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    Restructurer, auditer ou annuler la dette ? (Texte de l’OKDE-Spartakos, section grecque du SU de la 4è Internationale)

    Par OKDE (15 février 2012)
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    http://www.internationalviewpoint.org/spip.php?article2488, traduit de l"anglais par G. L.

    Avertissement : nous publions ici un texte de l"OKDE-Spartakos, car il contient des remarques politiques très justes sur la question de la position que les anticapitalistes doivent prendre face à la crise de la dette, remarques de camarades d"un pays dans lequel la crise est plus avancée que le nôtre, et dont le NPA pourrait tirer partie. Cela ne signifie pas que nous soyons d"accord avec tous les détails du texte, comme par exemple la caractérisation faite en passant du gouvernement Correa, mais ce n"est pas évidemment pas l"objet de ce texte de proposer des analyses fines sur ce point.

    Tendance CLAIRE du NPA

    Depuis le début de la crise de la dette publique grecque, trois demandes différentes ont été avancées par la gauche et le mouvement ouvrier : soit de restructurer (et donc de réduire), soit d’auditer, soit d"annuler la dette. Ce n"est pas juste une question de slogans, mais cela implique également différentes stratégies politiques. OKDE-Spartakos (1), ainsi que ANTARSYA (2), en dépit de ses contradictions, ont opté pour le troisième choix.

    La première demande a été proposée par Synaspismos (3) (et donc par la majorité de SYRIZA (4)) et, dans une version plus conservatrice, par la Gauche démocratique (5) de Fotis Kouvelis. Cela consiste à négocier avec les créanciers afin d"annuler une partie de la dette, de sorte qu"elle puisse être supportable à nouveau. Néanmoins, cela est plus ou moins ce qui se passe réellement en ce moment, à l’initiative du gouvernement et de l"UE, comme il est évident que toute la dette ne pourra jamais être payée. Ainsi, les créanciers préfèrent perdre une partie de leurs profits que de perdre tout, cela étant compensé dans le même temps par des conditions nouvelles, plus favorables (les bas salaires, les relations de travail dérèglementées, etc.) pour les investissements futurs. Ce genre de négociation est un projet explicitement bourgeois, et il est le seul processus réel de la « restructuration ». C"est pourquoi la demande de restructurer la dette a rapidement perdu sa crédibilité en tant que composante d"une réponse en faveur des travailleurs, et il a conduit les partis de gauche en sa faveur dans une situation plutôt embarrassante.

    Plus de discussion est nécessaire au sujet de la demande d"une commission d’audit qui vérifierait les contrats de dette et prouverait qu"une partie de celle-ci est odieuse. L"objectif fondamental de cette commission serait de révéler aux masses que la dette qu"elles sont censées payer n"est ni juste ni légitime. Sur la base de cette idée, un an et demi auparavant, certains économistes grecs, aux côtés de politiciens issus de la gauche et d’anciens membres du PASOK (comme la députée-Sofia Sakorafa), ont publié un appel pour une Commission d"audit. Cette proposition est aujourd"hui beaucoup moins d’actualité qu’elle ne l’a été, et il semble que peu de choses ont été faites pour constituer réellement un tel comité. Cependant, il reste important d’examiner les principales idées derrière cette proposition.

    Un processus d’audit de la dette pourrait être combiné, ou non, avec l’exigence d"annuler la dette, mais il n"est pas équivalent à celle-ci. Dans ce cas précis, l"appel initial pour une Commission d’audit laissait cette question ouverte. Toutefois, cela n"a pas été le seul problème de cette initiative. La grande question est de quel point de vue on se place : vérifier si la dette est légitime conformément à la législation nationale et internationale et, le cas échéant, annuler une partie de celle-ci ? Ou, au contraire, refuser que la classe ouvrière la paie, que celle-ci soit formellement conforme ou non à la législation ?

    Il y a 5 raisons principales pour lesquelles nous nous opposons à la Commission grecque d’audit, comme point décisif d’une réponse anticapitaliste à la crise, et que nous mettons en avant à la place l’annulation de la dette :

    1. La dette publique grecque n"est pas du même type que la dette du Tiers Monde. Économiquement, elle n"est pas imposée par les pays étrangers impérialistes qui pillent le pays et le profit par l"échange inégal en raison de la différence de taux de productivité, même si l"échange inégal joue ici un certain rôle. La dette est le produit d"une stratégie de développement choisie délibérément par la classe bourgeoise grecque, qui est elle-même impérialiste. Cette stratégie particulièrement agressive comprenait à fois un endettement public excessif et l’invasion économique de l’Europe de l’Est à l’aide de la monnaie européenne. Comme cette stratégie a échoué, c’est elle qui se fait actuellement sanctionner par la compétition entre pays capitalistes, qui n’a pour but que de répondre à la question : « Qui va porter le fardeau de la crise? ». En outre, il devient de plus en plus évident que la crise de la dette en Grèce n"est pas due à une sorte de spécificité nationale, mais qu’elle fait partie d"une crise capitaliste internationale structurelle, une crise de suraccumulation, qui frappe tout d"abord (mais pas exclusivement) les maillons faibles comme la Grèce. Techniquement, il n"y a quasiment pas de contrats de dette à vérifier pour une hypothétique commission d’audit, parce que l"emprunt public, contrairement à ce qui se passe généralement dans le Tiers Monde, a été réalisé par l"intermédiaire d"obligations d"État, et non de prêts (du moins avant le mémorandum). Par conséquent, s’il y a quelque chose à révéler ce qui concerne la dette, ce ne sont pas des scandales, mais sa nature exploiteuse, celle d’être un mécanisme qui accentue l"exploitation de classe. Toutefois, cette tâche ne peut pas fondamentalement être réalisée par un audit, mais par une analyse politique marxiste, un travail politique et, bien sûr, par la lutte.

    2. Ce n"est pas vraiment un problème de convaincre les travailleurs et les opprimés en Grèce que la dette n"est pas juste. La plupart d"entre eux en sont déjà convaincus, et la réticence des partis de gauche à parler de l"annulation afin de ne pas « effrayer » les masses s"est révélée être déraisonnablement conservatrice, si elle n"est pas simplement hypocrite. Il est révélateur que la demande d"arrêter immédiatement le remboursement de la dette et la lutte pour son annulation (sauf pour la partie détenue par des fonds de pension) a été l"une des premières choses votée par l"Assemblée populaire massive de la place Syntagma au cours du mouvement des « indignés », même si ce mot d’ordre n’avait été mis en avant que par la seule extrême gauche, le plus visiblement par ANTARSYA). Selon de récents sondages, plus d"un tiers de la soi-disant « opinion publique » se prononce pour l"annulation de la dette publique, un taux qui est évidemment beaucoup plus élevé concernant la classe ouvrière. C"est un pourcentage très important, étant donné la féroce propagande lancée par les gouvernements grecs et les médias qui ne cessent de crier qu’un défaut sur la dette publique serait un désastre total pour chacun d"entre nous. Il est également révélateur que le Parti communiste, après avoir discrédité la demande pendant plus d"un an, a maintenant changé sa position et l’a adopté, sans effrayer les masses ou perdre sa popularité pour cette raison. Le vrai problème n"est pas d"expliquer aux masses qu"elles ne devraient pas payer la dette (elles en sont déjà convaincues), mais d’indiquer comment elles pourraient effectivement éviter de la payer, comment elles pourraient imposer son annulation et comment elles pourraient se défendre contre la vindicte des classes bourgeoises nationale et internationale au cas où elles parviendraient à le faire.

    Bien sûr, les choses sont très différentes au sujet d"une campagne de solidarité internationale. Dans ce cas, il peut en effet être crucial de prouver à quel point la dette a été pour les travailleurs grecs un désastre et mécanisme d’exploitation, dans le but de convaincre les gens qui ne sont pas directement touchés par celle-ci. Il ne s’agit pas de blâmer les militants qui se sont prononcés, à l’étranger, pour la Commission d’audit [de la dette grecque] – de leur point de vue, cela peut être un geste légitime de la solidarité. Néanmoins, comme tactique à l"intérieur du pays, une demande d"audit est clairement un pas en arrière.

    3. La Grèce est un cas complètement différent de l"Équateur, qui est généralement considéré comme un exemple de réussite de l"audit. En Équateur, un gouvernement progressiste a pris l"initiative de former une commission d"audit et de vérifier les contrats concernant les emprunts publics – dans ce cas il y avait effectivement de tels contrats. Ce gouvernement a été le résultat des mouvements de masse et des luttes de la classe ouvrière, même s’il est l’illustration de leurs limites. Au contraire, tant le présent gouvernement d’« unité nationale » que le gouvernement précédent du PASOK en Grèce sont les principaux instruments de la guerre brutale que la classe bourgeoise a déclarée à l"encontre des travailleurs. Ils agissent au nom du capital sans avoir l"intention d"accepter le moindre compromis de classe. Et il est bien connu que tant l"État grec que les capitalistes grecs sont déterminés à garantir aux créanciers qu’ils ne perdront pas leur argent. Un défaut sur la dette mettrait en péril l’ensemble de leur stratégie de développement, ainsi que leurs propres intérêts immédiats, puisque beaucoup d"entre eux sont des créanciers de l’État (plus d"un tiers de la dette est détenue par les banques grecques). Ainsi, il est absurde de demander à un tel gouvernement de donner son autorisation, ou les « pouvoirs nécessaires », (expression utilisée dans l"appel initial pour une Commission d’audit), afin de vérifier les contrats de dette. Une telle demande sous-entend que nous aurions un problème commun avec le gouvernement, quelque chose comme une « cause nationale » ou une lutte nationale contre les « pillards » étrangers de notre terre. Au contraire, notre tâche principale du moment est de prouver aux masses révoltées que « notre » gouvernement ne doit pas simplement être blâmé pour avoir été trop soumis à des banquiers étrangers, mais qu"il est un acteur clé de l"attaque que nous subissons et qu’il devrait être renversé. Par ailleurs, le montant de la dette – considéré comme « odieux » – que le gouvernement de Correa a refusé de payer représente moins de 5% de la dette publique grecque actuelle. Le système financier international pouvait tolérer cette perte, mais il ne peut pas le faire dans le cas de la Grèce.

    Si l"Équateur n"est pas un bon point de comparaison avec la Grèce, c’est encore moins le cas pour un autre exemple cité par les économistes pour la Commission d’audit : la Russie en 1998. Il n’est pas vraiment nécessaire de s’étendre : dans ce cas l"annulation d"une partie de la dette publique était un projet 100% bourgeois, une décision prise en fonction des rivalités inter-impérialistes et non en fonction des demandes des gens ou des intérêts de la classe ouvrière russe.

    4. L’appel pour une commission d’audit est censé être une démarche purement scientifique et technocratique soutenue par des « personnalités ». Ce n"est pas une campagne ou un front, et il ne rassemble pas les syndicats, les organisations politiques ou sociales (« il sera indépendant des partis politiques » comme indiqué dans l"appel). Une première objection est que cela relève d’une démarche bureaucratique, car on ne sait pas comment ce comité d"experts serait contrôlé par le mouvement de masse. Toutefois, ce n"est pas le seul problème. Le cadre politique de cette initiative, tel qu"il est exprimé dans l"appel original, n"est pas « neutre » du tout, comme l"espérait la frange la plus radicale des signataires. Il est assez clairement social-démocrate. Plus précisément, son objectif principal est de trouver un moyen de sortir de la crise sans rompre avec les règles du capitalisme, mais par la gestion du système. Selon l"appel :

    « L"objectif de la Commission sera de déterminer pourquoi la dette publique a été contractée, les conditions dans lesquelles elle a été contractée, et quelles utilisations ont été faites des fonds empruntés. Sur la base de ces considérations, la Commission fera des recommandations appropriées pour faire face à la dette, y compris la dette qui sera considéré comme étant illégale, illégitime ou odieuse. Le but de la Commission sera d"aider la Grèce à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire face à la charge de la dette »

    Ce type de rhétorique alimente un patriotisme trompeur, cherchant un moyen de « sauver la Grèce », et non pas la classe ouvrière et les couches défavorisées et opprimées. Or, dans la crise, il n"y a aucun moyen de sauver la Grèce en général, parce qu"il n"y a aucun moyen de sauver à la fois les capitalistes et les travailleurs. Une seule classe peut être sauvée, au détriment de l’autre.

    5. Les arguments techniques sur la dette sont utiles, mais secondaires et complémentaires. Fondamentalement, la crise de la dette publique grecque n"est pas un problème technique ou une question de logistique, mais un dilemme de classe fondamental : qui paie pour la crise? Qui prend en charge le fardeau du processus de destruction déclenché par la crise? La dette que les travailleurs et les opprimés sont obligés de payer n"est pas injuste car elle violerait la législation, mais parce qu’elle viole leurs intérêts et droits fondamentaux. Si la discussion se limite à des questions techniques, il est évident que le gouvernement et la classe bourgeoise, avec tous leurs spécialistes, experts, grands médias et appareils de propagande, auront un avantage évident.

    Ce qui importe est le noyau politique de la demande d’audit de la dette : le droit de la classe ouvrière d"accéder aux données concernant les finances de l"État, les bilans et les fonds, c’est-à-dire, en d"autres termes, le contrôle des travailleurs. Nous appuyons cette demande. Mais c"est exactement une revendication transitoire, qui n"est pas réalisable dans le cadre du capitalisme et de l"État bourgeois. Et, bien sûr, il n"est pas judicieux du tout de demander des « pouvoirs nécessaires » à un gouvernement bourgeois afin de lutter pour un tel objectif.

    Notre désaccord avec la Commission d’audit et les divers programmes de gauche de restructuration de la dette est stratégique, mais en même temps il a des conséquences sur les priorités immédiates dans le mouvement de masse. Nous ne devrions pas considérer que nous sommes confrontés à un problème qui pourrait être résolu en faveur de la nation prise comme un tout, quelle que soit la nature « progressiste » de la solution promue. La tâche principale de la classe ouvrière et des opprimés n"est pas de convaincre le reste de la nation, mais d’imposer l’annulation de la dette par les luttes, les grèves générales, les blocages de la production, etc. – -que la dette soit illégale, illégitime, odieuse ou non. Les capitalistes n"ont pas peur de nos arguments. Ils ont peur de notre pouvoir de menacer leur domination de classe.


    1) Section grecque de la « IVème internationale » (ancien secrétariat unifié)

    2) Regroupement d’une dizaine d’organisations anticapitalistes, dont l’OKDE Spartakos

    3) Scission de droite du KKE (parti communiste grec), fondée en 1991 et favorable à l’Union européenne

    4) « Coalition de la gauche radicale », coalition d’organisations antilibérales et anticapitalistes, affilié au « parti de la gauche européenne ». Synapsismos est, de loin, la principale composante de SYRIZA

    5) Scission de droite de Synapsismos (et donc de SYRIZA), fondée en 2010, et qui souhaite coopérer avec le PASOK

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