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Dans la restauration, le «tu marches ou tu te casses» ne séduit plus
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Il suffirait donc de traverser la rue pour trouver un boulot ? Voilà donc un discours du chef de l'Etat, proche de celui du patronat, qui depuis des mois, ressasse ses «difficultés à embaucher». Tour d'horizon des métiers dits en tension, où l'offre ne rencontre pas toujours la demande.
Trouver un emploi dans la restauration ? Aussi simple que de traverser la rue, selon le président de la République, à en croire son petit échange avec un jeune chômeur, dimanche. Parmi les premiers à rebondir, Didier Chenet, le président du Groupement national des indépendants de l’hôtellerie-restauration (GNI-Synhorcat), a salué la sortie d’Emmanuel Macron : «Nous avons la diversité des métiers dans l’hôtellerie et la restauration qui fait que nous sommes capables d’accueillir les professionnels de tous les horizons.» Y compris, donc, les demandeurs d’emploi formés à l’horticulture, comme l’interlocuteur du chef de l’Etat.
Avec un déficit de salariés estimé à 125 000, selon Didier Chenet, le secteur leur ouvre les bras. Tout comme, en juillet, il demandait à pouvoir embaucher plus aisément des migrants. Roland Heguy, de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih), lui, chiffre le nombre de postes non pourvus entre 50 000 et 100 000, évoquant «une pénurie historique de main-d’œuvre». Pour Pôle emploi, d’ici 2022, 308 000 postes seront à pourvoir dans les deux secteurs. Bonne nouvelle pour endiguer le chômage, aujourd’hui à 9% ? Las, «l’offre et la demande ne se rencontrent pas», pointe le responsable de l’Umih. Ce que confirme Pôle emploi, notant que les employeurs des métiers de l’hôtellerie et de la restauration «rencontrent des difficultés de recrutement supérieures à la moyenne des métiers».
«Des insultes, un traitement inhumain»
«Rien de nouveau», réagit Laurent Bigot, secrétaire national de la CFDT Services. Selon lui, ce «problème d’attractivité» est lié aux conditions de travail : «Il faut travailler le soir, les dimanche, certains salariés ont de longues coupures dans leur journée de travail, cela ne peut pas aller à tout le monde.» «On a des contraintes, mais pas plus qu’ailleurs, souligne Didier Chenot, côté patronal. La différence, c’est que nous sommes à contre-courant : plus c’est la fête, plus on bosse.» Et de pointer «la nouvelle génération» qui, selon lui, serait plus regardante sur les conditions de travail, avant d’accepter une offre. Un discours que l’on retrouve dans le message posté sur Facebook, fin août, par les gérants d’un restaurant audois. Expliquant devoir mettre la clé sous la porte pour cause de difficultés de recrutement, ils y dénoncent le turnover et le comportement d’employés : «Le déséquilibre entre l’offre et la demande fait qu’aujourd’hui les salariés se sentent libres de faire ce que bon leur semble.»
«Serveur, c’est un métier très dur. A 45 ans, certains ne peuvent plus exercer. Ils ont mal au dos, à l’épaule, à force de marcher, de porter. C’est pareil pour les femmes de chambre dans l’hôtellerie, souligne de son côté Laurent Bigot. «On n’a aucun avantage, aucune considération, et beaucoup de pression», résume, en colère, une serveuse brestoise, la trentaine, qui vient de quitter un poste et d’en débuter un nouveau. Elle raconte son quotidien : «Des supérieurs odieux, des insultes, un traitement inhumain.» La faute, en partie, estime-t-elle, au stress de la profession, et au manque d’effectif qui fait que la tâche est encore plus dure pour ceux qui sont en poste. «Un chef cuisinier, il fait du 8 heures-minuit minimum. Certains prennent de la drogue pour tenir», raconte-t-elle. Si elle «aime son métier», elle «comprend donc que les gens n’aient pas envie d’y travailler».
«Coup de pied dans le cul»
«Les choses changent un peu, nuance Laurent Bigot, de la CFDT. Mais dans certaines TPE, on est encore sur une gestion paternaliste, avec des exigences fortes. C’est la culture du coup de pied dans le cul, du "Tu marches ou tu te casses". Mais eux aussi voient la nécessité de changer cette image.» Reste une chose qui évolue, en revanche, peu: les salaires. «Dans la majorité des cas, les gens sont au smic», explique le cédétiste. C’est environ ce que gagne la serveuse brestoise, au bout de quinze ans d’expérience. Parmi les revendications de la CFDT, à défaut d’augmentation salariale : des contreparties au travail du dimanche, pour l’heure inexistantes, du fait de règles dérogatoires.
«On est dans la moyenne basse, mais on n’est pas plus mauvais que d’autres», se défend Didier Chenet, du GNI-Synhorcat, arguant que le secteur offre les «derniers métiers où l’ascenseur social fonctionne, avec 80% des cadres passés par le premier échelon». Sans convaincre le responsable de la CFDT : «Les employeurs ne se sont jamais penchés sur les parcours professionnels. Certains salariés se retrouvent sans perspectives d’évolution, alors ils vont voir ailleurs.» Autre argument du patronat pour séduire : la prépondérance des CDI. Avec un taux de CDI des salariés de l’hébergement et de la restauration (hors intérim) de 82,1%, le secteur est en effet à peu près dans les clous, par rapport à la moyenne nationale (88,2%). Mais aujourd’hui, 86% des embauches s’y font en CDD. Et 60% des projets de recrutement sont saisonniers. Ce qui fait du secteur un des plus coûteux pour le régime de l’assurance chômage. Et aussi un terreau potentiel à précarité.