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L’analyse de la crise ne doit pas être une question taboue réservée aux « experts »
Dans le texte de congrès sur la situation internationale, il est écrit (à juste titre) que les recettes keynésiennes ne permettent pas de sortir de la crise (du moins celle des années 1930). Pour convaincre, il faut en dire plus : expliquer ce qu’on entend précisément par « recettes keynésiennes » et pourquoi elles ne marchent pas. Il nous faut donc avoir une analyse de la crise, dont la portée politique est évidente : si la crise peut être surmontée par de bonnes politiques économiques (hausse des dépenses publiques, hausse des salaires, financement des déficits publics par la création monétaire…) dans le cadre du système capitaliste, alors le programme du Front de gauche est crédible. En revanche, si ces recettes ne font au contraire qu’accentuer la crise, alors cela signifie que la seule alternative aux politiques d’austérité implique de rompre avec le capitalisme.
Certains camarades nous expliquent que ce débat est trop compliqué pour les militantes et militants lambda et qu’il ne peut pas être tranché à un congrès. Pourtant, la direction sortante a une certaine interprétation de la crise, car une organisation comme la nôtre ne peut pas ne pas avoir d’avis sur une question aussi décisive. Il est donc légitime que le congrès discute et fixe les grandes lignes d’une véritable analyse de la crise, car la direction de notre parti doit être contrôlée par sa base.
Dans son dernier livre (On a voté… et puis après ?), O. Besancenot développe une théorie de la crise qu’il attribue à Marx : « En s’attaquant au coût du travail, en réduisant les salaires, le pouvoir d’achat et en supprimant de l’emploi, les détenteurs de capitaux rétablissent, il est vrai, des taux de prof it et des marges supplémentaires en leur faveur, mais sur la base d’un calcul à très court terme. En privant la population des moyens de consommer ce que les producteurs produisent, ils empêchent la société d’absorber les ressources produites. Les capitalistes disposent dès lors d’une production qui ne trouve pas de marchés solvables. L’offre ne correspond plus à la demande. C’est ce que l’on appelle la crise de surproduction et de suraccumulation, que Marx avait déjà décelée dans la société capitaliste, il y a plus de 150 ans, dans ses travaux sur la crise de 1857 » (p.55-56).
Autrement dit, la cause fondamentale de la crise résiderait dans le niveau trop bas des salaires, fruit des politiques néolibérales menées depuis le début des années 1980. Cette explication (qui est identique à celle du Front de gauche et de la gauche du PS) trouve sa source chez Keynes (et non chez Marx) bien qu’elle soit reprise par des économistes qui se réclament du marxisme.
Contre cette explication de la crise, nous proposons de renouer avec ce qui nous semble le coeur de la théorie de Marx : le système entre en crise quand les capitalistes ne sont plus capables d’extorquer suffisamment de plus-value par rapport à la masse de capital investi. C’est ce que Marx appelle la « suraccumulation de capital » à laquelle conduit la « loi fondamentale de l’économie politique », à savoir la loi de la baisse tendancielle du taux de profit. Marx explique que le fonctionnement normal du système conduit les capitalistes à utiliser de plus en plus de machines et de moins en moins de travailleurs. Or c’est l’exploitation des travailleurs qui est la source des profits, pas les moyens de production. Résultat : le taux de profit moyen diminue, les investissements dans l’économie « réelle » sont donc moins rentables, des entreprises dégagent même des pertes, d’où les fermetures d’usines et la crise.
La crise est donc fondamentalement une crise de rentabilité du capital. Les hausses de salaires ou de dépenses publiques feraient baisser le taux de profit, et donc accentueraient la crise. C’est pourquoi les politiques keynésiennes ont systématiquement échoué face à la crise. En 1981-1982 après l’élection de Mitterrand, l’expérience « keynésienne » s’est tristement terminée en « parenthèse » (jam ais refermée) de la rigueur. Non pas parce que Mitterrand serait devenu plus malveillant à l’égard des travailleurs, mais parce que la logique du système a contraint ses choix à partir du moment où il inscrivait son action dans le cadre du capitalisme. La même chose se produirait aujourd’hui (mais le tournant serait beaucoup plus rapide, voire immédiat compte tenu de l’ampleur de la crise) si Syriza ou le Front de gauche arrivait au pouvoir, et si les travailleurs ne parvenaient pas à établir leur propre gouvernement pour sortir du capitalisme.
Le combat théorique est une composante du combat politique. Combattre le capitalisme avec les outils de compréhension de l’adversaire de classe, c’est se tirer une balle dans le pied. Le NPA doit se refonder en renouant avec le meilleur de l’héritage du mouvement ouvrier, notamment avec la théorie marxiste, en rupture avec l’idéologie bourgeoise.