Soit le retour du plan catastrophe évoqué lors de l'élaboration de la LPM, le « scénario Z » de Bercy. Il obligerait à mettre le porte-avions sous cocon, à remiserles chars Leclerc et à arrêter la production du Rafale. C'est, conviennent tous les experts, le scénario du déclassement stratégique français, en ce qu'il imposera un nouveau modèle d'armée.

    • La Cocotte-Minute des armées

    Tradition républicaine oblige, l'institution militaire sait mijoter sans rider la surface de l'eau. Mais, cette fois, les trois chefs d'armée (air, terre, marine) ont laissé filtrerqu'ils pourraient démissionner en bloc, du jamais vu sous la Ve République. Comme le ministre, ils ont depuis cinq mois vendu les « moins » de la LPM comme des occasions de « mieux » sous le slogan « Ensemble, défense 2020 ».

    A l'état-major, à Paris, « les officiers sont résignés », témoigne l'un d'eux. Les derniers rapports sur le moral ont été mauvais. Les dysfonctionnements du logicielde paie Louvois continuent de toucher des milliers de militaires et le plan social en cours – 34 500 postes à supprimer d'ici à 2019 reste un « défi colossal » selon le patron, le général Pierre de Villiers. Les chefs d'armées viennent d'apprendre qu'il faudrait aller plus vite encore en 2015 : 7 200 postes à détruire, au lieu de 6 700 prévus.

    « Les gens voient que leurs chefs n'ont plus de prise et que leur parole ne vaut plus rien, tandis qu'on demande des sacrifices », résume un gradé. La hiérarchie s'inquiète par ailleurs de la baisse du niveau d'activité, qui rejaillira sur l'attractivité des armées auprès des jeunes.

    • Le silence du chef de l'Etat

    Le silence du chef de l'Etat – chef des armées depuis deux semaines désarçonne plus d'un acteur du secteur. « Hollande nous fait du Hollande, il attend que toute cette agitation décante. Mais la situation est intenable », peste un expert. Depuis le 11 mai, parlementaires, industriels, syndicats des personnels civils de la défense, se mobilisent par presse interposée. A l'Elysée, Jean-Pierre Jouyet est à la manoeuvre. Le nouveau secrétaire général prend la température depuis dix jours. Vendredi 23 mai, il recevait le général de Villiers.

    L'union est de mise. « Bercy fait des raisonnements uniquement comptables et Matignon ne comprend rien à la défense nationale », peste un député socialiste. Les sept plus gros industriels du secteur ont, eux aussi, alerté. « En France on dit qu'on fait le choix de l'industrie et on fait le contraire », dit l'un d'eux. « Un milliard d'euros de moins, ce seront de 12 000 à 18 000 emplois supprimés, un choc de même ampleur que la sidérurgie lorraine », assure un autre.

    « On est dans la situation de voir l'opposition soutenir une loi que le gouvernement veut torpiller », constate un fonctionnaire de la défense. Les ténors de la droite, dont François Fillon, ont assuré directement le ministre de leur soutien. « Notre outil de défense a connu depuis une vingtaine d'années des réformes comme aucun autre secteur n'en a connues », a plaidé Alain Juppé dès le 11 mai sur RTL.« Toute nouvelle coupe limiterait notre capacité d'intervention extérieure. »

    Mardi, le ministre de la défense sera reçu à huis clos à l'Assemblée par la commission de la défense, mais aussi celle des finances. Pour son président UMP Gilles Carrez, « ce serait une erreur de remettre en cause la loi de programmation militaire ».