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Ukraine: présent et avenir

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Lien publiée le 29 septembre 2014

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://russeurope.hypotheses.org/2846

La situation dans l’Este de l’Ukraine ne fait plus la une de la presse. Pourtant, l’application chaotique du cessez-le-feu, mais aussi la révélation des atrocités qu’auraient commises certaines des unités du régime de Kiev, commencent à filtrer. Par ailleurs, la situation générale n’est pas en faveur du gouvernement de Kiev.

1. Application du cessez-le-feu.

Le cessez-le-feu semble se maintenir en Ukraine, quoique les violations soient assez nombreuses et, semble-t-il, essentiellement du fait des forces du régime de Kiev. La zone de l’aéroport de Donetsk semble désormais entièrement contrôlée par les insurgés, les unités pro-Kiev ayant évacué leurs positions ou ayant été détruites. Sur le site de l’aéroport, un certain nombre d’indices laissent à penser que les forces de Kiev comprenaient des mercenaires. Des dictionnaires Tchèque-Anglais ont été retrouvés, ainsi que de papiers d’identités polonais, lituaniens et lettons. Il est cependant impossible en l’état actuel de se prononcer sur la véracité de ces documents, qui peuvent avoir été falsifiés. Les forces de Kiev semblent mettre à profit le cessez-le-feu pour se retirer, en général en abandonnant le matériel lourd (chars et véhicules blindés). Ce matériel est bien entendu récupéré et remis en état par les insurgés. Globalement, le cessez-le-feu a permis de stabiliser une « ligne de front ». La carte ci-dessous donne une vue de la situation au 21 septembre. Depuis, il semble que les troupes de Kiev aient évacué un certain nombre de leurs positions. Les unités « politiques » de la Garde Nationale et des bataillons dits « territoriaux », unités dont la détermination à combattre était évidente, semblent avoir été retirées de la ligne de front.

Carte de la situation militaire au 21 septembre

 A-Carte

Sources: SLAVYANGRAD

Nous avons de plus six cas documentés où les forces armées du régime de Kiev ont délibérément violé le cessez-le-feu :

  1. une attaque au lance-roquettes multiple « Grad » près de Sakhanka.
  2. Un tir d’artillerie a visé la mine de Yenakievskaya.
  3. Des tirs de mortiers contre les résidences de la cité de Kirov (Kirovskoe).
  4. Des tirs de snipers à Peski, où au moins un civil a été blessé.
  5. Lors de l’évacuation de Zhdanovka, les hommes du 41ème Bataillon de Défense Territoriale « Chernigov-2 » ont tenté de miner les installations de la mine de charbon « Kommunar ».
  6. Les soldats de la 93ème Brigade ont détruit, lors de leur retraite le pont routier de Nyzhnyaya Krynka (à proximité de la mine « Kommunar »).

2. Témoignages sur les atrocités commises par des troupes du régime de Kiev.

Par ailleurs, les témoignages, essentiellement dans la presse russe, se multiplient sur les exactions que des troupes du régime de Kiev auraient commises. Certains de ces témoignages, comme ceux rassemblés par des ONG russes et révélés le 24 septembre, semblent suffisamment solides pour donner lieu à une enquête des Nations Unies[1]. On parle ainsi d’enterrement hâtif de dizaines de corps, dont certains présentent des signes d’exécutions sommaires voire de tortures. Le 28 septembre, une autre fosse commune a été trouvée près du village de Nizhnyaya Krynka, où se trouvaient tant la 93ème Brigade de l’armée de Kiev qu’un bataillon de la « Garde Nationale »[2]. Le responsable pour l’Europe de la Croix-Rouge internationale a proposé immédiatement l’aide de son organisation pour identifier les corps et les causes du décès. Les insurgés imputent ces atrocités aux hommes du 41ème Bataillon de Défense Territoriale « Chernigov-2 ». Ce bataillon, « sponsorisé » par un oligarque ukrainien[3], a été constitué au mois de juin. Son premier commandant a été tué le 21 juillet. En règle générale, les hommes de ces unités tendent à avoir un comportement extrêmement brutal avec les civils[4].

Il faut ici signaler la quasi-absence dans la presse occidentale de ces témoignages, qui semblent au-dessus de tout soupçons. L’attitude des médias occidentaux est préoccupante car elle accrédite l’idée, aujourd’hui majoritaire en Russie, d’un « double discours » sur la question des Droits de l’Homme. La presse, si prompte à dénoncer des violations dans de nombreux pays, ce qui est son honneur, se tait quand il s’agit de crimes commis par des troupes se réclamant du régime de Kiev. John Mearsheimer, dans une conférence avec les éditeurs de Foreign Affairs a d’ailleurs exprimé cette crainte combinée au sentiment de la Russie d’avoir été « agressée » par les pays de l’OTAN[5]. Il n’est pas question, ici, d’accuser la totalité du régime, dont on comprend bien que le contrôle qu’il exerce sur ses propres troupes est pour le moins fragile. Mais, le caractère répété et systématique de ces crimes montre bien que des forces internes au régime de Kiev ont pratiqué et pratiquent encore des actes génocidaires sur les populations russes de l’Est de l’Ukraine. D’une certaine manière, ces crimes signent aussi un point de non-retour, comme le remarque le journaliste indépendant Marc Meillassoux[6].

3. Quel avenir ?

Ceci soulève la question de l’avenir de l’Ukraine et de cette région dans les mois qui viennent. La situation économique de l’Ukraine, du moins de la partie restée sous le contrôle du gouvernement de Kiev, apparaît désormais comme désastreuse. Les différents indicateurs économiques montrent un effondrement de l’activité économique, effondrement dont les conséquences sociales seront d’ici cet hiver des plus importantes.

Production industrielle en Ukraine

A-GR2IND

De plus, l’Ukraine se trouve coupée du commerce avec la Russie, où elle exportait une partie de sa production, alors qu’elle est contrainte d’importer du gaz pour se chauffer et faire tourner son industrie. La production d’électricité, très dépendante du charbon du Donbass, est désormais compromise, car plus de 60% des capacités de production charbonnière sont aux mains des insurgés. Il est donc clair que l’Ukraine devra faire face à une crise économique et sociale grave dans le cours de cet hiver. Le gouvernement de Kiev, qui a déjà obtenu une aide substantielle du Fonds Monétaire International, va probablement demander à l’Union Européenne une somme de 8 à 15 milliards d’Euros. Mais, cet argent, si jamais il est effectivement versé, ne servira strictement à rien. Il faudra que l’Union européenne place l’Ukraine sous perfusion, et ce à un moment où la plupart des budgets européens sont réduits. Ce n’est pas divulguer un grand secret que de dire que le gouvernement de Kiev recevra bien plus de beaux discours que d’argent comptant. Le fait que l’Union européenne ait renvoyé l’application de l’accord qu’elle a passé avec Kiev à décembre 2015 est un bon indicateur de ce que sera l’attitude réelle des gouvernements européens.

D’un autre côté, est désormais évident que les régions de l’Est de l’Ukraine n’accepteront pas de solution « fédérale »[7]. Cette solution, que j’avais à de nombreuses reprises soutenue dans ce carnet, est morte dans les combats du mois d’août dernier. Il faut désormais admettre que l’Est de l’Ukraine va avoir un statut de fait d’indépendance, même si cette dernière ne sera pas reconnue internationalement. Les gouvernements de Donetsk et de Lugansk pourront cependant compter sur une aide de la Russie qui devrait leur permettre de faire fonctionner l’économie locale. Cette dernière est traditionnellement très tournée vers la Russie, et il est probable que ces régions seront intégrées de fait dans le développement du Donbass russe.

Alors que tous les regards sont aujourd’hui tournés vers le Moyen-Orient, et vers l’Irak en particulier, on doit rappeler que la solution de l’autonomie mise en œuvre pour le Kurdistan irakien pourrait servir de modèle à une solution pacifique dans l’Est de l’Ukraine. Une telle solution nécessite cependant une coopération de long terme entre la Russie et l’Union européenne, et elle ne sera possible que si l’UE reconnaît le caractère autodestructeur des sanctions[8] et se décide à les abroger d’ici la fin de l’année et si l’UE prend enfin conscience des infractions aux Droits de l’Homme qui ont été commises par des troupes du régime de Kiev dans l’Est de l’Ukraine et se décide à les sanctionner.


[1] http://en.itar-tass.com/world/751011 (communiqué du 24 septembre 2014).

[2] « New burial site found near Donetsk », http://en.itar-tass.com/world/751726

[3] Igor Kolomoyski

[4] « Ukraine’s Punitive Battalions », sur le site SLAVYANGRAD, http://slavyangrad.org/2014/09/16/ukraines-punitive-battalions/

[5] Foreign Affairs, « Conference call with John Mearsheimer », 9 septembre 2014, http://www.foreignaffairs.com/discussions/news-and-events/conferen…isis#cid=soc-twitter-at-news-conference_call_with_john_mear-000000

[6] Meillassoux M., « A l’Est de l’Ukraine, un point de non retour? », La Tribune, 26 septembre 2014, http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20140925trib000850514/a-l-est-de-l-ukraine-un-point-de-non-retour.html

[7] King C., « Ukraine’s breakaway region is becoming a de facto country », Washington Post, 16 septembre 2014, http://www.washingtonpost.com/blogs/monkey-cage/wp/2014/09/16/ukraines-breakaway-region-is-becoming-a-de-facto-country/

[8] Voir J.O. de l’Union Européenne, L271, 12 septembre 2014.