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Elections argentines : la droite en tête, l’extrême gauche en 3ème position avec 1,27 million de voix
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Victoire de la droite, aux élections, ce dimanche, en Argentine. Timide remontée des péronistes, au pouvoir, par rapport aux primaires de septembre, mais défaite tout de même. Mais aussi et surtout un excellent score de l’extrême gauche avec l’élection de quatre députés au Parlement. Le FIT-U confirme sa place de troisième force politique du pays, devant la droite radicale. Ce qu’il faut retenir du scrutin de mi-mandat.
Une fois n’est pas coutume, on peut commencer par les bonnes nouvelles, voire de très bonnes nouvelles. Pour les classes populaires d’Argentine et, plus généralement, pour les révolutionnaires en Amérique latine et ailleurs dans le monde. Le Front de Gauche et des Travailleurs – Unité (FIT-U) a réalisé une très belle performance, ce dimanche, aux élections de mi-mandat en Argentine, augmentant de 20% le nombre de voix obtenues par rapport aux élections primaires obligatoires (PASO) de septembre dernier. Avec 1,27 million de voix, soit près de 6% selon des résultats encore non définitifs, la coalition composée par le Partido de Trabajadores Socialistas (Parti des Travailleurs Socialiste, PTS), le Partido Obrero (Parti Ouvrier, PO), Izquierda Socialista (Gauche Socialiste, IS) et le Movimiento Socialista de los Trabajadores (Mouvement Socialiste des Travailleurs, MST) confirme sa position de troisième force politique au niveau national. Troisième derrière la droite qui, forte de ses 42%, dame le pion à la coalition gouvernementale péroniste de centre-gauche (33%), mais devant la droite radicale. Le score de la gauche révolutionnaire est d’autant plus important que l’Argentine n’en finit pas de s’enfoncer dans la crise, avec une inflation qui dépasse les 50% cette année, 40% de la population qui vit sous le seuil de pauvreté et, dans les prochains mois, des échéances avec les créanciers internationaux que le gouvernement et la droite entendent honorer au prix d’une politique encore plus austéritaire contre les classes populaires.
Quatre députés trotskystes au Parlement
Concrètement, ce score va se traduire par l’entrée de quatre députés au Parlement, contre deux aujourd’hui. Nicolás del Caño, ancien candidat à la présidentielle du FIT-U et membre de la direction du PTS, et Romina del Pla, membre de la direction du PO, ont été réélus pour la province de Buenos Aires, où le FIT-U a obtenu près de 600.000 voix (6,8%). D’autres personnalités d’extrême gauche font également leur entrée dans différentes instances à l’instar de Guillermo Kane (PO) et Graciela Calderón (IS), qui siègeront au Parlement provincial de Buenos Aires, alors que d’autres militants et militantes ont été élus conseillers dans plusieurs municipalités populaires du cordon industriel de la capitale, pourtant bastions du péronisme, comme La Matanza, Merlo, Moreno ou encore José C. Paz, où les trotskystes font un peu plus de 9% des voix. Le record vient de la très justicialiste circonscription Presidente Perón, dont le chef-lieu, Guernica, a été le théâtre d’un conflit extrêmement violent pour la terre et le logement, où le FIT-U a fait près de 9,6% ce dimanche.
Pour la première fois depuis vingt ans, la capitale, Buenos Aires aura sa députée d’extrême gauche. Bastion de la droite conservatrice (l’ancien président, Mauricio Macri, y a fait sa carrière de businessman et de politicien, tout comme son possible dauphin, Horacio Rodríguez Larreta), c’est grâce aux voix des quartiers populaires de la capitale et des entreprises de son tissu industriel et de services qu’est élue Myriam Bregman. Membre de la direction du PTS, cette avocate lutte de classe, très populaire, partie prenante de plusieurs procès contre les responsables de la dernière dictature militaire argentine, a obtenu un peu plus de 141.000 voix, soit 7,7%. Gabriel Solano (PO) et Alejandrina Barry (PTS), font leur entrée au Parlement de la capitale. Si l’on ajoute au score de Bregman les 3% obtenus par Luis Zamora, de Autodeterminación y Libertad, l’extrême gauche fait près de 11% dans la capitale, un score qui permet de relativiser l’élection de deux députés « libertariens » de droite, dans cette même ville, et qui est un indicateur, au niveau local, de la forte polarisation politique et sociale que traverse le pays.
Le meilleur score du FIT-U a été obtenu près de la frontière bolivienne. Alejandro Vilca, militant du PTS, éboueur, a raflé un peu plus d’un quart des voix à Jujuy. Ce sera le premier député ouvrier, socialiste, issu de la communauté autochtone kolla, de cette province, l’une des plus pauvres du pays et où la vie politique est traditionnellement dominée par l’oligarchie du complexe industrialo-agricole.
Le futur groupe parlementaire du FIT-U sera donc composé de quatre députés, deux militantes et deux militants révolutionnaires, dont le rôle sera celui de défendre et relayer les luttes, combattre la droite et la politique du gouvernement et défendre une perspective alternative à celle de l’austérité. Comme le soulignait le journal conservateur La Nación dans son édition spéciale post-élections, Bregman a été très explicite dans son discours de bilan électoral : « qu’il soit clair que toutes les bagarres que nous allons mener, nous allons les mener dans la perspective de mettre en place un gouvernement des travailleurs en rupture avec le capitalisme, parce que notre vrai combat, c’est le combat pour le socialisme ».
Une droite en position de force
Dans le cadre d’un sursaut de participation au scrutin qui a permis au péronisme de limiter la casse en remobilisant partiellement son électorat, la droite a maintenu sur la coalition de centre-gauche, au pouvoir depuis 2019, ses neuf points d’avance obtenus lors des élections primaires de septembre. Elle fait 42%, soit un peu plus de 9,6 millions de voix. Au cours de la dernière semaine de campagne, la droite a surfé sur la vague d’indignation qui a secoué le pays à la suite du meurtre d’un petit commerçant de Ramos Mejía, dans la banlieue de la capitale, musclant un peu plus son discours ultra-sécuritaire qui lui sert de paravent pour éviter de poser les questions qui fâchent : chômage, pauvreté et pauvreté extrême, le fait qu’un tiers des foyers en Argentine ne réussissent même pas à faire un repas par jour.
Au fil de ses interventions, Juntos por el Cambio, la coalition de droite, a multiplié les clins d’œil et les appels du pied en direction de la droite radicale « libertarienne » et de l’extrême droite incarnées par Javier Milei et José Luis Espert, en intensifiant ses attaques contre le « kirchnérisme », le courant « de gauche » de la coalition gouvernementale, une façon de faire oublier que si la politique de l’exécutif a été désastreuse sur le plan économique et sanitaire, la droite avait bien préparé le terrain au cours de la précédente mandature, entre 2015 et 2019. De façon assez révélatrice, l’ancien président, Mauricio Macri, présent sur scène aux meetings de clôture de campagne et lors de la proclamation des résultats, s’est abstenu de toute prise de parole. Le slogan de la droite, lors de ces élections, était d’ailleurs « basta », incarnant un ras-le-bol droitier contre le gouvernement de centre-gauche, mais Juntos por el Cambio a été bien incapable de construire un discours mobilisateur en positif à même de créer un véritable enthousiasme électoral et une adhésion à son programme qui rime avec davantage d’austérité et de répression.
Le péronisme fait semblant de ne pas avoir perdu et s’apprête surtout à négocier avec le FMI
Le péronisme, lui, a fait la fête, dimanche soir. Ou, du moins, il a fait semblant. Certes, le différentiel de voix entre la droite et le péronisme s’est restreint dans la province de Buenos Aires, la plus importante du pays au niveau électoral et bastion historique du justicialisme, mais les chiffres sont ceux qu’ils sont. Au niveau des sénatoriales, le péronisme perd pour la première fois depuis 1983 son quorum à la Chambre haute, dont le perchoir est occupé par l’actuelle vice-présidente, Cristina Fernández de Kirchner, ce qui compliquera considérablement les tractations politiciennes qui sont monnaie courante au Sénat et au Parlement. Le Frente de Todos réussit à ne pas perdre la main au Parlement, en conservant 119 députés, mais la défaite est bel et bien là.
De façon assez surprenante et avant même de prendre la parole au QG de campagne, le chef de l’exécutif, Alberto Fernández, s’est fendu d’un message préenregistré, dimanche soir, dans lequel il ne faisait aucunement allusion au revers électoral subi par sa majorité, mais centré, à l’inverse, sur la nécessité d’arriver à un accord transpartisan en vue des remboursements de créances auxquels l’Argentine aura à faire face dans les prochains mois. Une façon de répondre aux exigences du FMI et des investisseurs qui réclament depuis plusieurs mois un plan de ce type pour « stabiliser » l’économie. Une façon, également, d’appuyer le discours de son ministre de l’Economie, Martín Guzmán, qui déclarait, avant les élections, vouloir arriver à un « bon accord » avec le Fonds Monétaire. Une façon, enfin, de souligner que les quelques gestes opérés par le gouvernement en direction des classes populaires, à la suite de la débâcle aux élections primaires de septembre (relèvement des salaires, augmentations de certaines prestations sociales, gel des prix de première nécessité), n’était qu’une parenthèse visant à redistribuer un peu d’argent en direction de la base électorale populaire du péronisme mais que l’essentiel est ailleurs, du côté de Washington et du Club de Paris. Comme de coutume, dans la tradition péronisme, où un discours peut en cacher un autre, parfois opposé, Fernández a appelé au cours de la soirée électorale à une grande mobilisation populaire pour ce mercredi, histoire de montrer qu’il n’est pas complètement isolé et qu’il garde plusieurs atouts au niveau du mouvement social et syndical. Mais c’est bien le premier message, à destination des entreprises et du FMI, qui était le plus important.
Ce qui se prépare « en haut » et ce à quoi doivent se préparer les révolutionnaires
Si la droite exulte après sa victoire qui la place en position favorable en vue des présidentielles de 2023, elle sait également qu’elle entamera des discussions avec le gouvernement sur la question de la dette, quand bien même elle affirme le contraire pour l’heure. L’Argentine est un pays où les fins de mandat sont souvent compliquées pour la majorité sortante, ce qui inquiète généralement les multinationales et les impérialistes, qui ont avant tout à cœur la stabilité du pays et de leurs investissements, indépendamment de la couleur politique du gouvernement en place.
Dans ce cadre, les deux années à venir seront marquées par un affaiblissement de l’exécutif, taraudé par des tensions internes, mais également par une droite qui sort gagnante de la séquence électorale mais qui n’a pas réglé la question de son leadership interne, du nom de son possible candidat aux élections, et qui doit également faire oublier le triste souvenir laissé par les quatre années de gestion de Macri dont les contre-réformes, notamment celle des retraites, avaient été entravées par une forte mobilisation sociale du monde du travail.
Les résultats engrangés par le Front de Gauche et des Travailleurs sont, de ce point de vue, un indicateur du rapport de force existant, au niveau de la classe ouvrière et de la jeunesse, et que toute tentative d’avancer sur le terrain de l’austérité pourrait être contrée avec encore plus de force. En ce sens, le FIT-U a notamment fait campagne sur l’opposition radicale au FMI, pour le non-paiement de la dette, frauduleuse, illégitime et criminelle, et pour la journée de 6h, sans réduction de salaire, pour résoudre la question de l’emploi.
Pour le PTS, qui est aujourd’hui le courant moteur du FIT-U, cela pose avec encore plus d’urgence un certain nombre de débats et de discussion, dont la question centrale de la traduction du score électoral sur le terrain de l’organisation, dans les luttes et au niveau politique. Autant de discussions qui ne manqueront pas d’irriguer les forces de la gauche révolutionnaire qui, au niveau international, sont convaincues que l’extrême gauche n’est pas condamnée à être spectatrice d’une polarisation croissante de la situation mondiale ou à se situer à la remorque des réformistes, incapables d’inverser la tendance lorsqu’ils ne font pas le lit du retour des droites. A l’inverse, elle peut être en capacité d’incarner, si elle s’en donne les moyens, une alternative révolutionnaire pour le monde du travail et l’ensemble des exploité.e.s et des opprimé.e.s. C’est cela, également, que nous disent les résultats du FIT-U aux élections de ce dimanche en Argentine.