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Tsipras affiche son obéissance totale aux créanciers
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le premier ministre grec a remanié son gouvernement en excluant les quelques récalcitrants et revu son objectif de restructuration de la dette à la baisse. Son objectif semble désormais celui d'accepter rapidement les demandes des créanciers pour obtenir une victoire de façade sur le terrain de la dette. Et remonter dans les sondages.
Alexis Tsipras est pressé d'en finir avec la deuxième revue du programme prévu par le troisième mémorandum. C'est en effet à l'issue de cette deuxième revue que les négociations sur la dette publique grecque pourront réellement débuter. Avant la réunion de l'Eurogroupe des 19 ministres des Finances de la zone euro ce lundi 7 novembre, le chef du gouvernement grec a donc envoyé un message fort : il a remanié son gouvernement ce samedi dans un sens très favorable à la politique de « réformes » voulue par les créanciers.
Un remaniement pour plaire aux créanciers
Tous les ministres qui avaient émis des doutes sur la politique de privatisation, notamment, ont été écartés. Alexis Tsipras a ainsi exclu du gouvernement le ministre de la mer, Theodoros Dritsas, qui avait émis des réserves sur la privatisation du port du Pirée... tout en la signant. Mais c'est surtout le transfert au ministère de l'Intérieur, dont se désintéressent les créanciers, de Panos Skourletis, jusqu'ici ministre de l'Energie, qui est significatif du changement de stratégie du gouvernement.
Panos Skourletis avait fait part de son opposition à la privatisation complète de la compagnie publique d'énergie réclamée par les créanciers. Il est remplacé par Giorgos Stathakis, jusqu'ici ministre de l'Economie et qui est un partisan connu des « réformes ». C'est lui qui, en juillet 2015, avait plaidé auprès d'Alexis Tsipras pour que la Grèce accepte un nouveau mémorandum. Giorgos Stathakis sera lui-même remplacé par Dimitris Papadimitriou, un économiste qui a travaillé dans de nombreuses universités aux Etats-Unis, et qui a un profil tout à fait rassurant pour les bailleurs de fonds.
Alexis Tsipras a clairement voulu envoyer un message aux créanciers : les privatisations ne seront pas remis en cause, ni freinées, et la « volonté de réformes » du gouvernement est complète. Il n'y aura plus aucune tentative de retarder l'application des demandes de l'Eurogroupe. Le transfert du ministre du travail, Giorgos Katrougalos, qui avait bâti une réforme des retraites que les créanciers avaient du mal à accepter, au poste symbolique de vice-ministre des Affaires étrangères, va dans le même sens. Sa remplaçante, Effie Achtioglou, jusqu'ici sa vice-ministre, est réputée pour entretenir d'excellentes relations avec les autorités européennes. C'est un élément clé alors que la grande affaire du prochain mois devrait être la réforme du droit du travail réclamée par les créanciers.
Un objectif : conclure vite la deuxième revue
L'objectif de ce nouvel exécutif a été rapidement fixé par Alexis Tsipras lors de la première réunion de ce nouveau cabinet. Il s'agit d'achever avant le 5 décembre, date de la dernière réunion prévue en 2016 de l'Eurogroupe, les 93 « actions préliminaires » demandées par les créanciers avant de conclure la deuxième revue et de pouvoir entamer les discussions sur la dette, mais aussi de voir le pays intégré dans le programme de rachats d'actifs de la BCE ("QE") dont il est toujours exclu.
On risque donc d'avoir un déluge législatif en Grèce en novembre. Le gouvernement devrait aussi se passer de toute forme de négociation sur des sujets assez sensibles comme la réforme du code du travail, les privatisations, le recouvrement des créances douteuses détenues par les banques et le budget 2017 que les créanciers veulent expurger des quelques éléments sociaux proposés par le gouvernement. Avec ce changement de gouvernement, Alexis Tsipras change de stratégie.
L'échec de la stratégie d'Alexis Tsipras
A la suite des élections du 20 septembre 2015, qui lui avaient redonné une majorité avec ses alliés de droite des Grecs Indépendants, Alexis Tsipras avait cherché à accompagner l'acceptation du mémorandum par une certaine résistance démonstrative face aux créanciers, engageant de longues discussions sur les expulsions des résidences principales, sur les privatisations, sur la réforme des retraites.
A chaque fois, le gouvernement avait cependant dû accepter des potions amères, et l'Eurogroupe lui avait fait payer cher sa résistance par de nouvelles exigences. Ainsi, l'approbation de la réforme des retraites avait, en juin dernier, eu pour prix l'acceptation de sévères mesures de réductions des dépenses et même la mise en place d'une baisse « automatique » de ces dépenses si l'objectif de 3,5 % du PIB de déficit primaire (hors service de la dette) de 2018 était en danger.
Par sa politique d'acceptation « à contrecœur » de la politique des créanciers, le gouvernement grec a perdu sur tous les terrains. Ne disposant d'aucun vrai moyen de pression sur les créanciers, Athènes devait toujours accepter les mesures exigées et devait souvent même accepter encore davantage.
L'Eurogroupe pouvait se plaire à humilier le gouvernement en lui faisant sentir l'absence de confiance entre lui et Athènes, comme lorsque, encore récemment, il n'a pas versé l'intégralité des fonds promis à la Grèce, la faisant patienter deux semaines de plus. Au final, le bilan du gouvernement grec est assez négatif : le mémorandum d'août 2015 a été singulièrement durci, les discussions sur la dette, prévues en décembre 2015, n'ont pas commencé et la Grèce n'est toujours pas incluse dans le programme d'assouplissement quantitatif de la BCE. Beaucoup de Grecs préfèrent désormais se tourner vers le vieux parti conservateur Nouvelle Démocratie, qui est perçu comme le parti « ami des créanciers » et qui peut, du coup, susciter l'espoir d'un meilleur traitement. Ce parti caracole en tête des sondages : le dernier, réalisé par Public Issue, lui attribue 42 % des intentions de vote contre 18 % à Syriza, le parti d'Alexis Tsipras.
Changement de stratégie
Ce dernier a donc décidé de changer de stratégie et de ne plus insister que sur l'obéissance aux créanciers pour espérer une plus grande magnanimité de leur part. Plus que jamais, pour redresser une popularité en berne qui a encore été entamée récemment par l'annulation par le Conseil d'Etat de la procédure d'attribution des licences de télévision, Alexis Tsipras a besoin d'un « succès » sur le front de la restructuration de la dette. Pour cela, il ne ménage rien. Pas davantage les messages aux créanciers que les objectifs de cette restructuration. Car, la semaine passée, le gouvernement a revu très nettement à la baisse son objectif dans ce domaine.
Réviser l'objectif sur la dette à la baisse
Jusqu'ici, Athènes voulait une réduction du stock de dettes, actuellement à 177 % du PIB. Désormais, il accepte la vieille idée de la Commission européenne de limiter les « besoins nets de financement » de l'Etat grec, qui regroupent les remboursements des dettes arrivées à maturité et des déficits budgétaires, à 15 % du PIB par an. Selon le vice-ministre des Finances Giorgos Houliarakis, Athènes accepterait une telle limite jusqu'en 2030. Ensuite, elle pourrait être relevée à 20 % du PIB. Là encore, c'est une concession considérable : Athènes renonce à une vraie restructuration de la dette - qui était la raison de l'acceptation du 3e mémorandum - pour se contenter d'un aménagement des intérêts et des maturités. La Grèce accepte donc ce qui a été convenu sans elle entre l'Eurogroupe et le FMI en mai dernier. Les objectifs d'Athènes sont donc désormais des plus modestes : éviter de maintenir un objectif « officiel » de déficit primaire de 3,5 % du PIB après 2018, disposer de quelques aménagements et obtenir rapidement un accord sur ces deux points.
L'Allemagne ne veut pas d'accord dans l'immédiat
Même ramenés à si peu, ces objectifs pourraient être difficilement atteignables. L'Allemagne refuse tout accord sur la dette à moyen et long terme avant la fin du programme en 2018. Wolfgang Schäuble l'a répété ce lundi. Ceci permettrait de maintenir la pression sur le gouvernement d'Alexis Tsipras en ajoutant si besoin de nouvelles mesures. C'est ce qui, du reste, a été prévu lors de l'Eurogroupe du 24 mai.
Le vrai débat n'est cependant pas entre Berlin et Athènes, mais entre Berlin et le FMI qui juge non sans raison la dette grecque insoutenable. Le seul enjeu des discussions de cette fin d'année sera de maintenir au moins de façon fictionnelle le FMI dans le programme pour complaire aux exigences du Bundestag. A Berlin, on voit mal la CDU accepter une grâce pour la Grèce à moins d'un an d'élections fédérales difficiles. De fait, la Grèce est depuis longtemps exclue de ce débat et n'avait aucune chance d'imposer une réduction du stock de dettes. L'aggiornamento d'Alexis Tsipras sur ce dossier est donc un faux-semblant pour lui permettre d'afficher un éventuel succès politique qui, en réalité, ne lui devra rien. Le gouvernement de la Grèce ne participe pas à l'établissement des politiques qui déterminent son avenir.
Une solution inadaptée pour la Grèce
Du reste, l'objectif désormais accepté par le gouvernement grec ne saurait résoudre le problème du pays. Avec un besoin de financement net de 15 % du PIB par an, rien ne sera réglé. Certes, allonger la maturité et baisser les intérêts demandés par les créanciers actuels reviendra à réduire la valeur nette actualisée de la dette. Mais tant que le pays n'a pas accès aux marchés financiers pour se refinancer, il lui faudra dégager des excédents primaires considérables pour faire face aux remboursements.
Ces excédents vont peser sur l'activité en exerçant une ponction constante sur une économie à demi détruite en faveur des créanciers. La Banque de Grèce estime que cet excédent devrait être en moyenne de 2 % du PIB en cas de report de 20 ans des intérêts et des maturités. Et si la Grèce revient sur les marchés, les intérêts demandés seront si élevés que les excédents primaires devront être maintenus. Ce ne sera, du reste, qu'à ce prix que les investisseurs accepteront de prêter de l'argent à Athènes. Bref, dans tous les cas, sans baisse du stock de dettes, l'impact sur l'économie restera négatif. Et face à de telles perspectives, on voit comment des investisseurs à long terme pourrait venir s'intéresser à la Grèce, sauf dans le cas de privatisations de sociétés encore solides souvent bradées à vil prix.
Néanmoins, pour Alexis Tsipras, la situation est sans issue. Spectateur impuissant d'un débat où le sort de la Grèce est en jeu, il en est réduit à insister sur son obéissance pour obtenir une grâce qui dépend davantage du jeu politique interne allemand. Sur le QE de la BCE, il peut espérer qu'une soumission plus marquée permette un geste de la BCE, mais cette dernière est restée très attentiste jusqu'ici, sans doute à la demande de la Bundesbank. Là encore, Alexis Tsipras a bien peu de prise. Bien plus que l'avenir de l'économie grecque, c'est désormais son avenir politique qui est la priorité de sa politique. Il n'est cependant pas certain que les Grecs se montrent dupes.