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Elections primaires en Argentine. La droite en tête mais l’extrême gauche en troisième position
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
On votait, ce dimanche, en Argentine, dans le cadre d’élections primaires servant à départager les candidats aux élections législatives de mi-mandat qui se tiendront en novembre prochain. Le scrutin de dimanche avait une valeur de test pour le gouvernement de centre-gauche d’Alberto Fernández et de Cristina Kirchner qui se retrouve en extrême difficulté, et pour cause : la droite revancharde caracole en tête dans les provinces les plus importantes mais l’extrême gauche du FIT-U, emmenée par Nicolás Del Caño, arrive en troisième position.
Une situation économique, sociale et sanitaire catastrophique
Trois ans de récession (avec un pic à -9,9% pour 2020), une inflation galopante (50% pour l’année en cours), des salaires qui ne suivent pas, un gouvernement soi-disant « progressiste » qui cherche à rembourser, malgré d’énormes difficultés de paiement, les créanciers internationaux qui asphyxient le pays depuis des décennies le tout aggravé par l’impact de la pandémie, une gestion calamiteuse et autoritaire de la situation et des scandales à répétition montrant des politiciens fêtant des anniversaires en famille et entre amis alors que la police jouait de la matraque pour imposer les mesures de restrictions dans les quartiers populaires : voilà peu ou prou ce qui a servi de toile de fond, ce dimanche, aux élections primaires obligatoires (PASO). Un scrutin qui sert tout autant à départager, au sein des différentes coalitions, celles et ceux qui se postuleront en novembre prochain pour le renouvellement de 127 sièges au Parlement et 24 au Sénat que de baromètre pour le gouvernement en place.
Débâcle gouvernementale
Fernández et sa coalition, le « Frente de Tod*s », promettaient de renouer au plus vite avec la normalité et un « retour à la vie que nous voulons toutes et tous »,pour citer le principal slogan de campagne. Il est clair que la réalité les a rattrapés. Pour les péronistes, qui avaient pourtant remporté haut la main les présidentielles en octobre 2019, le résultat est sans appel. Dans 18 des 24 circonscriptions électorales du pays, le péronisme a perdu, y compris dans des provinces qui lui sont traditionnellement acquises, dans ces places fortes du justicialisme que sont Chaco (Nord), La Pampa (centre), voire même Santa Cruz (Patagonie, Sud), le bastion historique du kirchnérisme. La situation est encore plus catastrophique, pour l’exécutif, dans la province de Buenos Aires, qui concentre 40% de l’électorat et qui est décisive pour les équilibres politiques mais aussi sociaux du pays. Dans cette province dirigée par Axel Kisciloff, l’ancien ministre de l’Economie de Kirchner, lorsqu’elle était présidente, les péronistes se retrouvent au moins cinq point derrière la droite, du jamais vu.
On comprend, dans ce cadre, pourquoi tous les poids-lourds de la coalition – le président Alberto Fernández, incarnant le « centre », Cristina Kirchner, sa vice-présidente et ancienne présidente, représentant le « progressisme », ainsi que Sergio Massa (droite péroniste), président de la Chambre basse – aient tenu à faire une apparition commune, malgré leurs désaccords, après la publication des résultats. L’idée était de souligner que rien n’était perdu et que ce très mauvais résultat pourrait encore être renversé dans deux mois. Cependant, avec un exécutif qui peine à atteindre le seuil symbolique des 32%, aujourd’hui, qui a perdu plus de six millions de voix par rapport aux élections présidentielles de 2019 (13 millions soit 48,2%, contre un peu moins de 7 millions, cette fois-ci, selon les résultats provisoires),le péronisme est extrêmement fragilisé. Certains décideurs économiques et analystes internationaux s’en inquiètent, d’ailleurs car les fins de mandat, en Argentine, sont souvent compliqués. Personne, au sein de l’establishment, ne souhaite un scénario à la 2001 pour le pays, lorsque l’Argentine avait basculé dans le défaut de paiement et avait traversé plusieurs mois de très fortes turbulences sociales, et ce alors que l’Amérique latine connaît, ces dernières années, des phénomènes de polarisation intense.
La droite montre ses muscles
Face à la défaite du gouvernement, la droite court-termiste, elle, exulte, même si le panorama est loin d’être aussi simple qu’il ne pourrait le sembler. Au sein de la coalition « Ensemble pour le changement » (« X por el Cambio »), c’est l’héritage et la place de l’ancien président, Mauricio Macri, qui était en jeu. Dans le cadre de ces élections primaires, c’est Horacio Rodríguez Larreta qui est le grand gagnant. Le maire de la capitale présentait des candidats sans être lui-même en lice et ses poulains ont fait de bons scores. Bien que représentant traditionnel de l’oligarchie du pays, Larreta ne fait pas partie de la ligne dure de la droite argentine. Il est en effet conscient du fait que s’il était appelé aux affaires, en 2023, pour « réformer », il ne pourrait le faire sans une certaine dose de négociations et d’alliances avec les acteurs traditionnels qui occupent la première place sur l’échiquier politique argentin, à commencer par la bureaucratie syndicale.
Sur sa droite, les candidats des « libertariens » à la Pedro Milei, José Luis Espert ou Florencio Randazzo, qui admirateur de Jair Bolsonaro et Donald Trump, qui nostalgique de la dictature, ont réalisé des pourcentages inquiétants et parfois importants, quoi que circonscrits géographiquement à la capitale et sa banlieue et à certains secteurs sociaux bien particulier, notamment de classe moyenne supérieure en rupture de ban avec les partis traditionnels.
Un très bon score pour l’extrême gauche trotskyste
A l’opposé, l’extrême gauche argentine consolide sa place de troisième force électorale du pays et progresse, en termes de voix, par rapport à 2019, avec de très bons scores dans certaines circonscriptions ouvrières et populaires. Selon les premiers résultats partiels, un million de bulletins du Front de Gauche et des Travailleurs – Unité (FIT-U) auraient été déposé dans les urnes, ce dimanche.
Le quotidien conservateur argentin La Nación souligne cette dynamique dans son analyse de la journée de dimanche, également mise en en avant par l’autre quotidien de centre-droit, Clarín : « Très bonne élection pour l’extrême gauche au niveau national. Le FIT-U [formé par le PTS, PO, IS et le MST], écrit La Nación, s’est positionné en troisième position dans le cadre des PASO, une tendance qui pourrait s’avérer historique si elle venait à se répéter dans le cadre des élections législatives du 12 novembre prochain, avec de très bons résultats dans la province de Buenos Aires, avec 5,2% des voix, 6,23% pour la ville de Buenos Aires [où l’élection interne a été remportée par Myriam Bregman] et 23,37% à Jujuy [province pauvre de l’extrême Nord du pays] ».
Ces scores à un voire deux chiffres sont avant tout la traduction, sur le terrain électoral, du fait que malgré la chape de plomb qu’ont fait peser sur les mobilisations de ces derniers mois les confédérations syndicales liées au péronisme, le mécontentement social politique et la polarisation ne se sont pas uniquement reflétés par une hausse de l’abstention ou une consolidation des résultats de la droite dure mais également par un soutien renouvelé et renforcé au FITU.
Le Front de Gauche et des Travailleurs-Unité présentait un programme d’urgence anticapitaliste et révolutionnaire axé autour de plusieurs revendications clés, à commencer par la réduction sans diminution de salaire de la journée de travail à 6h, un soutien inconditionnel aux revendications du mouvement des femmes, LGBTIQ et autochtones ou encore le non-paiement de la dette extérieure, en lien avec la nécessaire mobilisation du monde du travail, de la jeunesse et des classes populaires pour l’imposer. Les candidates et candidats qui ont concouru ce dimanche sous les couleurs du FIT-U et qui se présenteront en novembre sont, pour beaucoup, représentatifs des luttes exemplaires qui ont secoué le pays ces derniers mois (luttes pour la terre et le logement digne, luttes ouvrières dans la sous-traitance ferroviaire et l’énergie, chez les travailleurs agricoles et viticoles de plusieurs provinces, dans la santé ou l’éducation, etc.) ou des militantes et militants reconnus du mouvement ouvrier.
C’est à travers cette orientation, également, que devrait se consolider une alternative de classe, anticapitaliste et révolutionnaire pour affronter autant les mauvais coups d’un gouvernement de « centre-gauche », aux abois, en mal de légitimité et qui sera appelé à renégocier le paiement de la dette extérieure avec le FMI, prochainement, ainsi qu’une droite revancharde, réactionnaire et anti-populaire, qui rêve de revenir au pouvoir. Des leçons pour l’extrême gauche qui valent pour l’Amérique latine, mais pas uniquement.