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Manifestants: la «participation à un groupement» en procès

Répression

Lien publiée le 31 mai 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.liberation.fr/amphtml/france/2018/05/30/manifestants-la-participation-a-un-groupement-en-proces_1655532

Au TGI de Paris étaient jugés une dizaine de jeunes interpellés en marge de la manifestation du 1er mai à Paris. Ils devaient répondre du délit de participation à un groupement en vue de commettre des dégradations et des violences, très difficile à établir.

De qui a-t-on fait le procès, ce mercredi après-midi au tribunal de grande instance de Paris? D’une dizaine de jeunes interpellés en marge et pendant la manifestation du 1er mai, certes. Mais aussi (et surtout) du délit qui les a pour la plupart menés là. Une infraction dont on doit raccourcir le nom pour faciliter la lisibilité : participation à un groupement en vue de commettre des dégradations et des violences. Cette infraction, pour laquelle les prévenus encourent une peine d’emprisonnement d’un an et de 15 000 euros d’amende, avait été votée en 2010 par la droite, et peu utilisée jusqu’aux interpellations massives lors des différentes mobilisations du mois de mai. La participation à un groupement ne repose pas sur des éléments matériels qui attestent des violences ou des dégradations imputables à une personne, mais recherche son intention d’y prendre part du fait de son appartenance à un groupe. Pour toute la ribambelle d’avocats venu plaider les différents dossiers face à une chambre spécialement réunie pour juger ces militants, il est certain qu'un tel usage de ce délit est attentatoire aux libertés.

Bianca B., 24 ans, est la première manifestante à s’avancer à la barre. Les poursuites reposent principalement sur sa présence lors de la manifestation et une poussière d’éléments matériels : elle était habillée avec des vêtements sombres et avait dans son sac une paire de lunettes de piscine et des clés «allen». Vitrailliste au casier judiciaire vierge, elle explique qu’elle les utilise pour son travail et montre avec sa main leur taille : quelques centimètres. «Ce sont mes outils, je les avais oubliée au fond de mon sac à dos», justifie-t-elle. Puis, un assesseur l’interroge sur les raisons de sa présence à la manifestation, dossier médical à l’appui : «Vous prenez des anxiolytiques, est-ce raisonnable d’aller manifester avec ce traitement ?» Le public tousse. «Vu la consommation de ces médicaments en France, je pense qu’il n’y aurait pas grand-monde dans la rue si toutes les personnes qui prennent des anxiolytiques devaient s’abstenir de manifester», réplique la prévenue, cheveux roux et longs.

«Du mobilier urbain a été dégradé, des pavés ont été lancé sur des policiers», rappelle le procureur dans ses réquisitions, sans être en mesure d’imputer ces faits à la jeune femme: c’est là toute la magie de l’infraction de «participation à un groupement». Il  poursuit avec un ton ironique : «Elle n’est pas la seule à s’habiller en noir, bon, c’est une tendance de ce groupement.» Le procureur requiert à son encontre une peine de quatre mois de prison avec sursis. «C’est une infraction fourre-tout»«ce dossier est parfaitement vide»«c’est une honte, on est là à vous faire juger des dossiers ineptes», plaide son avocat, Martin Mechin.

«Dangerosité manifeste»

Longues dreadlocks attachées dans le dos, Olivier M., 25 ans, a fait le choix de s’en tenir à la lecture d’une déclaration face au tribunal. Lui aussi est poursuivi pour participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations et a également un casier vierge. «Je n’ai jamais eu l’intention de m’en prendre à qui que ce soit», fait-il savoir. Mais n’explique pas pourquoi il avait sur lui trois petites masses et deux ciseaux lorsqu’il a été interpellé en amont de la manifestation, à l’occasion d’un barrage policier. «Ces objets sont le signe d’une dangerosité manifeste», estime le représentant du ministère public et requiert une peine d’emprisonnement de neuf mois, dont six avec sursis, ainsi qu’une interdiction de séjour de deux ans. «C’est toujours très compliqué de punir en amont, de démontrer l’intentionnalité», plaide son avocat Raphaël Kempf. «L’un des seuls éléments dans ce dossier, c’est un fiche d’interpellation rempli à la va-vite, poursuit-il. Où est le groupement ?»

Contrairement, aux deux autres prévenus précédents, Chloé S., assistante d’éducation, comparaît détenue. Pendant toute sa garde à vue, la manifestante, casier vierge là encore, avait donné une fausse identité. Elle est également poursuivie pour participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations, mais aussi pour avoir refusé un prélèvement ADN. «Je suis une militante anarchiste, c’est un refus politique, je suis contre le fichage généralisé de la population», explique-t-elle au tribunal. Questionnée sur la «tenue sombre» qu’elle portait le 1er mai, elle assure s’habiller comme ça «tous les jours» : «Tant qu’il y a du noir, y’a de l’espoir.» Lors de sa fouille, la police note qu’elle avait notamment en sa possession un masque de protection pour la peinture et un masque de plongée. Le procureur requiert six mois de prison dont cinq avec sursis. Ce qui couvrirait donc parfaitement la détention provisoire. Comme dans les autres dossiers, son avocate plaide la faiblesse des charges qui permettent de caractériser le délit poursuivi.

Une position partagée par le tribunal qui relaxe Chloé S., «au bénéfice du doute». Les délibérés concernant Bianca B. et Olivier M. seront rendus le 9 juillet.