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Clefs pour comprendre "le Capital", avec l’économiste Cédric Durand

Marx

Lien publiée le 26 mars 2023

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Hommage à Karl Marx : l'insoumission.fr vous donne 20 clefs pour comprendre « le Capital », avec l'économiste Cédric Durand - L'insoumission (linsoumission.fr)

Marx Capital

Karl Marx est mort il y a 140 ans. Sa pensée reste d’une actualité presque déconcertante. Si la lecture du Manifeste du Parti Communiste est accessible à toutes et tous (c’était précisément l’objectif de son auteur), se plonger dans Le Capital est plus ardu. Dans cet ouvrage, Marx cherche à développer non moins qu’une théorie complète pour analyser le capitalisme. L’objectif : permettre de comprendre le fonctionnement de ce système économique, pour mieux le renverser. En pleine bataille entre le capital et le travail en France, la lutte des classes est plus que jamais d’actualité.

La conscience est la condition nécessaire à l’émancipation, à la liberté du peuple. Karl Marx nous livre une analyse globale du capitalisme, magnifiquement utile dans la bataille culturelle. Il nous reste à nous en saisir. Et continuer à l’interroger, le réactualiser, l’adapter à la réalité du monde. Car Marx ne livre pas un dogme mais des concepts utiles pour comprendre le monde. Et le monde change. 

Plus facile à dire qu’à faire. Pour vous aider, l’insoumission.fr s’est rendu au cours donné par l’économiste Cédric Durand, professeur à l’Université de Genève, au cursus renforcé de l’Institut La Boétie. Nous vous partageons 20 clefs, issues de son cours, pour réussir à entrer dans la lecture du Capital de Karl Marx. Notre article hommage à l’occasion de l’anniversaire des 140 ans de la mort du maître à penser de l’insoumission.fr

Les 20 clés qui suivent sont directement issues du cours donné par Cédric Durand professeur à l’Université de Genève, au cursus renforcé de l’Institut La Boétie. Cet article est donc le fruit du partenariat entre l’Institut La Boétie et l’insoumission.fr. Conformément à l’ambition de la fondation insoumise qui se veut un lieu d’élaboration intellectuelle de haut niveau et un outil d’éducation populaire, l’insoumission.fr est régulièrement associé afin de contribuer à partager au plus grand nombre les connaissances forgées au sein de l’Institut.

Clef #1 : Pour lire Le Capital de Karl Marx, il faut s’accrocher mais cela en vaut la peine

Karl Marx est un penseur que même la bourgeoisie nous envie. Par exemple, Emmanuel Macron conseillait sa lecture en 2017.

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Marx est un théoricien militant, il cherche à développer une théorie du monde dans l’action, une théorie qui permette de changer le monde.

« Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, mais ce qui importe, c’est de le transformer ». Marx écrit cette phrase en 1945. Avec Le Manifeste du Parti Communiste en 1848, l’année d’un soulèvement populaire à plusieurs endroits de l’Europe appelé Printemps des peuples.

Dans Le Manifeste, il cherche à donner des mots d’ordre compréhensibles de toutes et tous, pour motiver les gens du peuple, celles et ceux qui vivent de leur travail, à entrer dans l’action politique grâce à un parti organisé pour prendre le pouvoir : le Parti Communiste. En 1967, il participe à la fondation de la première internationale des travailleurs. C’est son premier axe pour transformer le monde.

Le deuxième, c’est Le Capital. Une analyse, qu’il aurait voulue encore plus exhaustive, de l’économie, des relations entre les éléments nécessaires à la production : les humains, les matières premières, les machines. Ce qu’il appelle le mode de production. Une analyse de leur fonctionnement et de leur mode de transformation.

Avec toujours le même objectif. Que les prolétaires (aujourd’hui nous dirions le peuple) celles et ceux qui vivent de leur travail, qui usent leur corps et leur esprit à la production de richesse, comprennent l’économie pour pouvoir la diriger, et non plus les bourgeois, où les capitalistes, c’est à dire ceux qui utilisent la force de travail des autres pour accumuler toujours de richesse, de capital. 

Le Capital est donc un livre qui permet de prendre le pouvoir sur le capitalisme, rien de moins. Conclusion : il faut s’accrocher, mais cela en vaut la peine.

Maintenant que vous avez, je l’espère, envie de lire ce livre, nous allons entrer dans le vif. Nous allons voir 5 points essentiels de l’analyse de Karl Marx. 

  • La théorie de l’histoire comme succession de modes de production
  • La marchandise comme fétiche
  • L’exploitation
  • Le capital de la valeur en mouvement
  • La socialisation, tendance historique de l’accumulation

Si après avoir terminé cet article, vous avez l’impression d’avoir compris l’essentiel, vous êtes prêts à vous lancer dans la lecture de  cette œuvre qui bouleversa le cours de l’Histoire mondiale. Si non, je vous conseille dès maintenant de vous procurer un complément à la fois ludique et pédagogique : la bande dessinée Le Capital éditée en 2011 par Soleil

Premier point : La théorie de l’histoire comme succession de modes de production

Clé #2 : La base de toute la vie humaine, la structure sur laquelle repose tout le reste ce sont les rapports de production et d’échange, c’est-à-dire la manière dont les humains s’organisent pour subvenir à leurs besoins vitaux

La production sociale de notre existence (boire, manger, dormir, avoir chaud, apprendre, se soigner) est déterminée par des rapports de production entre des forces productives. Les forces productives, ce sont les humains et les machines (les outils) qui agissent sur des matières (de la farine, du bois, des circuits électroniques). En fonction de ces forces productives, on a des rapports de production, c’est-à-dire notre lien à la matière, aux machines et notre lien aux autres humains qui produisent. Le mode de production, la structure économique, c’est l’ensemble des forces productives et de leurs relations.

Clé #3 : Le capitalisme n’a pas toujours dominé le monde, et il ne le dominera pas pour toujours

Avant le capitalisme, au Moyen-Âge, le mode de production dominant était le féodalisme. Il se caractérise par le servage, un système où les paysans sont attachés à la terre. Ils travaillent de manière isolée pour leur subsistance et collective pour rendre des services au seigneur.

Le mode de production capitaliste est différent notamment car la production est organisée en série. Ce n’est pas chaque personne qui part de la matière première jusqu’au produit fini comme dans le féodalisme. Dans le capitalisme, chaque personne qui travaille ne s’occupe que d’une petite partie de la production finale, c’est la division du travail. Au départ, il faut donc forcément qu’existe la technologie de la chaîne de montage dans les usines pour que ce mode production s’impose. Ainsi, on peut dire que le mode de production dépend de la technologie. 

Clé #4 : La place de chacun dans le rapport de production, son être social, détermine sa manière de pensée, sa conscience

La société ce n’est pas seulement des technologies et de la production de biens ou de services. C’est aussi des normes, des valeurs, un système juridique, des arts et de la culture. C’est ce que Marx nomme la superstructure

La structure détermine la superstructure. D’abord, on vit dans un monde, avec des modes de production, dans lequel on ne choisit pas notre place. Celle-ci s’impose à nous quand nous naissons. C’est seulement ensuite que se crée en chacun une conscience. De même, les institutions, les lois, les arts découlent du mode de production. Pas de loi pour réglementer la liberté de la presse, avant l’invention de l’imprimerie. Pas de 7ème art sans la pellicule souple et le cinématographe. 

La conscience de chacun a ensuite un effet sur sa vie, peut modifier sa place dans la société. De même, les institutions, les lois, les valeurs font évoluer les méthodes de productions. Ce n’est toutefois qu’un effet en retour. 

Que diriez-vous d’un petit schéma pour récapituler ?

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Clé #5 : On passe d’un mode de production à un autre par une révolution sociale

L’Histoire est le résultat d’une évolution des modes de production, de structure économique. Une évolution par saut, par phase quand on change de logique dominante. Ces sauts sont les phases révolutionnaires.

Une phase révolutionnaire survient quand les forces productives entrent en contradiction avec les rapports de production. À cause de la manière dont les rapports de production sont organisés, une nouvelle technologie ne peut pas donner son plein potentiel de richesses pour ceux qui la contrôlent. 

Par exemple, quand la manufacture, l’usine émerge, cela apporte de forts gains de productivité. Chaque ouvrier peut produire bien plus. Cependant, cette nouvelle possibilité de production de richesses est bloquée par les code féodaux qui limitent la circulation de la main d’œuvre et donc la concentration ouvrière. Les bourgeois qui possèdent ces usines vont donc faire exploser ce code féodal pour organiser la production d’une manière qui leur permet d’accumuler des profits. C’est une révolution sociale.

Ainsi, de même que le capitalisme n’a pas toujours été le mode dominant. Il ne sera pas dominant pour toujours. De nouvelles technologies vont bouleverser les forces productives, les moyens d’organiser la production, entrer en contradiction avec les rapports actuels. Et il y aura une nouvelle révolution sociale. 

Clé #6 : on sait que cela ne durera pas pour toujours, mais on ne sait pas ce qui viendra ensuite

La nouvelle structure économique dominante pourrait être l’éco-socialisme. Ou quelque chose de pire encore que le capitalisme. Le numérique semble aujourd’hui l’évolution technique la plus à même de bousculer les rapports de production. Mais rien n’est écrit.

Deuxième point : La marchandise comme fétiche

Clé #7 : Dieu n’est pas mort, nous ne l’avons pas tué, juste changé en chaise à 189 euros sur la Redoute

Qu’est ce qu’un fétiche ? C’est un objet naturel ou fabriqué doté d’une puissance extra-humaine. Une capacité d’agir qui dépasse l’humanité. Dans les sociétés capitalistes, individualistes, supposément régies par la raison, cela nous paraît exotique. Mais c’est une erreur. Le Capital nous révèle que nous avons transféré toute la magie du monde dans des biens et des services à consommer.

Dans le capitalisme, la société est dominée par un fétiche : la marchandise (c’est-à-dire tout ce qui peut être échangé contre de l’argent). 

Les marchandises acquièrent ainsi une double valeur : une valeur d’usage (à quoi ça sert) et une valeur marchande (combien ça coûte, combien ça rapporte)

Les produits ne deviennent marchandises que lorsqu’il y a scission entre valeur d’usage et valeur d’échange. Une tarte au brocolis maison n’est pas une marchandise car la personne qui produit et consomme est la même personne et il n’y a pas d’échange monétaire entre le consommateur et le producteur.

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Exemple : une chaise. Sa valeur d’usage est simple à voir : s’asseoir dessus. Si on la trouve belle, elle peut également avoir un effet positif sur l’esprit de celui qui la regarde, apaiser, inspirer etc.

Dans le féodalisme, les serfs cultivent pour se nourrir. Les seigneurs emploient la force des paysans pour réparer son château. Pour l’usage.

L’objet « chaise » existait avant le capitalisme. Ce qui change dans ce mode de production, c’est que la valeur d’échange est sa principale raison d’exister. Car ce qui intéresse les gens qui possèdent les usines, paient les travailleurs et les matières premières nécessaires à la production de la chaise, c’est de réaliser sa valeur d’échange. On ne produit pas pour l’usage mais pour l’argent qu’on peut échanger.

Bien sûr, pour pouvoir être échangée, une production doit avoir une valeur d’usage. Si vous fabriquez des machines à écrire en 2023, ça ne va pas marcher. Même si elles sont très belles et pas chères. Mais être utile ne suffit pas. Pour qu’il y ait échange, il faut que le produit soit à un prix « adéquat » à ce que cela vaut.

La marchandise met en rapport des équivalent. Si vous échangez une chaise contre 189 euros, vous êtes prêt à échanger une chaise contre une caisse de bouteille de champagne.

La forme-marchandise a quelque chose de mystérieux. Reprenons notre exemple de chaise. On ne sait pas qui l’a produit, quels métaux, quel bois, d’où vient le vernis. On ignore pratiquement tout de cette chaise. Dans le capitalisme, les rapports sociaux sont impersonnels, on est dans le brouillard. On ne connaît rien à la force de travail nécessaire au monde qui nous entoure. Tout ce que vous connaissez c’est sa valeur d’échange. C’est cela le fétichisme de la marchandise, « la forme marchandise renvoie l’image du rapport social des producteurs au travail global, comme un rapport social existant en dehors d’eux ». 

Sans rien connaître d’un objet, on accepte que l’essentiel des informations, de ses qualités, de son utilité, soit résumé par des chiffres, par son prix. Pourquoi ? Parce la société capitaliste est entièrement organisée autour de l’échange. Et cela est la conséquence directe de la division du travail.

Clé #8 : Parce que chaque personne n’est qu’un petit maillon dans l’immense division du travail, l’échange est le lieu central dans le capitalisme

On l’a vu, le capitalisme devient le mode de production dominant avec la chaîne de montage. La division du travail est donc au cœur du capitalisme. On passe d’un mode féodal où chaque personne prend en charge une large part de la transformation de matière première en produit fini à un système capitaliste où chacun réalise une toute petite transformation sur un grand nombre de produits. Par la division du travail, chaque individu devient totalement dépendant du travail des autres pour subvenir à ses besoins.

Le socialisme doit être une forme d’organisation où l’on a conscience des rapports sociaux nécessaires à la production, où l’on désensorcèle l’économie. Où l’on décide de la production et des modalités d’échange en fonction des besoins des gens.

« Si donc nous nous échappons [de la production marchande] vers d’autres formes de production, nous verrons disparaître instantanément tout le mysticisme du monde de la marchandise, tous les sortilèges qui voilent d’une brume fantomatique les produits du travail accompli sur la base de la production marchande. » Karl Marx Le Capital, Livre I

Le capital au contraire a tendance à tout transformer en marchandise, donc en fétiche incompréhensible aux humains.

Clé #9 : Le capitalisme a tendance à tout transformer en marchandise car chaque échange permet d’accumuler du capital, d’enrichir ceux qui possèdent les moyens de production

Le capitalisme n’a inventé ni la monnaie (l’argent en langage courant) ni l’échange marchand. Il y avait de la monnaie depuis la Grèce antique en Occident. L’échange marchand existe depuis des milliers d’années. La spécificité du capitalisme n’est pas la marchandise mais la tendance à tout le temps élargir. Pourquoi cette tendance ?

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L’équation de marchandage simple c’est : marchandise – argent – marchandise nouvelle

On produit quelque chose, on le vend, ça nous rapporte de l’argent qu’on utilise pour acheter une autre marchandise. 

Dans le capitalisme, l’équation devient : argent – marchandise – plus d’argent

On a une somme d’argent, on l’utilise pour produire (on achète ou construit une usine, on embauche des travailleurs, on achète des matières premières etc.) et à la fin, on obtient plus d’argent. Cette différence entre la mise de départ et le butin final, Marx nomme cela la plus value ou la survaleur.

La tendance du capitalisme à tout marchandiser vise un seul objectif : l’accumulation d’argent, l’accumulation de capital. Donc l’objectif de tout capitaliste, c’est de faire un maximum de plus-value.

Clé #10 : Le capitalisme prospère sur la misère

Troisième point : l’exploitation du travail

Le travail est une drôle de marchandise. Le capitalisme n’a pas existé de tout temps. A un moment le travail a été obligé de se vendre au capitaliste. Dans le servage, les paysans sont attachés à une terre. Les enfants reprennent la même terre, continuité dans le temps.

A partir du XIVème et surtout XVème et XVIème siècle en Angleterre, on observe le développement du phénomène d’enclosure : les seigneurs clôturent les terres, mettent fin au système de terres communales sur lesquels les paysans pouvaient cultiver pour leur propre consommation. Les seigneurs chassent donc les paysans qui partent sur les routes et sont forcés d’entrer dans des maisons de travail pour subvenir à leurs besoins.

Le travail, c’est un échange, travail contre argent. Cependant, il n’y pas d’égalité car le travailleur suspend sa volonté. Il ne choisit pas les actes à faire en échange de l’argent. Certes, il y a des règles, un contrat et un code du travail ce n’est donc pas de l’esclavage mais c’est tout de même un écrasement de la volonté du travailleur, forcé de renoncer à une grande part de sa subjectivité.

Pourquoi le travailleur accepte-t-il ce marché ?

Pour manger. Auparavant, les gens tiraient les moyens de leur subsistance de la terre à laquelle ils étaient attachés (servage), qu’ils partageaient avec les autres paysans (commons) ou dont ils étaient pleinement propriétaires. Chassés, ils n’ont plus les moyens d’assurer la reproduction de son existence sans vendre sa force de travail.

Le phénomène d’enclosure plonge donc des masses immenses de paysans auparavant relativement aisé dans la pauvreté et même la misère. Ils sont ainsi prêts à tout pour subvenir à leurs besoins. Les propriétaires des premières manufactures vont trouver une masse de gens prêts aux tâches les plus aliénantes, ingrates, répétitives, éreintantes pourvu qu’ils puissent en tirer des revenus. 

Clé #11: Le capitalisme a besoin de travailleur libre de se choisir un maître

Pourquoi cette étrange liberté est-elle nécessaire à l’accumulation du capital ?

Parce que le travail est une marchandise étrange qui crée plus de valeur que sa valeur elle-même. Une tarte au brocolis ou une chaise, quand on l’utilise, elle perd momentanément (chaise) ou définitivement (tarte) sa valeur. Au contraire, utiliser la marchandise « travail » crée de la valeur. 

En fonction de la manière dont le travail est organisé, des machines avec lesquelles ils entrent en relation, des innovations techniques, cette valeur augmente. Si les travailleurs sont attachés à une terre, ils ne sont pas libre de passer d’une usine à une autre, les innovations d’organisation du travail sont entravées et les capitalistes peuvent donc tirer moins de valeur du travail. 

D’où vient la valeur ?

Pour une chaise : d’une part, « la valeur transférée des moyens de production » (la matière, les machines, le transport. En somme, d’autres marchandises dont la valeur est transférée à la chaise) Mais il y a aussi : la valeur ajoutée (oui la même que la TVA). Ce qui ne vient pas des marchandises précédentes nécessaires.

Cette valeur ajoutée a deux composantes : le temps de travail nécessaire, rémunéré au prix nécessaire à la reproduction des moyens d’existence (toujours ce prix jugé « adéquat ») plus le surtravail.

Clé #12 : Le capitaliste tire un plus value de l’exploitation du travail

Le surtravail, c’est le secret du capitalisme. Ce surtravail est l’origine du profit. Le travail produit plus que ce que cela rapporte au travailleur. Autrement dit, les gens qui travaillent ne sont pas payés pour toutes les heures qu’ils font. Une partie des richesses qu’ils produisent est captée, prélevée par le propriétaire du capital, des machines que le travailleur utilise pour produire.

C’est pour cela que les patrons veulent augmenter le temps de travail, surveiller les temps de pause. Et c’est pourquoi ; style="border: 0px; margin: 0px; padding: 0px; background-color: transparent; transition: color 0.1s ease-in-out 0s, background-color 0.1s ease-in-out 0s; text-decoration: none; color: rgb(0, 89, 178);" target="_blank">la bataille pour le temps de travail est aussi centrale dans le conflit entre patron et travailleur. (Coucou Macron qui ne fait mine de ne pas comprendre pourquoi sa retraite à 64 ans soulève une telle révolte.)

Une fois la plus value obtenue par le surtravail, les capitalistes se livrent une guerre polie mais sans merci pour savoir qui aura la plus grosse part du gâteau.

La logique de l’exploitation est essentielle au microéconomique, au niveau de l’entreprise, (entre le patron et les ouvriers pour schématiser). Mais au niveau macroéconomique (au niveau global) cela n’est pas suffisant pour expliquer la quantité de profit, d’accumulation de capital par chaque capitalisme. Après avoir été extrait du travail dans chaque lieu de production, la survaleur est ensuite mise en concurrence entre les capitalistes, entre les banques, les industriels, les propriétaires de terres, d’immobilier. Cette bataille entre les capitalistes détermine la distribution des profits.

Clé #13 : L’impression de course folle de notre société vient du fait que le capitalisme a besoin de tout bousculer, de tout changer, pour produire de la survaleur relative

Comment les capitalistes font pour augmenter la survaleur ?

Deux méthodes : la production de survaleur absolue, la production de survaleur relative.

La production de survaleur absolue consiste à augmenter le temps de travail (dans la semaine, dans l’année ou dans la vie) pour le même salaire. Cela augmente mécaniquement le surplus pour le capitaliste, la survaleur.

Cependant, historiquement, on observe une baisse du temps de travail, et pourtant la survaleur augmente. Il y a de plus en plus d’usines, de bureaux, de machines, et de produits finis et échangés. Grâce à la production de survaleur relative.

La production de survaleur relative est obtenue par une nouvelle organisation du travail, de nouvelles relations des forces productives, une innovation : avec le même temps de travail, on produit plus de survaleur. Par exemple : Si une innovation technique permet d’avoir une machine à laver moins bruyante, cela augmente la valeur d’usage et en conséquence la valeur d’échange. Si cette amélioration ne nécessite pas plus de temps de travail ni de matière première, cela augmente la survaleur que le capitaliste va pouvoir en tirer. 

La production de survaleur absolue est limitée et sur le temps long, elle décroît même sensiblement avec la baisse du temps de travail et la raréfaction des ressources. C’est donc la survaleur relative qui fait tourner la machine capitaliste. 

Le capitaliste est une révolution permanente. Les capitalistes sont en concurrence pour gagner des parts de marché, faire plus de profits, qu’ils pourront ensuite réinvestir pour gagner de nouvelles parts de marché et faire encore plus de profits. Ils doivent donc toujours trouver des nouvelles techniques, des nouvelles organisations du travail pour augmenter la survaleur relative. C’est pourquoi le capitalisme est une course folle sur elle-même. C’est une course pour produire de la survaleur relative.

Clé #14 : Si l’image du bourgeois qui possède tout le capital d’une usine et des ouvriers sur la chaîne est une simplification pour permettre de mieux voir les mécanismes à l’œuvre, cela reste le soubassement de toute l’organisation économique

Comment expliquer la tendance à étendre les détenteurs de capital ? A faire de tout le monde des petits capitalistes ?

Déjà, il faut toujours se rappeler que la propriété du capital est extrêmement concentréeEn 2015, % de la population mondiale possédait 50% des richesses selon le rapport Oxfam. Ensuite, ce modèle capitaliste vs travailleur est en fait une histoire de degré. Il y a les techniciens, les cadres moyens qui exercent une fonction d’organisation du capital. Il y a des pouvoirs capitalistes : organiser et s’approprier la production. Avec différents degrés. Et donc différents d’accumulation du capital. En gardant bien à l’esprit que l’immense majorité de l’accumulation se concentre tout en haut de la chaîne.

Si le capital tire son profit de la survaleur produite par le surtravail, comment expliquer les bullshits jobs, ces métiers supposés n’avoir aucune valeur ?

Option 1 : C’est une illusion. En fait, d’une certaine manière, détournée, ces métiers permettent une accumulation des profits. Ils peuvent être « bullshit » pour les gens qui les exercent, et en même temps permettre l’accumulation du profit.

Option 2 : Ce phénomène est révélateur de la contradiction des forces productives qui aboutit à ces métiers inutiles. Cela pourrait expliquer la baisse de productivité qui semble se confirmer.

Point quatre : Le capital de la valeur en mouvement

Clé #15 : Le capital n’est pas un tas d’or. Il se déplace avec un seul objectif : grossir

Analogie partielle : le cycle de l’eau. Le capital circule et prend des formes différentes. Comme l’eau prend différentes formes (nuage, rivière, pluie) et pourtant c’est toujours des molécules H20. De même, le capital prend plusieurs formes (Bâtiments, usine) et c’est pourtant toujours du capital. 

Cette analogie est seulement partielle. En effet, contrairement au cycle de l’eau, la somme totale de capital augmente. Le cycle du capital est une spirale.

Première étape de la spirale : Une somme d’argent permet d’acheter des forces productives (travail, machine, de la matière à transformer). Première échange, argent contre moyen de production.

Deuxième étape : Les moyens de production se transforment en une marchandise dont la valeur dépasse la valeur de toutes les composantes (grâce au surtravail transformé en survaleur)

Troisième étape : L’échange de la marchandise. « Ces marchandises doivent ensuite être relancées dans la sphère de la circulation. Il faut les vendre, réaliser leur valeur en argent, retransformer cet argent en capital et ainsi de suite. Ce circuit, qui parcourt constamment les mêmes phases successives, constitue la circulation du capital » Karl Marx, Le Capital 

Clé #16 : Le capitalisme est intrinsèquement fragile, en crise permanente. 

Le capitalisme c’est la crise, cela peut se casser la gueule à tout moment. Pourquoi ? Parce que cet immense circuit de circulation de capital est entièrement interconnecté, donc un grain de sable ou une bombe à n’importe quel bout de la chaîne impacte tout le circuit.

Que ce soit du côté de l’offre (guerre, catastrophe naturelle, grève qui réduit production) ou de la demande (hausse des inégalités, baisse des salaires, surproduction et donc déflation). Les crises du capitalisme sont toujours la même crise : on pense qu’on va pouvoir valoriser une marchandise et en fait, on n’arrive pas à valoriser. Si on ne valorise pas, on dévalorise. Alors les bourses s’effondrent, le chômage augmente. Au final, c’est toujours la même crise interne.

Il existe aussi des crises externes : la crise écologique ou crise de la reproduction de la force de travail (baisse de la population, ou baisse de ses capacités physiques ou mentales). Il peut y avoir aussi une crise du système politique nécessaire à la circulation du capital. Notamment, le capitalisme a besoin d’un système de santé et d’éducation pour la reproduction de la force de travail. Et en même temps, les capitalistes demandent toujours des baisses d’impôts pour augmenter la survaleur. Or, il y a besoin de ces impôts pour fonctionner dans le système de santé et d’éducation. Cela crée une tension entre deux exigences du capitalisme et c’est donc également facteur de crise.

Clé #17 : Le capital fictif, c’est la finance est le capitalisme poussée à l’extrême.

La finance, le capital fictif, c’est de l’argent crée directement de l’argent supplémentaire, sans passer par la production. Comme capitalisme extrême, la finance est extrêmement fragile

« L’argent acquiert ainsi la propriété d’engendrer de la valeur, de rapporter de l’intérêt de la même manière qu’il est dans la nature du poirier de donner des poires. » Karl Marx, Le Capital

La finance est une anticipation des valeurs qui vont être créées. Les valeurs des actions sont les valeurs que l’on pense que l’entreprise va produire à court ou moyen terme. Et c’est donc extrêmement fragile puisque cela ne repose que sur des projections de valeur dans le futur qui donc naturellement vont régulièrement ne pas se réaliser.

Clé #18 : Le communisme est déjà dans la société d’aujourd’hui. C’est dans le mode de production capitaliste que se trouvent les clés pour son appropriation par les travailleurs

Cinquième point : La socialisation, tendance historique de l’accumulation

Le capitalisme se transforme sur le temps long.

« Nous ne voulons pas anticiper le monde dogmatiquement, mais découvrir le monde nouveau, en commençant par la critique du monde ancien. » Karl Marx Lettre à Arnold Ruge 

Marx cherche principalement dans le monde présent (et un peu passé aussi) les formes d’une société nouvelle. L’essentiel est la « critique impitoyable » du présent. « L’humanité ne commence pas une œuvre nouvelle, mais elle réalise son œuvre ancienne avec conscience » Karl Marx Lettre à Arnold Ruge

Marx n’est pas un penseur d’utopie. Il nous invite à trouver autour de nous les germes du changement, à prendre conscience du monde tel qu’il fonctionne pour en prendre le contrôle. Pour en faire quelque chose de bien. Le communisme est déjà dans la société d’aujourd’hui.

Où se trouve le communisme dans l’économie capitaliste ?

Avant que le capitalisme ne devienne dominant, la production agricole était dispersée, les artisans travaillaient seuls ou pratiquement. Le capitalisme commence par la socialisation du travail. Pas dans le sens de la propriété sociale bien sûr. Mais parce que la production est le fruit d’une coopération de travailleurs, rassemblés dans une usine. 

Clé #19 : Le mode de production capitaliste contient ses propres limites

Le travail coopératif est plus puissant, plus efficace et donc élimine tous les petits producteurs. Plus la production est réalisée à grande échelle, plus c’est productif et donc par la concurrence, on observe une tendance à la socialisation. Or, si le capitalisme devient totalement monopoliste, il n’y a plus de concurrence. Ainsi poussée à l’extrême socialisation du travail devient incompatible avec le capitalisme.

Après la seconde guerre mondiale, la socialisation des moyens de production a atteint un niveau très élevé. La mondialisation des années 80 a permis de défaire une grande partie de la socialisation du travail. Aujourd’hui, notamment avec les GAFAM et les immenses fonds de pension comme BlackRock on atteint un nouveau pic de concentration.

Clé #20 : Le système ne va pas s’effondrer de lui-même mais par la réappropriation consciente du système par les travailleurs

Le capitalisme est en perpétuelle évolution, la contrainte la plus forte sur le mode de production des années 1980 à 2020 était la finance. Depuis peu, c’est probablement devenu la crise écologique et l’inflation (et peut-être les révoltes citoyennes) 

L’expropriation des expropriateurs (les milliardaires qui captent la richesse et s’en servent pour accumuler encore plus de richesse) ne se fera pas toute seule. Le capitalisme peut détruire pratiquement sans fin. Il faudra le renverser. Bien garder en tête que la résolution des contradictions du capitalisme peut également amener à une forme de société beaucoup plus autoritaire, arbitraire.

Ce que propose Marx dans le volume III du Capital c’est « la suppression du mode de production capitaliste à l’intérieur du mode de production capitaliste lui-même. » 

Par exemple : les coopératives. La relation de servitude n’est pas directement présente, les travailleurs choisissent librement leur mode d’organisation. Autre exemple, plus surprenant : Dans les sociétés par actions, il y a également une socialisation du capital. En effet, il y a une délibération consciente entre les capitalistes. C’est socialisation réservés aux riches.

Le changement radical n’est pas le résultat d’une transformation totale de toutes les institutions. Ce que Marx propose c’est plutôt de se réapproprier consciemment, de reparamétrer des institutions dans un but de socialisation, d’éradication de l’exploitation.

« Mais si la production coopérative ne doit pas rester un leurre et un piège ; si elle doit supplanter le système capitaliste ; si les associations coopératives unies règlent la production nationale selon un plan commun, la prenant ainsi sous leur propre contrôle et mettant fin à l’anarchie constante et aux convulsions périodiques qui sont le destin inéluctable de la production capitaliste, que serait-ce (…) sinon du communisme ? » Karl Marx, La guerre civile en France, 1871

Remerciements à Cédric Durand pour la clarté de ses explications.

Remerciements à ; target="_blank" rel="noopener" style="border: 0px; margin: 0px; padding: 0px; background-color: transparent; transition: color 0.1s ease-in-out 0s, background-color 0.1s ease-in-out 0s; text-decoration: none; color: rgb(0, 89, 178);" target="_blank">l’Institut La Boétie pour l’invitation à cette séance de son cursus renforcé.

Par Ulysse