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Grève à l’hôpital psychiatrique de Villejuif, c’est le gros bordel

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Lien publiée le 5 juillet 2014

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://communismeouvrier.wordpress.com/2014/07/05/greve-a-lhopital-psychiatrique-de-villejuif-cest-le-gros-gros-bordel/

rue89.nouvelobs.com, 4/07/2014

La mini-plage dans la cour d’honneur de l’hôpital psychiatrique de Villejuif, le 30 juin 2014 (Ramsès Kefi/Rue89)

La mini-plage dans la cour d’honneur de l’hôpital psychiatrique de Villejuif, le 30 juin 2014 (Ramsès Kefi/Rue89)

Un jeune homme joue à la console de jeux dans les bureaux de la direction pour tuer le temps. Il ne glande pas, il est gréviste et volontaire, comme d’autres, pour occuper les locaux de sa hiérarchie afin d’accentuer la pression sur celle-ci.

Depuis le 2 juin, une partie du personnel de l’hôpital psychiatrique Paul Guiraud de Villejuif est en grève. Elle proteste contre le projet qui vise à faire passer, dès le mois prochain, les journées de travail de plus d’un millier d’agents hospitaliers de 8 à 7h36 et en contrepartie, à leur supprimer 9,5 jours de RTT – sur les 27 dont ils bénéficient actuellement.

Vendredi après-midi, des ambulances ont été refoulées à l’entrée de l’hôpital et redirigées vers d’autres établissements.

Quelques heures plus tard, des grévistes ont décidé de « virtuellement » libérer des centaines de patients en manipulant le système informatique.

A 23h32, Henri Poinsignon, le directeur, a envoyé un e-mail de « haute importance » à tous les agents de Paul Guiraud. Extrait :

« Des incidents graves empêchent à nouveau le fonctionnement normal du dossier patient informatisé, notamment la sortie massive du logiciel CPage [un logiciel qui collecte des renseignements sur les patients, ndlr]. Nos hôpitaux sont ainsi vidés virtuellement et informatiquement, mais aussi juridiquement. »

Il n’y a pas eu d’évasion, mais l’objectif de faire péter un plomb aux chefs est atteint.

« Les hôpitaux vidés informatiquement »

Quand on entre dans le bureau d’Henri Poinsignon – sur la porte duquel les grévistes ont accroché une caricature de lui –, il prend une feuille blanche et dessine un schéma pour résumer l’incident.

Un ou plusieurs individus se sont connectés à CPage, avant de mettre la quasi-totalité des quelque 500 patients de l’hôpital en statut « sortants ».

Le bureau du directeur Henri Poinsignon (Ramsès Kefi/Rue89)

Le bureau du directeur Henri Poinsignon (Ramsès Kefi/Rue89)

Rien de très compliqué a priori. Parmi le personnel, ils sont nombreux à y avoir accès. Selon la direction – qui a saisi la justice –, il a suffi de quelques manipulations pour modifier les informations, mais plus de 48 heures pour tout restaurer. Henri Poinsignon :

« Ordonnances, administration des traitements, repas ou encore examens biologiques : CPage alimente des applications essentielles pour la prise en charge des patients au quotidien. Ces actions mettent donc clairement en danger leurs soins et leur sécurité. »

La réputation d’un établissement ingérable

Les syndicats réfutent les termes de « sabotage » et de « piratage » et accusent leur hiérarchie d’exagérer. Eux parlent d’action sans risque pour les patients, même si le plan de départ voté en assemblée générale – marquer les malades en sortie provisoire, ce qui occasionne moins de dégâts dans le système – n’a pas été respecté. Bruno Liebon, secrétaire du syndicat CGT :

« Le but était de perturber le fonctionnement de l’établissement. Nos collègues qui étaient à ce moment en charge des patients avaient été mis au courant, donc il ne pouvait y avoir aucune conséquence. »

Joël Volson, secrétaire du syndicat Sud Santé, admet que « des agents très en colère » n’ont pas respecté les consignes :

« Mais avant de faire ça, tous les documents en rapport avec la prise en charge des patients avaient été imprimés. »

Il ajoute :

« Oui, certains modes d’actions sont illégaux, mais quelles sont nos solutions ? Dans un hôpital, la grève est souvent invisible puisque le personnel ne laissera jamais tomber les patients, alors comment doit-on faire ? On lutte avec nos moyens. »

L’hôpital psychiatrique de Villejuif traîne la réputation d’un établissement ingérable. L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a souligné dans un rapport le « mauvais climat social endémique », les problèmes de gestion et les guéguerres de pouvoir.

« On fera huit heures, comme d’habitude »

Le mouvement de grève, qui crispe actuellement tout l’hôpital – aucun chiffre précis sur l’ampleur de la mobilisation – entre dans sa cinquième semaine. Les mines sont fatiguées et surtout, le dialogue extrêmement compliqué.

La direction met en avant des impératifs économiques pour justifier sa décision de modifier l’organisation du travail. Elle explique que le secteur de la santé est en crise et que l’hôpital a besoin de dégager du cash pour se lancer dans de nouveaux investissements. Autre justification : avec 27 jours de RTT, Paul Guiraud est largement au-dessus de la moyenne nationale, donc a priori, pas d’injustice si elle y touche – l’Igas y est favorable.

L’intersyndicale – CGT, FO, Sud et ex-membres de la CFDT – soutient que cette mesure n’a aucun intérêt. Ni pour les employés, qui bossent en sous-effectif dans un domaine difficile et voient les RTT comme un précieux moyen de déstresser, ni pour les patients.

Joël Volson de Sud Santé développe :

« Nous sommes là pour nouer des relations de confiance avec des patients, qui parfois – et on a tendance à l’oublier – sont là contre leur gré. On parle de psychiatrie. D’un point de vue organisationnel, une journée à 7h36 réduirait le temps de passation entre les équipes à 42 minutes, au lieu de 1h30. Or, ce moment est précieux pour nous réunir et faire le point sur les patients. »

Il poursuit :

« De toute façon, qui aura sa montre réglée sur 7h36 de travail ? On fera huit heures, comme d’habitude. »

« S’il le faut, on est prêts à passer l’été ici »

Cinq semaines, c’est long. Les grévistes se relaient. Pendant que les uns bossent, ceux qui sont en congés ou en repos viennent pour tenir les piquets et occuper les locaux encore un peu. Il faut être là le jour et la nuit. Ne montrer aucun signe de faiblesse qui pourrait donner l’impression que le mouvement s’essouffle.

L’hôpital a assigné 40 d’entre eux en référé devant le tribunal de Melun – dont Joël Volson et trois autres représentants syndicaux – pour réclamer la fin de l’occupation de ses locaux, qui pourrait intervenir dans les prochaines heures, selon des sources syndicales.

Samedi, la direction avait réussi à les reprendre un temps, les grévistes ayant momentanément déserté les lieux. La com’ de l’hôpital affirme qu’à leur retour, ils auraient cassé la porte alors fermée à clé. Les syndicats corrigent : ils l’auraient simplement démontée, sans faire de casse.

Tant que ses bureaux seront squattés, la direction refusera de négocier. Et tant que celle-ci n’aura pas laissé tomber son projet, les grévistes ne seront pas disposés à discuter.

Une mini-plage a été installée dans la cour d’honneur. Un parasol, des chaises et du sable, achetés grâce aux dons des uns et des autres, y compris des médecins.

« Ils pensaient que les vacances d’été allaient nous refroidir et leur permettre de faire passer ça en douceur », glisse un syndicaliste :

« S’il le faut, on est prêts à passer l’été ici. En plus, il y a la plage. »