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    Sur TF1, Sarkozy rejoue le grand air du martyr de la justice

    Lien publiée le 3 juillet 2014

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    (Mediapart) À peine mis en examen pour corruption et trafic d'influence, l'ancien président de la République s'en prend vivement à la justice et au pouvoir socialiste, espérant ainsi faire oublier les graves soupçons dont il est l'objet.

    Le numéro est un peu usé, mais l’artiste le connaît sur le bout des doigts. Après l’inoubliable tribune dans Le Figaro pour dénoncer des écoutes téléphoniques selon lui dignes de la « Stasi », Nicolas Sarkozy a encore déroulé ces éléments de langage visant à le faire passer pour un martyr de la justice, mercredi soir, dans une interview enregistrée dans ses bureaux puis diffusée par TF1 et Europe 1, juste après sa mise en examen dans l’affaire Azibert-Herzog. À grand renfort de formules péremptoires, de contre-vérités, de fausses questions et de doubles négations, il a tenté vaille que vaille de convaincre qu’il était la victime d’un hypothétique complot des juges et d’une non moins hypothétique « instrumentalisation politique » de la justice (on peut lire le verbatim intégral de son interview ici). Un entretien aux relents berlusconiens.

    Capture d'écran.Capture d'écran.

    « Dans notre pays, qui est le pays des droits de l’Homme et de l’État de droit, il y a des choses qui sont en train d’être organisées et les Français doivent les connaître et, en leur conscience et en toute liberté, doivent juger de ce qu’il en est. Et je veux dire cette vérité », démarre Nicolas Sarkozy, aussi mystérieux que solennel.

    Premier argument de l’ex-chef de l’État : il serait la victime d’un « acharnement » de certains juges. « Profondément choqué » par sa garde à vue, l’ancien ministre de l’intérieur et chantre de la « tolérance zéro » pour les délinquants l’assure, « il y a eu une volonté de m’humilier en me convoquant sous le statut de la garde à vue qui n’est pas normal ». Choqué de se retrouver « à deux heures du matin » face à « deux dames », les deux juges d’instruction qui l’ont mis en examen pour « corruption active », « trafic d’influence » et « recel de violation du secret professionnel », chefs d’accusation qu’il qualifie sérieusement de « grotesques », Sarkozy demande ceci : « Ne pouvait-on pas me convoquer ? » « Moi qui ai un casier judiciaire vierge, est-il normal d’être traité comme ça ? » Le Code de procédure pénale le permet pourtant, et la chose n’a rien d’anormal, même si elle est rare pour une personnalité politique. Pas à une contradiction près, Nicolas Sarkozy assure pourtant ne demander ni passe-droit, ni privilège…

    Pour preuve de la douleur subie, et du sort injuste qui lui est fait, l’ancien président s’est encore indigné des écoutes téléphoniques dont il a été l’objet dans l’enquête sur le possible financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007. Un soupçon étayé par plusieurs témoins et sérieusement documenté, mais que Nicolas Sarkozy juge pour sa part « absurde » et insultant. « Est-il normal que je sois écouté dans mes conversations les plus intimes depuis le mois de septembre de l’année dernière ? » s'émeut Nicolas Sarkozy. Ces fameuses écoutes téléphoniques qui l’ont visé, là encore, Nicolas Sarkozy feint d’oublier qu’elles ont été décidées par des juges d’instruction indépendants, Serge Tournaire et René Grouman, et qu’elles sont a priori légales.

    Qu'importe. Si autant de juges sont à ses basques, ce n'est pas parce qu'il a pu enfreindre la loi, mais parce qu'on lui en veut personnellement, martèle l'ex-président, qui semble vouloir s'en convaincre lui-même. « Cela fait 35 ans que je fais de la politique. Jamais aucun responsable politique n’a été autant examiné par des magistrats, des policiers. Aujourd’hui, il y a peut-être une vingtaine de magistrats qui s’occupent de moi, des dizaines de policiers, et je suis écouté dans tous mes téléphones depuis plusieurs mois. On ne trouve rien. On ne trouvera rien », lâche-t-il.

    Capture d'écran.Capture d'écran.

    Autre argument déjà répété en boucle par sa garde rapprochée : l’ex-chef de l’État serait aux mains de juges partiaux. Qu’importe si la juge d’instruction désignée en première position pour instruire le dossier Azibert-Herzog, Patricia Simon, n’a aucune appartenance syndicale ni sensibilité politique connue. Le tir sarkoziste est concentré à dessein sur la deuxième juge assistant sa collègue, Claire Thépaut, qui a le tort immense à ses yeux d’être membre du Syndicat de la magistrature (SM). Une organisation classée à gauche, et qui a eu le toupet de signifier à Nicolas Sarkozy qu’il avait fait du mal à la justice place Beauvau et à l’Élysée, avant d’appeler à voter Hollande, dans une tribune, le 2 mai 2012.

    « Est-il normal que dans un dossier où mon nom apparaît, on saisisse un magistrat qui appartient au Syndicat de la magistrature ? » s’offusque Sarkozy, comme s’il pouvait choisir ses juges. En faisant mine d’ignorer que deux juges d’instruction – et non une – sont désignées, qu’elles l’ont été par la présidence du tribunal de grande instance de Paris – et non par le pouvoir politique. Enfin, l'avocat Sarkozy fait semblant de ne pas savoir que les magistrats ont le droit de se syndiquer, et surtout que l'indépendance des juges du siège est garantie par la Constitution (lire ici notre analyse des contre-vérités portées par les partisans de Nicolas Sarkozy à propos de la juge Thépaut).

    Pour rendre la thèse du complot plus appétissante, Nicolas Sarkozy insinue d'un air entendu que le pouvoir socialiste est à la manœuvre, qu’il y a « des choses qui sont en train d’être organisées ». Citant le nom de François Hollande, mais aussi ceux de Manuel Valls, Christiane Taubira et Michel Sapin, il suggère sans rien prouver qu'il existe une machination contre lui. Il en veut pour preuve le fait que les archives de la présidence de la République, pour la période qui le concernait (2007-2012), aient été « distribuées à toute personne qui les voulait », alors qu’elle ont en fait été remises à un juge qui les demandait officiellement. Cela semble être un crime aux yeux de Sarkozy.

    N’ayant strictement rien à se reprocher, Nicolas Sarkozy jure encore qu’il est blanc comme neige dans l’affaire Bygmalion, et que sa campagne 21012 « n’a pas coûté un sou au contribuable ». Il laisse enfin planer un suspense insoutenable sur la décision qu’il prendra, fin août ou début septembre, sur son éventuel retour en politique…