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Pension minimum à 1200 euros : comprendre l’arnaque en 5 minutes

retraite

Lien publiée le 17 février 2023

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://rapportsdeforce.fr/classes-en-lutte/pension-minimum-a-1200-euros-comprendre-larnaque-en-5-minutes-021616759

Après plusieurs jours de flottement sur le nombre réel de personnes qui bénéficieront d’une pension minimum à 1200 euros, le ministre du Travail Olivier Dussopt a finalement trouvé lundi soir deux chiffres à donner. Ce sera 40 000 nouveaux retraités par an. Et un total de 250 000 pour les retraités actuels.

pension minimum à 1200 euros

Dès mi-octobre, notre rédaction a commencé à s’intéresser à ce que nous présentions comme une arnaque et qui était présenté par l’exécutif comme la grande mesure de justice sociale de la réforme des retraites : la pension minimum à 1200 euros, correspondant à 85 % du SMIC. En fait, 1100 euros à ce moment-là, avant qu’Élisabeth Borne ne se rende compte mi-décembre, que fin 2023, du fait de l’inflation, 85 % du SMIC correspondrait plutôt à 1200 euros.

Pourquoi semblait-il évident que c’était une arnaque ? Parce que cette mesure était un copier-coller d’une annonce faite lors de la précédente réforme des retraites de 2019. A l’époque il était prévu par le gouvernement de garantir des pensions minimales à 1000 € (85 % du SMIC) pour une carrière complète. Et déjà, la condition de carrière complète excluait la majorité des 5,7 millions de retraités, sur près de 16 millions, dont la pension était inférieure à 1000 euros. Ainsi, la reprise dans les mêmes conditions de cette mesure pour la nouvelle réforme ne pouvait que produire les mêmes effets.

Un grand flou d’octobre à janvier

Prétextant des concertations en cours avec les syndicats, le ministère du Travail s’était refusé à nous donner la moindre information quant à la technique et au contenu de cette mesure. Notamment cette information capitale :  savoir si la mesure concernerait seulement les nouveaux retraités – environ 850 000 par an (pensions de réversion incluses) – ou l’ensemble de ces derniers. Comme le gouvernement était également avare en informations avec les représentants syndicaux, nous n’avions pu apprendre auprès d’eux qu’une seule chose : ce-dernier  actionnerait le dispositif du minimum contributif pour ses revalorisations.

Le 3 janvier, les déclarations d’Élisabeth Borne sur France Info ont finalement répondu à notre question principale : ce sont « les actifs qui vont devoir travailler un peu plus longtemps qui bénéficient de cette revalorisation ». Donc, rien pour les retraités du moment. Fort de cet aveu, nous alertions dès le 4 janvier qu’avec ce choix, seuls 2 % des retraités pauvres toucheraient la pension minimum à 1200 euros, selon nos calculs.

Une prévision qui s’est avérée inexacte, puisque la Première ministre a finalement changé d’avis en présentant le 10 janvier une pension minimum à 1200 euros pour l’ensemble des retraités. Avec comme objectif : obtenir le vote de sa réforme par les élus Les Républicains. Pour autant, nous verrons plus loin que nos inquiétudes et nos alertes n’étaient pas infondées, puisque les chiffres donnés hier par Olivier Dussopt, attestent que moins de 5 % des 5,7 millions retraités ayant de faibles pensions atteindront le seuil des 1200 euros bruts.

Communication trompeuse ou mensongère

Au soir du 10 janvier, Élisabeth Borne annonçait que deux millions de petites retraites seraient revalorisées. Et qu’au lieu de toucher 75% du SMIC, pour une carrière complète, la pension atteindrait 85% du SMIC, soit 1200 euros environ. Était également évoqué, une augmentation du minimum contributif pouvant aller jusqu’à 100 euros. Comment ne pas comprendre alors que deux millions de retraités allaient voir augmenter leur pension pour atteindre 1200 euros bruts ?

D’autant que depuis le 10 janvier, les membres du gouvernement et de la majorité rabâchent sur les plateaux des chaînes en continu, ou dans les matinales, qu’avec la réforme, 1,8 million de retraités dotés d’une carrière complète bénéficieront d’une retraite minimale à 1200 euros. Et que dès cette année, 200 000 nouveaux retraités pourront également en profiter. Sans que cette communication ne suscite trop d’interrogation sur les plateaux de télévision ou de radio. En tout cas, jusqu’à la semaine dernière.

Revalorisation ne veut pas dire pension minimum à 1200 euros

Pourtant, les 1,8 million de retraités actuels et les 200 000 nouveaux pensionnés par an concernés par la mesure du gouvernement ne toucheront pas tous 1200 euros bruts de retraites, si la réforme est adoptée. D’abord, comme l’expliquait l’économiste Michael Zemmour dans une interview à Rapports de force fin janvier, parce que le projet de loi ne garantit pas une pension minimum à 1200 euros. En fait, il fixe l’objectif de 85% du SMIC pour les salariés « ayant travaillé à temps complet avec un revenu équivalent au salaire minimum et justifiant d’une durée d’assurance cotisée […] identique à la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier du taux plein ». Seulement dans ce cas-là, la revalorisation du minimum contributif pourra atteindre le seuil des 1200 euros.

Les limites fixées par le projet de loi vont nettement réduire le nombre de personnes pouvant atteindre le seuil. En effet, il faut non seulement avoir une retraite à taux plein, mais aussi avoir eu une carrière complète au SMIC et quelle ait été à temps complet. Prenons un exemple : un salarié qui commence à travailler à l’âge de 25 ans au SMIC. Il est à temps plein et ne connaît aucune interruption de carrière. Il doit travailler 172 trimestres (43 ans) pour avoir sa retraite à taux plein. A l’âge de 64 ans, auquel il pourrait légalement liquider ses droits, avec la réforme, il n’aura pas sa carrière complète ni le taux plein. S’il prend sa retraite quand même, une décote sera appliquée à sa pension et il n’aura pas droit à la mesure de revalorisation. S’il repousse son départ à la retraite à 67 ans, la décote prend fin et il bénéficie du taux plein. Mais il n’aura toujours pas de carrière complète, puisqu’il n’a pas la totalité des 172 trimestres. La revalorisation ne s’appliquera qu’au prorata des trimestres travaillés.

Bien d’autres situations excluront de la cible des 1200 euros les 4,7 millions de retraités actuels qui perçoivent le minimum contributif. Il en sera de même avec les nouveaux retraités. Selon Michael Zemmour, les seules personnes qui pourront l’atteindre sont celles répondant à tous les critères limitatifs qui seraient déjà proches du seuil. Selon les calculs de l’économiste fin janvier, la moyenne des revalorisations serait de 63 euros pour les femmes et 45 euros pour les hommes déjà à la retraite. Et pour les retraités à venir, de 25 euros pour les hommes et 38 euros pour femmes.

Pension minimum à 1200 euros : 5 % des retraités pauvres concernés

Pressé de toute part de donner le nombre réel de personnes qui percevront une pension minimale à 1200 euros, Olivier Dussopt a finalement trouvé des chiffres auprès des services de son ministère en ce début de semaine. Ce matin, sur France Inter, il a expliqué que 40 000 nouveaux retraités arriveront au 85 % du SMIC. Et donc à environ 1200 euros. Nettement moins que les 200 000 annoncés, qui en réalité sont le nombre de personnes qui bénéficient du minimum contributif sur les 850 000 nouveaux pensionnés par an. Les 160 000 restants devraient voir leur pension revalorisée, mais sans atteindre le seuil annoncé. Et de l’aveu du ministre du Travail, quasiment les deux tiers des bénéficiaires du minimum contributif auront moins de 70 euros de revalorisation. Soit près de 130 000 sur 200 000.

Quant aux personnes déjà retraitées, là aussi le nombre d’élus aux 1200 euros devise sévèrement. Sur les 1,8 million de personnes concernées par une revalorisation, seulement 250 000 atteindraient la somme cible correspondant à 85 % du SMIC. Soit moins de 14 %. Enfin, l’augmentation du minimum contributif de 100 euros n’en concernerait que 125 000, alors que 900 000 auraient droit à moins de 70 euros. Finalement, en n’oubliant pas que 5,7 millions de retraités percevaient une retraite inférieure à 1000 euros en 2021, selon un rapport remis à l’ancien Premier ministre Jean Castex, la situation de l’immense majorité ne va guère évoluer. Avec 250 000 retraités concernés par la pension minimum à 1200 euros et 40 000 entrants l’année à venir, cette grande mesure de justice sociale ne touchera en tout que 5 % d’entre eux.