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    Pacte de responsabilité: un débat sous haute tension

    Lien publiée le 4 juillet 2014

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    (Mediapart) La discussion sur cette mesure emblématique de la nouvelle politique économique de François Hollande a été vive cette semaine. Le vote, mardi 8 juillet, sera une épreuve de vérité pour le gouvernement et les contestataires socialistes. Instantanés.

    L'Assemblée examinait cette semaine le « pacte de responsabilité et de solidarité ». Un vaste paquet de mesures de réduction du coût du travail, emblème de la nouvelle politique économique du duo Hollande-Valls. D'ici 2017, 41 milliards de réductions de cotisations sociales et d'exonérations fiscales sont prévues pour les entreprises, contre 5 milliards d'exonérations sociales pour les salariés, mais aussi des gels de prestations.

    Comme la semaine dernière, lors du vote du budget rectificatif, deux lignes politiques politiques sont apparues. L'une, défendue par le gouvernement, parie sur une politique très pro-entreprises. « Le cap doit être tenu, la meilleure façon d'arriver n'est pas de faire des embardées mais de s'en tenir résolument au chemin proposé », a justifié la ministre des affaires sociales, Marisol Touraine.

    L'autre, un "mix" de politique de l'offre (pour reconstituer les marges des entreprises, au plus bas) et de la demande, est défendue par l'"Appel des 100" (en fait, une cinquantaine de députés PS contestataires) et les écologistes, soutenus par le Front de gauche.

    « Le pacte de responsabilité, décidé unilatéralement par le président de la République en janvier dernier, correspond à un credo idéologique selon lequel la baisse des charges peut avoir des effets sur l'emploi. Ce n'était pas celui de la gauche, plutôt celui de la droite, analyse Laurent Baumel, ancien strauss-kahnien comme Marisol Touraine, devenu l'un des meneurs de la contestation. Oui, ce lien peut exister. Mais les chefs d'entreprise se plaignent d'abord d'une absence de commandes. Le pacte de responsabilité est un choix idéologique, un pari un peu naïf du président de la République sur l'engagement du patronat français vis-à-vis du développement de l'emploi. »

    Instantanés du débat, avant le vote du mardi 8 juillet.

    Lundi 30 juin. Le spectre du "vote bloqué"

    On est après le dîner, vers 22 heures. L'examen du texte va commencer. Christian Eckert, le secrétaire d’État au budget, ancien député sceptique entré au gouvernement, demande la parole. D'un ton badin, il demande la "réserve des votes" sur le premier article de la loi, qui abaisse les cotisations sociales payées par 7 millions de salariés et de fonctionnaires payés au niveau du Smic.

    Cette disposition permet au gouvernement d'imposer une discussion sans vote. Elle est en général utilisée pour éviter l'obstruction parlementaire, mais très rarement par un gouvernement contre sa propre majorité, surtout sur des textes budgétaires.

    Mais cette fois, la "réserve des votes" a pour but d'éviter au gouvernement Valls d'être mis en minorité. Quelques minutes plus tard doit arriver un des amendements les plus emblématiques des députés contestataires : l'instauration de la CSG progressive, première étape de la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG, une des promesses de campagne du chef de l'État, tombée aux oubliettes. Mais les députés contestataires sont majoritaires dans l'hémicycle : ce lundi soir, bien des élus ne sont pas rentrés de leurs circonscriptions, le groupe a eu du mal à mobiliser. 

    Face à ce coup de force du gouvernement, l'Assemblée s'enflamme. « Nous sommes dans une crise très grave au sein de la majorité », proteste le patron des députés UMP, Christian Jacob. « Le Parlement est bafoué », lance l'écologiste Jean-Louis Roumegas. « Il y a dix, quinze ans, nous étions quelques-uns dans cette assemblée à ne pas être députés et à plaider pour une Sixième République, rappelle Karine Berger, une ancienne de la "C6R" d'Arnaud Montebourg, qui ne fait pas partie des "frondeurs". Je me donne raison d'avoir tenté à l'époque de faire entendre raison au mécanisme démocratique de notre République. » 

    Sur tous les bancs, les élus exhortent le gouvernement à dire s'il va ou non recourir à un vote bloqué (sur les seules dispositions qui lui conviennent). Ou même au 49-3, l'arme atomique qui lui permettrait d'engager sa responsabilité sur le texte. 

    Le flottement durera jusqu'au lendemain après-midi. Cette fois, les députés PS sont en nombre. Pour le gouvernement, le danger d'être mis en minorité s'éloigne. Christian Eckert demande la levée de la « réserve des votes ». Cela provoque une belle pagaille. Il faut procéder à toute vitesse aux votes bloqués la veille, mais les services administratifs n'ont pas été mis au courant. Les amendements n'ont pas été imprimés. La droite s'énerve. Le président de la séance, Denis Baupin, s'emmêle les pinceaux : 
     

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    « Une autre cohérence, une autre logique politique »

    « Les choix que nous allons faire sont essentiels », prévient au premier soir Jean-Marc Germain. Proche de Martine Aubry, il est un des leaders de la contestation socialiste. Au fur et à mesure des débats, il égrène les « milliards » donnés aux entreprises sans contreparties. Il pointe aussi le « risque de l'austérité », demande une politique plus équilibrée, des mesures pour relancer la demande des ménages. « Un choix historique, je suis d'accord. L'austérité, je ne suis pas d'accord », rétorque le secrétaire d’État Christian Eckert. 

    L'"Appel des 100" comme le gouvernement veulent réaliser 50 milliards d'euros d'ici 2017. Mais les solutions proposées pour y parvenir divergent. Le débat sur la CSG en est une parfaite illustration. Créé il y a trente ans par le gouvernement Rocard, cet impôt pèse davantage sur les plus modestes. Contestataires socialistes et écologistes proposent de la rendre progressive. Le prélude d'une grande réforme fiscale annoncée par François Hollande, enterrée après la présidentielle, exhumée par Jean-Marc Ayrault, à nouveau abandonnée depuis. 

    « Vous avez la possibilité de mettre en œuvre vos valeurs, lance aux députés socialistes Laurent Baumel. Voilà des décennies que nous plaidons pour une grande réforme fiscale. (…) Vous avez la possibilité de mettre en œuvre l'engagement 14 du président de la République, d'être fidèle au contrat démocratique pris devant les électeurs. Vous avez la possibilité de rester dans l'Histoire non pas simplement comme la première majorité de gauche qui aura voté 40 milliards de réductions de cotisations pour les entreprises, mais comme la première majorité de gauche qui aura voté cette réforme. »
     

    « Ne pas voter la CSG progressive serait une faute indélébile », lance Christian Paul, autre "frondeur". « Créer un impôt citoyen avec la fusion de la CSG et de l'impôt sur le revenu est fondamental », ajoute Pierre-Alain Muet, ancien conseiller économique de Lionel Jospin à Matignon. « La CSG baisserait pour 99 % des ménages ! » argumente Jean-Marc Germain, qui propose d'en financer le coût (14 milliards en 2017) par une moindre baisse de l'impôt sur les sociétés et des cotisations patronales. Problème : la baisse du coût du travail, qui n'était pas un problème pour François Hollande pendant la campagne, l'est devenue. C'est même désormais le cœur du pacte de responsabilité.

    Deux lignes politiques s'opposent. La ministre de la santé, Marisol Touraine, l'admet : « Ce n'est pas un aménagement au texte gouvernemental qui est proposé, c'est une autre cohérence. (…) Nous ne pouvons pas engager une logique politique totalement différente que celle du gouvernement. »

    Cette proposition, lance-t-elle à l'adresse d'une partie de sa majorité, « aboutirait à pénaliser fiscalement une part considérable des classes moyennes ». Or, ajoute-t-elle, « pour que l'ensemble des Français puissent bénéficier de notre sécurité sociale, y compris les plus modestes, il faut que des classes moyennes acceptent de payer » : 

    Mardi 1er juillet. Les "frondeurs" au pied du mur

    Sur les trois derniers rangs, quelques-uns des socialistes contestatairesSur les trois derniers rangs, quelques-uns des socialistes contestataires © capture d'écran Assemblée nationale

    Fébrilité à tous les étages, ce mardi matin 1er juillet. Dans quelques heures, l'Assemblée doit se prononcer sur le budget rectificatif examiné la semaine précédente, qui contient des réductions de l'impôt sur le revenu, mais aussi 4 des 50 milliards du plan d'économies annoncé par Manuel Valls dans son discours de politique générale, le 3 avril.

    Faut-il le voter ? Les rebelles du PS mettent du temps à se mettre d'accord. L'aile gauche, menée par Pouria Amirshahi, plaide l'abstention. Les aubrystes et Laurent Baumel jugent difficile de ne pas voter un texte avec d'importantes baisses d'impôt. Pour ces élus, qui sont ou ont été des hommes d'appareil au PS, se mettre en dehors de la majorité semble encore difficile.

    Lors de l'habituelle réunion du groupe PS, Manuel Valls a évoqué une possible dissolution. Pour dire qu'il n'en a « pas peur » mais qu'il ne serait pas non plus le premier ministre de l'« enlisement », des propos qu'il répétera le lendemain sur BFM-TV« Marquer contre son camp, ça peut arriver, dit la porte-parole du groupe PS de l'Assemblée, Annick Lepetit, référence footballistique à la victoire des Bleus la veille contre le Nigeria. En faire un acte à répétition ne peut rester sans conséquences. » Menace claire de représailles.

    Finalement, au terme de longues discussions, les contestataires décident de voter "oui". « Nous avons choisi de privilégier la démarche collective », justifie Pouria Amirshahi. S'ils s'abstiennent, ce sera sur le pacte de responsabilité mardi 8 juillet, laissent-ils entendre. Le budget rectificatif est adopté à 307 voix contre 232. Seul un socialiste, Christophe Léonard, s'est abstenu. Un de ses collègues de l'aile gauche, Pascal Cherki, « totalement opposé à la politique économique du gouvernement », n'est pas venu voter. 

    « L’avancée sur le retrait de trois millions de Français de toute fiscalité et la volonté de ne pas apparaître comme des casseurs de majorité ont primé », explique Philippe Baumel, un proche d'Arnaud Montebourg et de Martine Aubry. « Ne doutez pas une seconde de notre détermination, ce n’est pas le début d’une débandade », jure un autre. « Pour moi, le gel des retraites par exemple est infranchissable. S'il est voté, je voterai contre ou m'abstiendrai, assure Kheira Bouziane. C'est l'ADN de la gauche ! »

    Au même moment, la socialiste Barbara Romagnan, autre contestataire, voit un poste de rapporteur d'une commission d'enquête sur les 35 heures lui échapper. Le groupe PS a présenté une autre candidate contre elle. C'est l'heure des règlements de comptes.

    Mercredi 2 juillet. « Un gouvernement dit de gauche »

    Après des heures d'un débat morne, où les contestataires se voient systématiquement battus, arrive mercredi après-midi l'article 9, un des plus contestés : le gel d'une partie des prestations sociales.

    Au départ, le gouvernement souhaitait les geler toutes. Mais il a dû reculer sur le RSA, face à la fureur de sa majorité. Le Conseil d’État l'a empêché de geler les prestations familiales, d'invalidité et les rentes d'accident du travail – ce n'est que partie remise, ces gels devraient être votés cet automne. Les allocations logement aussi ont été épargnées. « Donc aujourd’hui on ne parle que des retraites », précise Marisol Touraine. La ministre juge l'« effort légitime, ce ne sont pas les retraités les plus modestes », surtout dans un pays où« il n’y a pas de perspectives d’emploi pour les jeunes » (sic).

    En pratique, les pensions supérieures à 1 200 euros par mois (la moitié des 15 millions de retraités) ne seront pas revalorisées sur l'inflation jusqu'en octobre 2015. Une mesure qui s'ajoute au gel des retraites complémentaires, à la suppression de la demi-part pour les veuves, votée par la droite et reconduite par la gauche, à la suppression de l'abattement fiscal de 10 % pour les parents de trois enfants, etc. « C'est l'austérité que vous prévoyez », assure l'UDI Philippe Vigier, pourtant favorable à des économies plus drastiques encore. L'UMP accuse le gouvernement de « faire les poches » des retraités.

    À gauche, Fanélie Carrey-Conte (aile gauche du PS) évoque son « désarroi ». « C’est une véritable ligne rouge. Cet amendement n’est pas acceptable. La juste répartition des efforts ne signifie pas que les Français les plus modestes et leurs familles soient inévitablement appelés quand il s’agit d’aider les entreprises », ajoute Christian Paul. Pour Jean-Marc Germain, le problème est aussi politique car ces hausses mises « bout à bout » accréditent l'« angoisse des personnes modestes ». « Geler des prestations n’a qu'un effet immédiat, c’est une politique de facilité », ajoute Pierre-Alain Muet.

    Jacqueline Fraysse (Front de gauche) s'étonne qu'une telle mesure soit prise par un gouvernement « dit de gauche » :

    C'est l'heure du vote. L'hémicycle se remplit de socialistes qui arrivent en courant : le secrétaire d’État aux relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen, veille au grain. Par 53 voix contre 76, le gel des retraites est adopté.

    Mercredi soir, la discussion se termine vite. Pour les contestataires de la majorité, le résultat est maigre. En deux semaines, ils n'ont réussi à faire voter aucune de la trentaine des propositions alternatives qu'ils soutenaient.

    Mardi 8 juillet, un certain nombre d'entre eux devraient s'abstenir, voire voter contre le pacte de responsabilité. En tout, ils sont 55 à avoir cosigné des amendements non autorisés depuis quinze jours. Seront-ils finalement une dizaine à s'abstenir (il y avait eu 11 abstentionslors du discours de politique générale de Manuel Valls du 8 avril) ? Une quarantaine, comme lors du vote du plan d'économies de 50 milliards, le 29 avril (41 abstentions) ? Davantage ?

    Un nombre faible d'abstentions signerait une victoire de Manuel Valls, et donnerait le sentiment que cette "fronde" socialiste était d'abord verbale.