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Réforme des retraites : la double peine
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://npa2009.org/actualite/social-autres/reforme-des-retraites-la-double-peine
Loin d’être une bonne nouvelle, l’annonce d’un report probable à 2020 de la réforme des retraites ouvre la porte à un nouveau « coup tordu » de l’exécutif. Celui-ci s’apprête à faire précéder, discrètement, la réforme « systémique » annoncée par le candidat Macron par une nouvelle réforme dite « paramétrique » allongeant une nouvelle fois la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d’une retraite complète. Les générations qui vont cesser leur activité salariée dans les prochaines années sont directement visées. Avec Macron, c’est « en même temps » réforme « paramétrique » et « réforme systémique » : la double peine !
C’était l’une des principales promesses de campagne du candidat Macron, renouvelée régulièrement depuis le début de son mandat. Avec lui, fini les réformes à répétition : « Je refuse ce que j’appelle les réformes paramétriques, les approches comptables qui rognent des droits sans offrir de nouvelles perspectives » proclamait-il encore en janvier 2018 devant la Cour des comptes.
Système par points
Sa réforme serait « systémique », définitive et universelle. Nivelant par le bas les différents régimes, elle instaurerait un système dit « par points » où le niveau des pensions ne serait plus garanti à l’avance mais constituerait une « variable d’ajustement ». Une méthode expérimentée en Suède ou en Italie avec des résultats catastrophiques pour les retraitéEs.
Pour rendre socialement acceptable ce « big bang » et éviter des mouvements comme ceux de 1995, 2003 ou 2010, le projet de l’exécutif était d’étaler dans le temps la réforme, en garantissant aux générations les plus proches de la retraite qu’elles ne seraient pas concernées. La réforme pourrait ainsi être « négociée » avec au moins une partie du mouvement syndical (CFDT). Telle fut la mission confiée à Jean-Paul Delevoye, nommé « haut commissaire à la réforme des retraites », qui doit dévoiler ses propositions au cours du mois de juillet.
Trouver du « cash »
Mais le mouvement des Gilets jaunes est passé par là, et la « reprise » économique n’est pas au rendez-vous. Pour le gouvernement, il faut trouver des ressources immédiates pour financer les dix milliards d’annonces de Macron sans, bien sûr, s’en prendre au capital. Aussi, depuis quelque temps, plusieurs voix (Philippe, Darmanin, Buzyn…) font entendre une nouvelle « petite musique » au sein de l’exécutif. Sans attendre les premiers effets de la réforme « systémique » (prévus à partir de 2025), il faudrait immédiatement trouver du « cash » pour boucler les budgets des années à venir et, pour cela, contraindre les générations qui doivent partir en retraite à prolonger leur activité, sous peine d’une réduction de leurs pensions. Delevoye lui-même a confirmé cette hypothèse le 26 juin à l’occasion d’un colloque de l’Institut des politiques publiques : « Il y a débat là-dessus, ça fait partie des arbitrages », a-t-il déclaré.
Allonger la durée de cotisation
L’une des hypothèses du gouvernement serait de faire passer la réforme Hollande-Touraine (2014) à la vitesse supérieure. Au lieu d’un trimestre supplémentaire tous les 3 ans, l’augmentation de la durée de cotisation pour obtenir une retraite complète pourrait être d’un trimestre de plus par an !
Avec la réforme Hollande-Touraine, la première génération à devoir travailler 43 ans (172 trimestres) pour bénéficier d’une retraite complète serait celle de 1973. Avec le projet annoncé la première génération concernée serait celle de 1963.
Autre piste, évoquée : l’âge « légal » de la retraite resterait fixé à 62 ans, mais le ou la salariéE qui cesserait son activité entre 62 ans et 64 ans (âge dit d’équilibre) serait frappé d’une « décote » dissuasive, réduisant sa pension. Macron lui-même a évoqué cette piste.
C’est donc bien, contre tous ses engagements précédents, une nouvelle réforme « paramétrique » que l’exécutif envisage de faire voter, sans bruit, à la rentrée, dans le cadre de la traditionnelle « loi de financement de la Sécurité sociale ». Il pourrait dès lors laisser passer les élections municipales, avant de faire voter sa grande « réforme systémique ».
Un « coup de poker » à hauts risques
Ce projet suscite de fortes réserves, y compris dans la majorité actuelle, qui en perçoit les dangers. C’est en effet un « coup de poker » à hauts risques.
Après les retraitéEs, une partie des salariéEs va se sentir flouée par des promesses non tenues. Le soupçon sur les buts réellement poursuivis par le pouvoir pourrait entraîner un rejet global de la réforme et une forte mobilisation sociale.
L’exécutif risque aussi de perdre dans cette opération les alliés possibles, à commencer par la direction de la CFDT qui, par la voix de Laurent Berger, a déjà fait savoir qu’un nouvel allongement de la durée de cotisation était une « ligne rouge » à ne pas franchir.
Tout dépend désormais de la capacité à développer et construire dès maintenant un mouvement unitaire réunissant syndicats, associations, partis, Gilets jaunes, fédérés en collectifs pour expliquer les enjeux et engager la mobilisation dès la rentrée. Il faut s’y mettre dès maintenant.
Jean-Claude Delavigne