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Suède: l’extrême-droite distance le ’Parti de gauche’

international Suède

Lien publiée le 16 septembre 2014

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

Légende : affiche du Parti communiste suédois (SKP), "la collaboration de classe ... à qui cela profite-t-il?". On y voit les logos des partis de gauche avec les partis de droite dans la main droite.

L'Europe vire de plus en plus au brun, pendant que les Rouges qui ont choisi de mettre de l'eau dans le vin sombrent. La Suède n'échappe pas à ce sombre tableau, face au parti néo-nazi en plein essor, le « Parti de gauche » reste en basses eaux.

Les partis du consensus dominant, la droite et la social-démocratie, n'ont jamais été aussi faibles en Suède. D'un côté, la droite a été sanctionnée pour sa politique libérale de privatisations et cadeaux aux plus riches, son « Alliance pour la Suède » passe de 49 % à 38 %.

De l'autre côté, le Parti social-démocrate remporte une victoire à la Pyrrhus.

Arrivé en tête avec 31 % des voix, il ne gagne qu'un siège. Et ses partenaires dans l'alliance « Rouge-rouge-verte » attendue, stagnent comme le « Parti de gauche » (ex-communiste) avec 5,7 % et 21 députés, ou reculent comme les Verts qui enregistrent 6,8 % des voix et 24 sièges.

Le parti féministe attendu comme la surprise, dont la vague a été alimentée par les médias dans les sondages, se dégonfle n'obtient que 3,1 % des voix et ne rentrera pas au Parlement

Une percée préoccupante : l'extrême-droite néo-nazie passe de 1 à 13 % en dix ans !

Il y a un grand gagnant, il a été largement perçu comme le « parti anti-système » : ce sont les Démocrates de Suède (SD). La formation d'extrême-droite continue son irrésistible ascension : 0,1 % en 1991, 0,4 % en 1998, 1,4 % en 2002, 2,9 % en 2006, 5,7 % en 2010 et 12,9 % en 2014.

Les fascistes du SD ont doublé leur nombre d'électeurs (de 340 000 à 780 000) ainsi que leur nombre de députés, avec désormais 49 représentants au Riksdag (parlement suédois).

SD plonge ses racines dans la mouvance néo-nazie suédoise – avec une identité basée sur la « suprématie de la race blanche » –, son premier président était un ancien militant du « Parti nordique du Reich », tandis qu'il était parrainé par le vétéran de la Waffen SS Gustav Ekstrom.

Depuis, SD essaie de se présenter comme un « parti anti-système modéré » (sic). La flamme héritée empruntée au Front national a laissé place en 2006 à une fleur bleue et jaune. Les références au national-socialisme cèdent face à un programme nationaliste, teinté de social.

En effet, SD continue de marteler sur son thème identitaire du refus de l'immigration (« la Suède aux Suédois », depuis longtemps slogan de référence du parti) mais l'articule désormais à une critique de l'Union européenne ainsi qu'à une défense de l'Etat-providence (pour les Suédois).

hejasverige.jpgLes slogans de la campagne de 2014 combinent populisme flou (« Le changement, c'est maintenant!), nationalisme cocardier (« Heja Sverige », « Moins d'Europe, plus de Suède ») et xénophobie à tonalité sociale (« Arrêtons la mendicité organisée » ; « moins d'immigration ici, plus d'aide pour les réfugiés là-bas ! »)

Les résultats du scrutin de dimanche semblent démontrer que l'électeur typique du SD ne diffère guère de l'électeur suédois moyen, ni par son âge, son genre. Seule sa « composante sociale » change : il est massivement un électeur des classes populaires victime du déclassement, de l'isolement social, du chômage, de la baisse de ses revenus.

D'où vient l'échec électoral de l'expérience « Parti de gauche » ?

A la percée éclatante du parti d'extrême-droite, en face, contraste le résultat décevant du « Parti de gauche » (Vänsterpartiet, ou V), héritier du Parti communiste liquidé en 1991.

En 2010, l'extrême-droite et le « Parti de gauche » étaient à égalité, avec 5,6 % des voix. En 2014, les forces fascistes devancent largement le « Parti de gauche » qui obtient la moitié du score du SD, avec 5,7 % des voix et 21 députés.

Pourtant, les deux partis étaient donnés au coude-à-coude dans les sondages, donnant à cette campagne une allure de course électorale « Extrême-droite fasciste vs les 'Rouges' du Parti de la gauche ». Le SD était donné à 10 %, le Parti de gauche à 8 %. Mais la gauche a perdu.

Cela conduit à un retour critique sur vingt-cinq ans d'expérience de la « Gauche » en Suède.

En 1991, les dirigeants du Parti communiste font le constat erroné de la disparition de la classe ouvrière, de la fin de l'alternative révolutionnaire communiste donc de la raison d'être du Parti communiste comme parti de classe, de masse, révolutionnaire.

Ils décident donc de former un « mouvement de gauche » susceptible de cibler les nouvelles couches moyennes urbaines, sensibles aux problématiques écologistes, féministes, humanistes.La démarche est clairement électorale, si ce n'est électoraliste.

Sur deux marqueurs identitaires communistes, le « Vansterpartiet » ne lâche pas : le refus de l'adhésion à l'Union européenne et la critique du tournant libéral du Parti social-démocrate qui, après 1994, démantèle l'essentiel de l'Etat social suédois.

Dans un premier temps, cette tactique électorale est payante : de 5,8 % en 1988, le Parti de gauche passe à 6,2 % en 1994 et un prometteur 12 % en 1998.

Dans le même temps, les positions communistes historiques trouvent expression dans la critique du gouvernement social-libéral de Goran Persson qui va ouvrir la santé et l'éducation au privé suivant les théories néo-libérales, privatiser les secteurs stratégiques, casser le système de sécurité sociale.

Seul grand parti à refuser l'adhésion à l'Union européenne en 1995, le « Vansterpartiet » jouera un rôle important dans la victoire du « Non » au référendum de 2003 sur l'adhésion à l'euro.

Ce sont ces positions critiques envers l'UE du capital qui pousseront le « Parti de gauche » à refuser à entrer dans le Parti de gauche européenne (PGE) fondé en 2004, aujourd'hui présidé par Pierre Laurent, et qui fait dans ses statuts la « promotion de l'intégration européenne ».

Électoralisme, capitulation devant la social-démocratie et l'UE du capital : les reniements du Parti de gauche ne paie pas

Pourtant, le « Parti de gauche » a depuis mis de l'eau dans son vin, rognant voire reniant certaines positions de principe.

Sur l'Union européenne, il se rapproche, congrès après congrès, des thèses du PGE et de la CES sur la construction d'une « Europe sociale », sur la nécessité d'une réorientation de l'UE et de ses institutions.

Sur la social-démocratie, la perspective d'une « gauche plurielle » se dessine. En 2008, le Parti de la gauche avait formé la « coalition verte-rouge » avec le Parti social-démocrate et les Verts pour former une opposition unie à la droite et envisager un gouvernement de coalition.

Malgré un échec électoral en 2010, cette « coalition rouge-verte » a été réactivée de façon plus discrète dans la campagne de 2014, surtout après que le camp social-démocrate a choisi comme tête de file le dirigeant syndical Stefan Lofven.

Pour faciliter le rapprochement, les dirigeants du Parti de la gauche ont du renier certaines positions de principe – comme sur les nationalisations ou la hausse des salaires.

Ainsi, Ulla Anderson dans Gefle Dagblad (12 septembre) qui préfère « la liberté de choix entre différentes prestataires (publics ou privés choisissant le mieux-disant social » pour ne pas défendre les monopoles publics.

Jonas Stostedt, leader du parti, a même affirmé dans Aftonbladet, le 16 août dernier, interrogé sur la faisabilité de sa proposition de journée de travail de 6 heures « Nous allons utiliser la hausse de la productivité pour réduire le temps de travail, sans augmenter les salaires » (!)

Cette ligne ne paye pas. Les classes populaires, la classe ouvrière votent pour le Parti social-démocrate (les syndiqués) ou choisissent l'abstention ou l'extrême-droite (les moins organisés).

Les classes moyennes urbaines préfèrent les Verts qui ont profité de l'alliance « rouge-verte », passant de 3 % en 1991 à 7 % aujourd'hui. Ou désormais le parti féministe qui capte 3 % de voix.

A vouloir jouer l'opportunisme sur les questions importantes de l'écologie et du féminisme, le Parti de gauche en paye aujourd'hui un prix électoral amer. Sans attirer ces électeurs réticents à voter pour l'ex-Parti communiste.

Aujourd'hui, la pilule est amère. Après avoir voulu courtiser la social-démocratie, celle-ci semble faire les yeux doux aux partis de centre-droit pour un gouvernement d'union : le « Parti du centre », le « Parti libéral-populaire », peut-être même les « Chrétiens-démocrates ».

Le leader du parti social-démocrate, Stefan Lofven, a ainsi affirme être prêt à toutes les alliances, sauf avec l'extrême-droite : « Je tiens à dire que je tends à la main aux autres partis démocrates. Notre pays est trop petit pour accepter le conflit ».

Cela a contraint le dirigeant du Parti de la gauche, Jonas Stostedt, à publier une déclaration pleine de déception : « Les sociaux-démocrates avaient le choix entre gouverner à gauche ou à droite, ils ont choisi la droite.

Cela s'est produit sans discussion sur le contenu, les conditions. Ils disent envisager des accords entre blocs, ce que nous n'avons jamais considéré dans le gouvernement rouge-vert que nous sommes prêts à construire. ».

Après les illusions, la désillusion. La Suède va être gouvernée sur sa droite, par le Parti social-démocrate. Pendant ce temps, la première force d'opposition sera l'extrême-droite, les anti-démocrates « Démocrates de Suède ».

Où est la gauche ? Liquidée en douceur avec le Parti communiste, l'effacement de ses positions historiques d'opposition à l'UE, de distances par rapport à la social-démocratie, de résistance et défense de l’État social, du secteur public, des salaires des travailleurs.

Le leader du « Parti de gauche » Jonas Stostedt s'est inscrit dans l'opposition au gouvernement. Il est temps de faire l'histoire critique de la liquidation du communisme suédois. Et entre-temps de retrouver le terrain de la lutte contre cette Europe du capital, contre la politique de guerre de classe que va mettre en place la social-démocratie.